« Où es-tu ? Qui es-tu ? »

Culte du dimanche 13 février 2022
Prédication écrite par le pasteur Pierre Blanzat,
lue lors du culte animé par le pasteur Hervé Missemer et Brigitte Rouby

Textes bibliques : Genèse 3,9-10 ; 2 Corinthiens 4,13-5,1 ; Marc 3,31-35

Frères et sœurs, dans ces textes (pas forcément très simples) nous entendons des questions de toujours : Où es-tu ? Qui es-tu ?

Cela pourrait faire le début d’une prière et d’ailleurs combien de fois de telles prières nous sont montées au cœur… à de multiples occasions :
Où es-tu Seigneur, quand je te cherche à tâtons !
Où es-tu, toi dont je ne perçois pas toujours la présence ? Toi dont je cherche parfois en vain… les traces dans la Bible, dans les Églises, parfois dans les événements de ma vie !
Où es-tu quand la nuit tombe au creux de mon existence ? Où es-tu ? Question fondamentale… et autre question fondamentale :
Qui es-tu Seigneur ? Toi le mystère ? Une force créatrice ? Un esprit ? Une personne ? Une communion de personnes ? Oui qui es-tu, Ô notre Dieu ?
Qui es-tu ? Où es-tu ? Questions éternelles de l’homme à Dieu… Sauf que… dans les textes que nous avons écoutés, ce n’est pas l’être humain qui interroge son Dieu, mais c’est Dieu qui interroge l’être humain.
Où es-tu ? demande Dieu à cet être humain qu’il a façonné ! Cet être qu’il a placé dans un jardin immense et fécond en lui donnant avec la liberté, la responsabilité de le cultiver.
Où es-tu ? demande Dieu… car dès le commencement ce n’est pas l’homme qui cherche Dieu, c’est Dieu qui se met en quête de l’homme ! Dès l’origine, ce n’est pas Dieu qui se cache, mais l’être humain qui se cache… à peine qu’il a goûté à la liberté … à peine a-t-il expérimenté qu’il ne pourrait pas éternellement tenter de se défausser sur les autres, sur un serpent ou sur une compagne…

L’être humain se cache… sitôt que sa prétention à l’autonomie, le met à nu, le met à découvert… à peine, il prend conscience qu’il est vulnérable, que l’homme prend peur et se cache de Dieu… D’où la question de Dieu à l’homme : où es-tu ? Question éternelle, question essentielle, question originelle… question qui ouvre la révélation biblique.
Où est l’homme ? Où se cache-t-il ?… et, l’on perçoit immédiatement que si l’histoire biblique est bien « révélation de Dieu », elle est tout autant « révélation de l’Homme »… dévoilement de l’être humain pour l’aider à sortir de sa cachette afin de s’exposer à la vie.
Où es-tu… Et qui es-tu : Questions posées à l’être humain que nous sommes ! Mais peut-être que ces questions ne se posent pas vraiment pour nous…

Où es-tu ? Je suis dans un temple… je ne me cache pas, nous ne nous cachons pas de Dieu, nous sommes dans un temple, dans une Église.
Et qui sommes-nous ? Nous sommes chrétiens, nous sommes baptisés, nous sommes de la famille de Jésus, nous le revendiquons haut et fort peut-être ! Et nous n’avons pas forcement tort ! L’Évangile cependant nous rappelle en quelques mots que se revendiquer de la famille de Jésus, ne saurait se limiter à un tampon sur une carte d’identité, à un arbre généalogique, ni même à un certificat de baptême. Être de la famille de Jésus, être pour lui un frère ou une mère, cela suppose d’abord et avant tout de faire la volonté de Dieu lui-même.

Ce « qui es-tu » résonne avec un « que fais-tu » ? Ta propre volonté… celle des autres… celle du système… ou bien celle du « Tout Autre » !

