Rester Église malgré l’attente

Culte du dimanche 8 novembre 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : Matthieu 25,1-13

Vous le savez peut-être, avant d’étudier la théologie, j’ai suivi un cursus en sciences politiques. Et mon intérêt pour la chose publique n’a pas disparu. Cette semaine donc, comme tous les quatre ans, j’ai été très attentif aux élections présidentielles aux Etats-Unis, regardant quand j’en avais le temps les nouvelles des médias américains. Et, comme des centaines de millions de citoyens américains, comme des millions de citoyens du monde attachés à la démocratie, les jours ont été longs. Les présentateurs et journalistes ont été dans cette situation, il faut le souligner, des vrais professeurs de patience. Ils ont souvent expliqué et répété pourquoi ils s’interdisaient de donner une projection du résultat avant d’être suffisamment sûrs de leurs informations.

Mais même sans s’intéresser à la politique, il faut avouer que la patience est redevenue une priorité, une nécessité dans nos vies. Avec le Covid, avec les mesures de protection mises en place et fréquemment adaptées, nous devons nous résoudre à attendre avant de faire des projets, attendre avant de trouver de nouvelles dates aux événements déjà reportés plusieurs fois. Certains d’entre nous vivent aussi un confinement éprouvant. Je pense à ceux qui ne reçoivent peu ou plus de visites, notamment dans les EHPAD. Je n’oublie pas celles et ceux qui ne peuvent pas travailler et qui s’inquiètent pour leurs moyens de gagner leur vie, après des mois déjà difficiles.

Cette patience sous la contrainte entre en collision avec différentes dynamiques. La première, c’est la conscience que nous avons que notre vie terrestre est limitée ; un jour nous mourrons, mais aussi, chaque jour, alors que les années s’accumulent, nous sommes moins rapides. Le domaine des possibles se réduit. Deux autres dynamiques mettent à l’épreuve notre patience, ce sont deux mouvements contradictoires. Il y a le premier qui s’appuie sur la phrase « le temps, c’est de l’argent ». Des jours sans produire, des jours sans consommer, ce sont des jours « perdus ». L’abondance de la société de consommation nous a habitué à vouloir tout, tout de suite. Cette même abondance dépend pourtant de l’exploitation et du pillage de la Création. Et malgré le déni des puissances de l’argent, nous savons maintenant qu’il y a une vraie urgence climatique. C’est le deuxième mouvement. Nous savons que chaque année passée sans convertir significativement nos attitudes, chaque année perdue entraînera des difficultés considérables supplémentaires pour les générations les plus jeunes. Arriverons-nous à prendre, individuellement et collectivement, nos responsabilités ? Arriverons-nous à ne pas acheter tout à l’heure pour pouvoir vivre demain ? Saurons-nous veiller alors que la nuit s’avance ?

Car oui, dans la parabole racontée par Jésus, une de ces paraboles qui comportent des éléments qui nous choquent, dans cette parabole, nous sommes tentés de nous concentrer sur la gestion des stocks d’huile des jeunes femmes « avisées ». Tout est d’ailleurs fait pour cela, avec cette catégorisation en sages et en folles. Pourtant, les sages se sont endormies, elles aussi. En plus, elles ne sont pas prêtes à partager, alors que tant de fois, Jésus montre que la sagesse aux yeux de Dieu serait plutôt de mettre en commun le peu, pour que de ce peu, chacun ait le nécessaire. Bref, leur comportement n’est moralement pas irréprochable. De plus, la conclusion de Jésus n’est pas « faites des stocks » mais « veillez »… Si les jeunes femmes sages peuvent entrer avec le marié, est-ce parce qu’elles avaient leurs lampes allumées, ou tout simplement parce qu’elles étaient présentes, au bon endroit et au bon moment ? Le tort principal des folles est-il de ne pas avoir prévu de réserves d’huile, ou d’avoir dû s’absenter pour un achat improbable – car il n’est pas certain qu’elles aient trouvé un marchand disposé à leur vendre de l’huile au milieu de la nuit ?

Quand on a rencontré le Christ, quand on l’a reconnu comme son Sauveur et Seigneur, on a soif du royaume, on est impatient du règne de Jésus. Jésus l’a répété à ses disciples, « vous ne connaissez ni le jour, ni l’heure. » Dans d’autres passages bibliques, il est question de signes annonciateurs, mais depuis deux mille ans, nous savons qu’il est impossible de discerner sérieusement dans l’état de notre monde ce jour et cette heure. Ce n’est donc pas dans notre capacité à deviner le bon moment que se joue notre entrée dans le royaume. Ce n’est peut-être pas non plus selon notre degré de préparation que nous accompagnerons le marié dans la salle des noces ; en effet, il y a un message de grâce pour celles et ceux qui attendent, quand l’assoupissement est pardonné. Ce qui semble décisif, c’est d’une part de savoir que l’attente pourra être longue, et d’autre part, qu’il vaut peut-être mieux être là, les mains vides, pour recevoir cette grâce, plutôt que d’être parti ailleurs pour arriver les mains pleines.

Concernant notre vie chrétienne, notre vie d’église, l’enjeu consiste donc à veiller, c’est-à-dire à rester présents, même dans la nuit, même sans être prêts. Peut-être serons-nous attirés par le sommeil, mais alors, ne nous éloignons pas de celui qui est attendu. N’allons pas chercher dans des sagesses ou des sécurités humaines ce que le Christ nous donne. Oui, le cadeau, c’est nous qui le recevons. L’attente peut être longue, mais restons église. Ce n’est pas une question de pratique, pas un activisme ni même du présentéisme. Dans l’attente, soyons église, dans nos pensées, dans nos prières, dans nos paroles, et dans nos actes. Amen.

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