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Purifiés, rebelles… reconnaissants ?
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Culte du dimanche 14 février 2021
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Marc 1,40-45
Frères et sœurs,
Il y a deux semaines, c’était la Journée mondiale de la lèpre, une maladie dont les effets sont combattus par diverses organisations, dont l’association chrétienne Mission Lèpre. Si les chrétiens sont appelés à venir en aide à leur prochain, quel que soit le mal qui l’accable, force est de constater que la lèpre apparaît plusieurs fois dans la Bible. Vous le savez, le mot « lèpre » regroupe plein de maladies de peau ; il y a la lèpre proprement dite, et d’autres maladies que nous appelons aujourd’hui autrement. Dans le Premier Testament, en Nombres 12, Aaron et Myriam critiquent Moïse ; Myriam est alors couverte de lèpre avant que l’intercession de Moïse ne vienne mettre fin à ce phénomène, présenté alors comme la conséquence d’une parole de médisance ; dans ce passage et plus généralement, une maladie de peau est une punition divine pour un péché. Mais la gêne et la souffrance physique ne sont pas les seules sanctions. Marque de péché et donc d’impureté, parfois contagieuse, la maladie de peau nécessite l’isolement de la personne malade, qui ne peut pas réintégrer sa famille, sa maison, son lieu de vie et de travail, à moins d’avoir été officiellement reconnue comme purifiée. Ces règles sont précisément décrites dans les chapitres 13 et 14 du Lévitique.
Ces rappels effectués, nous comprenons bien comment un lépreux a osé s’approcher de Jésus, qui avait déjà accompli de nombreuses guérisons dans la région. Nous comprenons pourquoi il prend ce risque, pourquoi il le supplie : après tout, il n’a pas grand-chose à perdre. Prêtons attention à ce qu’il demande à Jésus : il souhaite que Jésus le purifie. La priorité pour lui est de mettre fin à son exclusion religieuse, à son isolement social. La question de sa santé physique apparaît secondaire. Jésus va répondre à sa demande : « Je le veux, sois pur. »
Mais avant de prononcer ces paroles, Jésus a étendu la main et a touché le lépreux. Ce contact peut prendre plusieurs significations : il peut s’agir d’un premier geste préfigurant la sortie de la catégorie des « intouchables » ; c’est aussi, et c’est fréquent chez Jésus, une marque d’attention pour la personne dans son entièreté. Mais dans ce contexte, alors qu’un lépreux s’est approché de lui, bien portant, contrairement à ce qui était permis, Jésus répond à ce courage en prenant lui aussi un risque. Il semble ici transgresser la Loi. Il est vrai que pour cet homme lépreux, la Loi le condamne, non seulement à l’isolement, mais à la réprobation des siens : encore une fois, s’il est malade, c’est qu’il a commis une faute. Jésus suggère peut-être qu’une telle compréhension de la Loi n’est pas conforme à la volonté de Dieu. Nous verrons dans un instant qu’il ne s’agit pas de renoncer à la Loi pour autant. En attendant, Jésus prend davantage qu’un risque : en touchant un impur, normalement, il devient lui-même impur. L’impureté, c’est comme la saleté : ce qui est impur peut rendre impur ce qui ne l’était pas. Mais la réciproque n’est pas vraie… On ne rend pas un objet propre en le nettoyant avec un objet sale ! Bref, ici, l’impureté d’un homme devrait contaminer le deuxième. Or c’est bien après ce contact que Jésus va rendre pur celui qui l’avait supplié. Jésus, théoriquement rendu impur, restaure la pureté de son interlocuteur. Alors que va s’ouvrir dans quelques jours le temps du Carême, qui nous conduira à Pâques, le passage que nous commentons ensemble annonce déjà ce qui se passera à la Croix, comment le Christ va prendre sur lui nos impuretés, et comment sa mort à cause de notre péché nous rend purs.