Où es-tu ? Qui es-tu ? Que fais-tu ? Trois minuscules questions qui peuvent très rapidement soulever d’énormes difficultés à quiconque essaie de les entendre et d’y répondre.
Est-ce que je me cache devant Dieu ? Est-ce que moi aussi je me retrouve être le jouet de mes peurs, de ma honte, de mon incapacité à me tenir nu et vulnérable devant celui qui m’a créé ?
Qui suis-je comme croyant ? Est-ce que je me comporte comme la famille de Jésus, indéniablement proche de lui par le sang, mais aussi prête à le préempter, à vouloir le contrôler, le faire rentrer dans mes propres normes, mes propres principes, quitte à n’en faire qu’à ma tête voire faire le contraire de sa volonté et le contraire de la volonté de Dieu ?
Oui en définitive, qu’est-ce qui oriente mes actes, mes choix, mes paroles, mon éthique ? Est-ce vraiment l’évangile ou bien mes propres repères, ma petite tête si bien faite, ce que j’ai pu acquérir de la connaissance ?
Où es-tu ? Qui es-tu ? Que fais-tu ? Trois questions minuscules. Sans doute pas inutiles parce qu’elles nous bousculent… mais des questions aussi qui peuvent facilement nous faire chavirer. Où es-tu ? Qui es-tu ? Que fais-tu ? Loup y es-tu ?… Si le loup y était… il nous mangerait !

C’est toujours le même défi éternel : les questions existentielles qui se posent à nous sont à double tranchant. Elles peuvent salutairement nous faire bouger, nous aider à faire de judicieuses prises de conscience, nous sortir la tête du seau et nous mettre face à la réalité. Elles peuvent aussi, nous brasser, nous faire perdre pied et nous engloutir dans un océan d’incertitudes qui pourrait bien avoir raison du peu de foi que nous avions encore !

Pas étonnant qu’au final ces questions universelles, peu de contemporains ont l’audace de se les poser sérieusement, car il y a effectivement de quoi avoir peur peut-être et désormais vous savez tous que l’on peut toujours se cacher !

Pourtant, chacun des trois textes à sa manière nous encourage à faire face à ces énormes mini-questions… avec une certaine sérénité.

Le texte de la Genèse donne le ton d’un Dieu qui part à notre recherche, si bien que, si vous avez le sentiment de vous être un peu caché, et même si vous avez le sentiment d’être totalement perdu, soyez sûr que le Dieu qui nous a donné la vie, ne lâche pas l’affaire, soyez sans crainte…

La Bible d’un bout à l’autre est une démonstration de la quête que Dieu mène pour nous retrouver. C’est le sens même de la venue du Christ, c’est le mouvement même de l’incarnation et de la passion : Dieu donne tout, Dieu se donne totalement pour nous retrouver…

L’Évangile que nous avons lu quant à lui, nous présente un Christ qui prend la parole au milieu de gens non pas pour les accabler, mais bien au contraire pour leur dire à quel point il se sent proche d’eux : c’est regardant ceux qui l’entoure, ceux qui sont venus écouter sa Parole, c’est à eux qu’il dit qu’ils sont pour lui des frères, des sœurs, une mère.
Et Paul lui-même dans son épître aux Corinthiens, nous offre un merveilleux exemple d’articulation pour notre foi. Comment faire face à ces questions : Où suis-je ? Qui suis-je ? Que fais-je ? En tenant la gageure de la lucidité vis-à-vis de nous même dit Paul, tout en recevant de la confiance de celui qui nous a aimés plus que sa propre vie.

Car c’est cela le chemin du salut : garder résolument les deux yeux grands ouverts, pour faire face au réel tel qu’il se présente, sans se dérober, tout en ne lâchant pas des yeux Jésus, qui lui-même a affronté le réel jusqu’au bout, jusqu’à la mort, mais qui en a triomphé par sa résurrection !

C’est parce que Paul tient cette gageure, de faire face courageusement à la réalité qui peut-être âpre, tout en ne perdant pas du regard, ce que le Christ est venu accomplir au milieu de nous et pour chacun de nous… C’est à cause de cela que Paul peut proclamer : « C’est pourquoi nous ne sommes pas découragés. Et même si notre corps s’use petit à petit, ce qui est au fond de nous devient chaque jour nouveau »
Et l’apôtre Paul de poursuivre : nos souffrances actuelles (bien réelles) durent peu de temps et ne peuvent nous écraser tout à fait, car au bout du compte elles pèsent moins lourd que ce qui compte vraiment, cette gloire unique et qui dure toujours, et bien cette gloire de Dieu, son poids d’amour qu’il manifeste en se donnant au monde, est beaucoup plus grand que le poids de nos souffrances.

