Culte du dimanche 10 avril 2022 (Rameaux)
Prédication par Gérard Perrier
Textes bibliques : 1 Rois 1,32-40 et Luc 19,28-40
Chaque année quand arrive le dimanche des Rameaux, je trouve que la joie de cette fête est paradoxale – Je me demande aussi ce que cette entrée théâtrale de Jésus dans Jérusalem peut encore nous dire aujourd’hui.
Aujourd’hui on pourrait comparer cette entrée dans la ville aux rituels qui suivent nos élections présidentielles – Quand le président de la République française est élu, il descend l’avenue des Champs-Élysées en voiture, acclamé par la foule.
Est-ce le besoin de montrer en chair et en os celui qui est arrivé le premier dans les urnes et qui va diriger le pays ?
Est-ce le besoin d’acclamer celui qui vient d’être élu, et qui va représenter la France pendant plusieurs années ?
En tout cas, ce rituel marque un commencement, une impulsion nouvelle à la vie politique, et un début.
Le président imprime quelque chose de sa personnalité dès le début et cela donne lieu à de multiples commentaires.
Nous avons des origines différentes, nous qui sommes rassemblés ici ce matin, et j’imagine que chaque pays a sa façon particulière de célébrer, avec plus ou moins de faste, la victoire de celui qui dirige le pays.
Par contre, celui qui entre à Jérusalem n’a pas été élu et n’est pas un dirigeant.
Jésus vient d’un coin méprisé par ceux de la capitale, il vient de Galilée « il ne sort pas de prophète de Galilée » diront les pharisiens dans l’évangile de Jean – « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » dira même Nathanaël, futur disciple – Ce mépris, on le connaît bien en France aussi. En dehors d’une certaine caste, plus rien n’existe et n’est digne d’attention.
Jésus se relie aux plus oubliés – La joie de cette fête a un goût amer.
En effet, celui qui est acclamé, reconnu comme un roi, va mourir. Jésus l’a annoncé, il sait qu’en entrant à Jérusalem il entre dans la gueule du loup. Il vient affronter ceux qui veulent le tuer. En entrant dans cette ville, il met les pieds sur le territoire de ceux qui détiennent le pouvoir religieux.
En venant à Jérusalem, Jésus sait tout l’enjeu qu’il y aura à prêcher une religion d’amour et non une religion basée sur des rituels des sacrifices, gage de l’obéissance à la loi.
D’ailleurs, juste après notre passage, quand Jésus voit la ville, il pleure sur elle : « Si toi aussi tu avais su en ce jour comment trouver la paix… » Alors qu’on vient d’entendre :
« Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » Cette joie des disciples est éclatante – Il fallait donc qu’il y ait ce moment de joie avant le drame à venir ? « Bénis soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » : cette bénédiction vient du psaume 118, un psaume de louange qui acclame la fidélité de Dieu.
Il fallait donc que Jésus soit acclamé et reconnu comme celui qui vient au nom du Seigneur, comme le messie-roi attendu depuis les prophètes ?
Cette acclamation ne plaît pas à tout le monde. Quelques pharisiens présents au milieu de la foule disent: « Fais les taire ! » Jésus répond : « Si eux se taisent, les pierres crieront !»
Une pierre qui crie est une image forte ! Ce passage qui est rempli de citations de l’ancien testament, évoque le prophète Habacuc : « la pierre du mur criera, la charpente lui répondra ». Le prophète dénonce le mal, la pierre crie la vérité.
C’est une façon de dire que la vérité sur Jésus ne pourra pas être cachée, et cela ira bien au delà de toute loi naturelle, avec la résurrection.
Ce temps de reconnaissance de la fête des Rameaux est un temps où l’on ne se tait pas. Où l’on ne doit pas se taire. Ce temps est nécessaire pour Jésus et pour ceux qui l’acclament. Car un temps va venir où les disciples se retrouveront seuls et là, ils n’oseront plus parler. Au moment où Jésus est emmené et interrogé, Pierre suit de loin. Dans la cour du grand prêtre, une servante le reconnaît à son accent : tu es un Galiléen toi aussi ! Pierre va mentir et va dire qu’il ne connaît pas Jésus. Même après la résurrection, il n’y aura pas de temps de reconnaissance officielle.
Jésus se montre aux femmes, aux douze disciples. Et même si l’apôtre Paul nous dit que Jésus est apparu à plus de 500 frères à la fois (1 Cor 15), rien n’est raconté de cette apparition.
Quand Jésus apparaît après sa résurrection, c’est un autre temps qui commence, le temps de la joie indicible, le temps de l’espérance qui met les disciples sur les routes. Temps de la proclamation de la bonne nouvelle et de sa mise en pratique.
