Culte du dimanche 13 décembre 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Luc 1,26-38
Mon frère, ma sœur,
Réjouis-toi. Le Seigneur est avec toi. N’aie pas peur. Tu as trouvé grâce aux yeux de Dieu. Tu mettras au monde. Tu appelleras.
Mon frère, ma sœur,
Rien n’est impossible de la part de Dieu. Veux-tu le servir ?
La rencontre merveilleuse entre l’ange Gabriel et Marie dépasse largement ces deux êtres. Cela va de soi : il est question d’un fils à naître, d’un fils pas comme les autres enfants qui peuvent venir au monde sur cette Terre. Ce fils va renouveler complètement la relation entre Dieu, le Créateur, et chaque être humain. Oui, renouveler, c’est-à-dire recommencer, refaire nouveau. Marie est la première à faire l’expérience de ce recommencement, de ce renouvellement.
En effet, ce qu’annonce Gabriel est-il vraiment inédit ?
« Le Seigneur est avec toi » ou, en style direct venant de Dieu, « Je suis avec toi » apparaît une quinzaine de fois dans le Premier Testament, en particulier à l’attention du prophète Jérémie, mais aussi pour Abraham et son fils Isaac. Écoutez Genèse 26,3-4 : « […] Je serai avec toi et je te bénirai, car c’est à toi et à ta descendance que je donnerai tous ces pays ; je tiendrai ainsi le serment que j’ai fait à Abraham, ton père. Je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel […] » Il y a beaucoup de points communs avec le message de Gabriel à Marie !
« N’aie pas peur » se retrouve encore plus fréquemment dans les deux parties qui composent nos bibles, dans la bouche de Dieu ou de ses porte-paroles.
« Tu as trouvé grâce aux yeux de Dieu » peut évoquer le pardon maintes fois accordé par le Seigneur envers son peuple, mais aussi, plus fondamentalement, ce jugement au terme de la Création, peu après avoir béni l’homme et la femme : « Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait : c’était très bon. » (Genèse 1,31). Ce regard de bienveillance et d’amour est premier. Il ne dépend en rien de nous, de nos paroles ou de nos actes.
« Tu mettras au monde » rappelle aussi la fécondité et la multiplication comme bénédiction, tant pour Adam et Eve que pour Abraham et Sarah, et de nombreux autres, parmi lesquels Zacharie et Elisabeth, les parents de Jean le Baptiste.
« Tu appelleras » : que ce soit le premier ou le deuxième chapitre de la Genèse, ou le début de l’évangile de Jean, la Bible énonce cette vérité essentielle : la parole est créatrice et source de vie. Et cette faculté n’est pas réservée à Dieu. En Genèse 1, tout d’abord, c’est par la parole que Dieu distingue les éléments du tohu-bohu originel. Mais en Genèse 2, c’est l’être humain qui est invité à nommer les espèces du vivant, et, en leur donnant un nom, il participe à l’œuvre qui consiste à reconnaître l’un de l’autre, à donner une existence à l’un, et une existence à l’autre. Au début de l’évangile de Jean, Dieu et la Parole sont intimement mêlés. La parole est donnée au monde, la parole prend chair dans le monde en Jésus.
Se réjouir, entendre le Seigneur dire « je suis avec toi », ne pas avoir peur, trouver grâce, donner naissance et appeler. Nous l’avons vu, ces bénédictions ne sont pas nouvelles, puisque le Premier Testament les déclinait déjà abondamment. Dans certains cas, ces bénédictions étaient accordées à un ensemble : l’humanité, symbolisée par le premier homme, le peuple de Dieu… Parfois, ce sont à des êtres singuliers que de telles paroles étaient adressées. L’ange Gabriel évoque certaines de ces figures : David, à qui le Seigneur avait promis que sa descendance est encore appelée à régner, et même à être appelé « fils de Dieu » ; Jacob, dont Dieu a changé le nom après un corps à corps décisif… L’évangéliste Luc, en rapportant les mots du messager, multiplie les références au Premier Testament. Mais l’ange ne vient pas faire une leçon de catéchisme à Marie. Il lui adresse, à elle, personnellement, de la part de Dieu, ces paroles qui ont déjà été éprouvées pour leur vérité par ses ancêtres.