Jésus est-il devenu impur à ce moment ? Je ne sais pas, mais à la fin du passage, il va quand même être forcé de se tenir éloigné des villages et des bourgs de Galilée. En effet, le lépreux ne garde pas le silence, et va raconter ce qui lui est arrivé à tout le monde avant d’aller voir un prêtre pour être réintégré et pour offrir un témoignage de reconnaissance à Dieu ; du coup, les foules veulent encore davantage s’approcher de ce guérisseur qu’elles prennent pour un magicien. Pour éviter des mouvements dangereux, Jésus ne peut plus entrer dans des villes : c’est comme s’il était lui-même lépreux, impur ! Jésus doit rester dans des lieux non habités mais qui sont quand même très animés puisque les foules viennent l’y retrouver.
La situation désespérée du lépreux s’est transformée en Bonne Nouvelle. Alors que depuis un an, nous devons garder de bonnes distances les uns avec les autres, bien que la lèpre et le coronavirus soient difficilement comparables, n’avons-nous pas parfois nourri le soupçon que ceux qui étaient malades avaient pris des risques ? Frères et sœurs, nos modes de vie influent en partie sur notre santé, mais la maladie et le mal en général ne fonctionnent pas sur un principe de cause-conséquence. Le lépreux était-il un homme mauvais ou un saint avant de souffrir ? Impossible de le savoir, et peu importe.
Mais remarquons encore quelque chose. Les éditions d’étude des Bibles, c’est-à-dire les Bibles avec de nombreuses notes de bas de page, ces Bibles attirent l’attention du lecteur sur le début du verset 41. Il s’agit de l’émotion de Jésus quand le lépreux s’approche de lui, s’agenouille et le supplie. La plupart des traductions vont écrire « ému » ou « bouleversé ». Cela correspond à un mot grec que l’on trouve dans beaucoup de manuscrits. Mais certains manuscrits fiables comportent, en grec, un mot que l’on traduirait davantage par « irrité ». Jésus serait « irrité » : soit à cause de la Loi qui punit doublement ce malade, soit par le comportement futur du lépreux. Cette irritation, d’ailleurs, est explicite aux versets 43 et 44, quand Jésus renvoie l’homme, sévèrement, en lui demandant d’une part le silence, et d’autre part l’accomplissement du rituel prévu par la Loi pour officialiser sa guérison, sa purification, sa réintégration dans le groupe. Jésus devait en fait savoir que l’homme ne lui obéirait pas. Ce lépreux est un humain comme vous et moi, à la volonté fragile, souvent rebelle. Pourtant, Jésus ne s’abstient pas de lui venir en aide, malgré cela.
Frères et sœurs, ce n’est pas parce que nous avons été pardonnés par Dieu que nous évitons de lui désobéir, que nous sommes empêchés de faire du mal à d’autres, que nous ne sommes plus pécheurs. La grâce est première, et elle nous est accordée alors même que nous sommes incapables de demeurer purs et saints devant Dieu, aimants et bienfaisants envers nos prochains. Réjouissons-nous de cette grâce malgré tout.
Avant de finir, rappelons-nous que si nous n’avons pas besoin d’aller nous montrer à un prêtre pour que notre dignité soit officiellement restaurée, Jésus nous recommande néanmoins de manifester visiblement notre reconnaissance à Dieu. Le lépreux guéri est invité à donner une offrande, conformément au Lévitique. Pour lui comme pour nous, ce qui compte, c’est de rendre gloire à Dieu pour le bien dont nous sommes bénéficiaires. Pour lui comme pour nous, la Loi peut être transgressée quand elle nous enferme dans des impasses, mais la Loi est bonne quand elle nous oriente vers le Seigneur. C’est dans un tel mouvement de reconnaissance et de louange que nous goûtons pleinement à notre vie restaurée. Cette action de grâce est première ; ensuite alors, et parce que nous sommes après la Croix puis le tombeau vide, ensuite alors, le Christ nous permet et mieux même nous demande de faire connaître la Bonne Nouvelle.
Aujourd’hui encore, Jésus accueille notre détresse. Il prend sur lui ce qui nous fait souffrir. Il le fait, même si nous ne mènerons pas parfaitement notre vie d’après. Essayons néanmoins de nous souvenir de ses dons, de lui en être reconnaissant. Car si les impuretés sont contagieuses, la joie et l’amour le sont également ! Amen.