Revenons à ce temps de l’acclamation, et demandons-nous comment ce temps peut trouver un sens dans ce que nous vivons aujourd’hui ? La piste que je voudrais développer est celle de la louange et de ses bénéfices.
Un jour, un paroissien m’a fait comprendre les différentes façons de louer Dieu. Ce qui m’a frappé dans cette réflexion, c’est que la louange ne vient pas naturellement. Il faut faire un effort pour y penser.
Cette acclamation des Rameaux a pourtant l’air de venir spontanément, avec l’émulation de la foule, le nombre est un facteur important. Est-il plus facile de louer Dieu quand on est nombreux, au culte par exemple ?
Certaines églises évangéliques jouent sur cette émulation du nombre et de l’ambiance pour se mettre dans la présence de Dieu. Alors que notre église protestante unie est plutôt dans l’intériorité.
La louange est un geste auquel il faut donc penser. Mais elle nous permet de nous tourner vers ce qui est bon. Qu’elle soit individuelle ou collective, elle nous force à détourner notre regard de nous-même, pour regarder ailleurs, vers un plus grand que nous.
Elle nous force à oublier un peu nos soucis, pour comprendre que toute notre vie est regardée et comprise par Celui qui désire notre joie.
Pendant longtemps, la relation à notre Dieu (et on le retrouve dans beaucoup de religions) se concrétisait par des sacrifices. On pensait que leur odeur apaisante faisait plaisir à Dieu. Mais la voix des psaumes ou des prophètes vient dire que la louange est préférable au sacrifice.
Jésus ira dans le même sens en parlant d’un cœur sincère préférable à tous les rituels hypocrites.
L’acclamation des Rameaux reconnaît Jésus comme le messie, le Seigneur.
Reconnaître l’autre pour ce qu’il est.
C’est aussi ce qu’on a entendu dans l’acclamation de Salomon par la foule. Pour bien montrer aux autres fils de David qu’il n’y a qu’un seul roi – Dire Dieu, reconnaître Jésus comme son image vivante. La louange est aussi un témoignage. Cela ne rejoint-il pas ce qui nous est demandé dans le notre Père : « que ton nom soit sanctifié », c’est à dire que nous puissions reconnaître Dieu comme celui qui est unique, un Père révélé par Jésus, image de Dieu.
La louange nous met dans la présence de Dieu. Penser à louer Dieu, c’est entrer dans la conscience de celui qui nous fait exister.
La louange nous place debout devant Dieu, comme dans notre culte. Mais la louange peut se vivre comme la prière, à tous les moments de notre vie, seul ou dans une assemblée.
Louer Dieu, c’est reconnaître ce qu’il est pour nous, ce qu’il fait pour nous. Quand on lui dit merci, nous reconnaissons qu’il est un Dieu qui donne – Il nous donne la vie et notre cadre de vie, la terre – Il nous donne tout ce qui nous fait aimer la vie. Il nous donne un Sauveur qui nous sauve de ce qui nous fait souffrir et qui a ouvert le chemin de la vie éternelle.
Louer Dieu, c’est se mettre en sa présence et se libérer du carcan du pessimisme et de la plainte. C’est décentrer notre regard de nous-même. Il est évidemment plus facile d’être dans la louange quand on est heureux, notre reconnaissance vient spontanément.
Mais il est bon aussi de louer Dieu au milieu des épreuves. C’est difficile mais c’est aussi une façon de lui faire une place dans notre vie – Ça nous arrive peut-être de voir la beauté de la nature quand nous n’avons pas le moral ? Le petit Prince, dans l’histoire de Saint Exupéry ne disait-il pas qu’il allait voir un coucher de soleil quand ça n’allait pas ?.
Si nous sommes capables d’être sensible à la beauté de la nature, nous pouvons aussi nous souvenir que ces beautés viennent de Dieu.
Quand nous sommes malheureux, c’est une façon de se libérer de l’emprise du mal et de se tourner vers Dieu en reconnaissant ce qu’il fait de bon pour nous : il met sur notre route des personnes qui vont nous aider, il nous entoure d’une famille aimante, ou d’amis qui nous soutiennent.
La louange porte en elle une puissance car elle nous aide à recevoir cette liberté des enfants de Dieu – Ne nous taisons pas ! – Ne laissons pas les pierres crier !
C’est à nous de dire l’espérance que va nous apporter Pâques. Chantons la joie de la résurrection !
Amen.
Le pasteur David Veldhuizen assurait le culte à Chateaudouble ; vous pouvez trouver sa prédication sur Luc 19,28-40 ici.