Ça, c’est ce que dit Paul aux Corinthiens !!!… c’est peut-être un peu vite dit, vous direz-vous… et je serai moi-aussi spontanément porté à dire comme vous ! Mais ce n’est pas moi qui le dit, c’est Paul. Paul qui a eu une vie, tout sauf facile !

Je vous rappelle que Paul a vécu un bouleversement dans sa vie qui a été un véritable tsunami. Lui qui était un persécuteur de l’Église est devenu l’un de ses principaux leaders. Vous pouvez imaginer facilement qu’il n’avait pas que des amis, qu’il a dû probablement porter tout au long de sa vie une forme de culpabilité pour avoir déporter, fait arrêter nombre de chrétiens.

Il a été lui-même arrêté, mis en prison. Il semble qu’il souffrait d’une maladie chronique dont il parle comme d’une écharde dans sa chair, et une écharde est un euphémisme vu que le mot que Paul utilise en grec « skolops » signifie un pieu dans lequel on s’empale… Ce n’est pas une écharde dans un doigt, c’est un pieu qui le traverse de part en part…

C’est ce Paul qui connaît si bien la souffrance parce qu’il la vit au quotidien, ce Paul qui place sa vie douloureuse telle qu’elle est, dans la perspective extraordinaire de l’amour de Dieu et de la victoire de la vie sur toutes les forces mortifères.

Nous, nous ne cherchons pas ce qu’on peut voir, nous cherchons les choses qu’on ne voit pas. En effet, ce qu’on peut voir ne dure pas longtemps, mais les choses qu’on ne voit pas durent toujours.

Avec ce témoignage de Paul, on ne peut que penser aux vies d’hommes et de femmes, de frères et de sœurs, de tas de gens que nous connaissons, qui traversent des choses incroyablement difficiles, qui luttent aux long des jours et des années au – delà de toutes limites imaginables. Et qui en dépit de tout ce qu’ils traversent et qui aurait pu les engloutir 100 fois complètement, tiennent encore debout, et ont encore de l’espace en eux pour se préoccuper des autres. Et encore la force d’aimer, et encore l’audace d’espérer.

Certainement que ces hommes et ces femmes-là, comme Paul, cherchent et vivent des choses qu’on ne peut voir et qui sont infiniment plus grandes que ce que nous voyons…
Des choses qui ne peuvent se voir peut-être que les yeux fermés, en serrant la main de quelqu’un qu’on aime, parfois des heures durant sans un mot peut-être intensément.

Des choses qui ne se voient pas mais qui mettent pourtant de la lumière dans les yeux et du feu dans le cœur de ceux qui expérimentent que la simple présence de quelqu’un, d’un enfant par exemple, peut changer la face d’une journée et peut-être de toute une vie…

Ces hommes, ces femmes, ces frères et sœurs, tout proches de nous, sans le savoir peut-être, sont pour nous des épîtres vivantes, des lettres ouvertes adressées à nos vies, qui remettent les choses en perspective…

Où ils sont ? Qui ils sont ? Qu’est-ce qu’ils font ? Pas de doute. Ils sont tout proche de la source, ils la reflètent sur leur visage, elle coule et transparaît dans leurs attitudes et rafraîchit ceux qui croisent leur route.

Si vous entendez cela un jour, en vous mettant à l’écoute de l’Évangile et de la Parole de Dieu.

Si vous réalisez cela un jour en regardant vivre un proche, un ami, un frère, une sœur… alors fermez les yeux et bénissez… Dieu qui vous a créé avec des oreilles pour entendre, des yeux pour voir et un cœur pour aimer, et qui a eu raison de la faire, parce qu’en cet instant vous entendez, vous voyez et vous aimez. Amen.

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