Ces paroles, ce jour-là, sont pour elle. Dans ce récit du jour de l’Annonciation, intéressons-nous au bouleversement de la vie de la jeune femme. Nous ne savons que peu de choses d’elle, en particulier si on se limite aux textes qui ont été retenus pour former notre Nouveau Testament actuel. Elle habite Nazareth, elle doit épouser Joseph, descendant lointain du roi David. Nous savons aussi qu’elle était vierge. Quels ont été les événements des premières années de sa vie ? Nous l’ignorons. A priori, elle n’a pas non plus beaucoup d’indications sur son avenir, hormis un élément, qui n’est pas négligeable. Elle sait qu’elle va épouser Joseph, et pour cela elle va sûrement quitter son foyer afin d’en fonder un nouveau. D’un point de vue extérieur, sa situation est tout ce qu’il y a de plus ordinaire, conforme aux conventions sociales de l’époque. Mais on peut sans peine imaginer qu’à son niveau, cela constituait un événement ! Était-elle impatiente, ou éprouvait-elle un peu d’appréhension ?
Ce jour-là, quelques mois après que sa parente Elisabeth ait pris conscience qu’elle était enceinte alors qu’elle n’aurait pas dû l’être, Marie reçoit une annonce qui remet beaucoup de choses en cause. Elle se doutait bien qu’après avoir épousé Joseph, elle deviendrait un jour ou l’autre une mère. Mais Gabriel indique qu’elle sera enceinte avant d’être l’épouse de Joseph. Elle peut même craindre, quoi qu’en dise l’ange, que le mariage soit compromis. L’évangéliste Matthieu suggère en effet que Joseph aurait pu rompre les fiançailles. On comprend que le messager de Dieu ait multiplié les paroles rassurantes et réconfortantes !
J’insiste un peu sur le bouleversement des perspectives que pouvait avoir Marie. Cela ne résonne-t-il pas un peu avec les derniers mois que nous venons de vivre ? Pour nous aussi, projets de court et moyen termes ont été troublés, remis en cause, par des déclarations solennelles. Si prévoir est souvent une illusion, c’est aussi une nécessité. Dieu n’a sûrement pas voulu nous priver de cette capacité. Et je veux croire que ce que Gabriel a dit à Marie est valable pour nous aussi : le Seigneur est avec nous, réjouissons-nous, n’ayons pas peur…
Le quotidien de la jeune femme et surtout ce qui sera son avenir sont donc bouleversés. Elle répond alors : « Je suis l’esclave du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole. » Il y a deux façons de considérer cette réponse. La première, c’est d’être gênés. Les mots de Marie évoquent la soumission, et il ne serait pas absurde d’y voir une certaine résignation, une acceptation de ce qui ne peut pas être changé, ou pour le dire autrement, un renoncement à changer ce qui lui est indiqué. La deuxième, c’est d’estimer que cette acceptation, cette absence de révolte, est une marque de confiance. Ce que la jeune femme envisageait, avec sa perspective, est modifié, mais ce que Dieu promet, et qui est une bénédiction, cela va s’accomplir. Remplacer un projet humain, avec ses incertitudes, par une promesse d’un Dieu aimant et fidèle, une promesse riche en bénédictions, voilà ce que fait Marie.
La jeune femme, en acceptant que sa volonté s’accorde sur celle du Seigneur, permet à Dieu de proposer un profond renouvellement des relations entre lui et chacune et chacun des êtres humains. Car oui, si Dieu la bénit gratuitement, sans mérites particuliers, il a besoin de sa participation, de sa confiance, pour que ses promesses puissent s’accomplir. Je veux croire en effet que Dieu aurait respecté un refus de la jeune femme. Il aurait cherché, et trouvé, un autre moyen d’offrir la réconciliation à son peuple, à ses enfants, à l’humanité. Je veux croire en effet que la réponse de Marie était importante, car Dieu nous a créés fondamentalement libres. La réponse de Marie n’allait pas changer l’amour que Dieu lui portait. Mais quand elle se met au service du Seigneur, elle se met aussi au service du salut d’une multitude d’hommes et de femmes à travers les âges.
Oui, l’Annonciation dépasse Marie et Gabriel. Et pourtant, les paroles de la jeune femme sont non seulement personnelles, mais décisives. Si aujourd’hui, un message similaire nous était adressé, que répondrions-nous ? Garderions-nous un silence poli, qui surtout n’engage pas et, au final, ne sert à rien ? Opposerions-nous un refus qui conduirait Dieu à faire preuve, encore et toujours, de patience et de créativité ? Ou oserions-nous une parole par laquelle nous nous plaçons au service ?
Frères et sœurs, les bénédictions nous sont destinées. L’appel au service aussi. Ouvrons nos cœurs à ces bénédictions. Que l’Esprit nous aide à accepter de voir nos projets troublés : Dieu a besoin que nous nous mettions à son service pour sauver celles et ceux qu’il aime. Amen.