Le seul berger dont nous avons besoin pour sortir

Culte du dimanche 3 mai 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : Jean 10,1-10

Chers amis,

Depuis Abel, le fils d’Adam et Eve, en passant par David, fils de Jessé, avant qu’il ne devienne roi, jusqu’à aujourd’hui, il y a toujours eu des bergers. C’est une réalité et une image quasi-universelles, quasi-intemporelles, même si nous connaissons peut-être directement moins de bergers en 2020 que nos ancêtres ont pu en connaître. Quand une histoire ou un discours utilise un tel univers, ce récit ou ce propos est à priori compréhensible par chacun, même si on apprend que parfois, certains ne disposent pas des clés pour comprendre. Ce n’est pas par hasard que dans la Bible et dans la bouche de Jésus, il est souvent question de bergers et de troupeaux. Peut-être trois mille ans après sa rédaction, le Psaume 23 constitue toujours un court poème capable d’apporter un réconfort et un apaisement importants, notamment dans les périodes éprouvantes, par exemple lorsque nous traversons un deuil. Il nous arrive parfois d’avoir l’impression de passer à travers une vallée d’ombre et de mort, ou d’être entouré d’adversaires. Le Psaume affirme que Dieu est celui qui nous défend, qui nous guide, qui nous donne de quoi vivre dans la joie.

Jésus reprend de telles thématiques à plusieurs reprises, des thématiques qui étaient donc familières à ses auditeurs. Dans l’évangile de Jean, au chapitre 10, il se définit d’abord comme le seul vrai berger. Nous comprenons alors qu’à la différence d’autres qui se voudraient eux aussi bergers, Jésus est le seul qui entre dans nos vies par la porte, c’est-à-dire sans violence, sans que cela s’accompagne de mauvais procédés ou de mauvaises intentions. C’est le seul dont la voix prononce nos noms de façon à nous apaiser dans cette rencontre, et à nous encourager à sortir. C’est le seul à prendre soin de nous plutôt que de satisfaire ses intérêts.

Il y a une mise en garde discrète dans ce message : ils sont nombreux, ceux qui se voudraient bergers des autres, mais qui ne sont en fait que des voleurs, des brigands, motivés par la cupidité ou d’autres forces de destruction et de mort, comme le suggère le verset 10. Mais ces pseudo-bergers ne sont pas que les autres. La méthode Godly Play le suggère dans sa mise en scène du Bon Berger, que certains ont peut-être regardé. A côté de ce dernier, de ce Bon Berger, plutôt que des bergers foncièrement mauvais et méchants, il y a des bergers ordinaires, comme vous, comme moi. Tous, finalement, nous sommes tour à tour des brebis en attente de berger, et de potentiels bergers ordinaires, bien intentionnés mais qui laissons notre égoïsme l’emporter sur notre responsabilité de soin et de protection à l’égard de ceux qui nous sont confiés. Ceux qui nous sont confiés, ce sont toutes celles et tous ceux avec lesquels nous sommes invités à vivre, chez nous, dans nos villages, nos quartiers, nos villes, nos pays. Car d’autres paroles de Jésus nous rappellent qu’il n’y a pas de limites à la question de qui est mon prochain. Nous le savons, même si la tache n’était pas immense, nous ne serions pas capables de l’accomplir seuls. Nous sommes des bergers fragiles, vulnérables, très ordinaires. Mais il existe un vrai bon berger. Un seul.

A notre époque, nous avons tendance à considérer que beaucoup de chemins se valent. Le propos de Jésus dit autre chose, radicalement. Cette radicalité devrait être la nôtre quand nous confessons Jésus comme le Christ, notre Sauveur et Seigneur. Car oui, si de telles affirmations sont d’abord un engagement personnel, elles signifient aussi que nous avons trouvé le seul vrai et bon berger, pour nous et pour le monde. Ce bon berger, nous l’avons reconnu à sa voix, au fait qu’il nous connaisse et nous aime, qu’il vienne à nous sans commettre le mal (par la porte), et aussi parce qu’il constitue le point de passage entre la bergerie, close et sûre, confinée en quelque sorte, et le monde extérieur, où non seulement nous pouvons cheminer et évoluer, mais déjà où nous pouvons trouver de quoi nous nourrir et nous désaltérer.

Comme les autres espèces, nous n’avons pas été créés pour vivre confinés dans la bergerie, aussi confortable et sécurisée soit-elle. D’ailleurs, nous nous y sentons vite à l’étroit, et l’enfermement provoque certains troubles que nous avions tendance à minorer quand ils concernent les autres, par exemple des prisonniers. Nous avons été créés pour être en relation avec les autres et avec notre environnement, avec la Création et les autres créatures. Or pour que cela soit possible, il nous faut bien penser à sortir de la bergerie. Il nous faut trouver la bonne porte à franchir, le bon berger à suivre, pour qu’à l’extérieur, nous puissions aussi trouver de quoi boire et de quoi nous nourrir, chacune et chacun. Les eaux pures ne sont pas réservées à un seul mouton, les verts pâturages à une seule brebis. Il y a assez pour chacun, il y a assez pour le troupeau, il y a assez pour tous ceux que le berger rassemble.

Frères et sœurs, après les angoisses liées à l’inconnu de la situation de confinement, apparaissent ces jours-ci de nouvelles peurs. Nos vies et nos projets sont soumis à des incertitudes inédites ; ou, pour être plus exact, de nouveaux paramètres, qui nous échappent, comme tant d’autres auxquels nous ne prêtons pas attention, de nouveaux paramètres sont à prendre en compte pour les semaines et les mois à venir. Sortir, finalement, ne s’annonce pas aussi facile ou réjouissant que le troupeau enfermé trop longtemps dans la bergerie l’a idéalisé. Oui, dehors, il y a des endroits dangereux, des passages difficiles. Pourtant, appelés par la voix du bon berger, en passant par la porte qu’il est lui-même, en le suivant, la vie nous attend, dehors, avec nos frères et nos sœurs, et avec d’autres. Un jour nous pourrons sortir, avec confiance. Amen.

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