La Parole de vie pour patrimoine

Culte du dimanche 19 septembre 2021
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : Psaume 139




Chers amis,

En tant que croyants, quel patrimoine pouvons-nous donner à voir ? En ces Journées européennes du patrimoine, et en restant proches de nos dictionnaires, nous pensons d’abord à nos lieux de culte. Le temple dans lequel nous sommes, par exemple, a été ouvert hier après-midi et il le sera encore après déjeuner. Mais la notion de patrimoine, très proche de celle d’héritage, la notion de patrimoine suggère fortement le fait d’être propriétaire de quelque chose, que l’on a reçu de ses ascendants, et/ou que l’on constitue pour le transmettre aux générations qui nous suivent. Or d’un point de vue juridique, ce temple ne nous appartient pas ! Il est affecté au culte protestant et c’est pour cela que nous nous en servons principalement.

De plus, dans notre compréhension protestante de ce qu’est une communauté de croyants, de ce qu’est l’Église appelée par Dieu, quatre murs ne peuvent pas constituer notre patrimoine. Ce n’est pas parce que depuis plus de deux cent ans des personnes sont venus dans ce temple pour prier, chanter et écouter la Bible que nous nous y réunissions encore aujourd’hui, mais parce que nous sommes nous-mêmes en chemin. Nous sommes en recherche, nous avons faim et soif de quelque chose que nous espérons trouver ensemble, et ce temple n’est qu’un des moyens à notre disposition pour que s’y déploient nos démarches spirituelles.

Pour ces Journées du patrimoine 2021, nous avons accroché une exposition préparée par une paroisse sœur, celle de Villefranche-sur-Saône. Cette exposition inédite s’inspire du thème des Journées de cette année : « Patrimoine pour tous » a donné « Parole pour tous ». Les tableaux reproduits ici relatent tous des scènes qui sont racontées dans la Bible. Cette exposition rappelle ainsi, tant aux croyants qu’aux autres, que la foi constitue une source considérable d’inspiration pour les artistes. Car chaque scène représentée est une interprétation : et la juxtaposition d’un tableau et du texte biblique auquel il fait référence démultiplie nos réactions. L’image pourra nous plaire, nous déplaire, nous étonner, mais elle nous laissera rarement indifférent, et nous voilà invités à relire le texte, à nous demander pourquoi la scène est représentée ainsi, si cela correspond à ce que nous avons entendu dans le texte, et si ce n’est pas le cas, si nous préférons notre interprétation ou celle de l’artiste…

Mais la peinture n’est pas la seule forme d’art qui affecte notre chemin de foi. En fait, toutes les formes de création artistique ont cette capacité, de la sculpture à la bande dessinée, en passant par le cinéma, la danse, bien sûr la musique et la littérature… Plus précisément, ce n’est pas l’aspect architectural de ce temple qui compte, ce ne sont pas non plus ces tableaux qui ont traversé les siècles, ce ne sont pas non plus les partitions des chants et des œuvres que nous entendons pendant ce culte et lors du concert de cet après-midi, ce ne sont pas non plus des lettres associées sur des pages d’un gros livre qui nous rassemblent… Non, si nous sommes ici aujourd’hui, encore une fois, c’est parce que nous estimons que ce que nous vivons trouve une résonance dans une parole transmise par d’autres. Oui, l’héritage reçu est immatériel, c’est celui des effets d’une certaine littérature.

En fait, cette littérature mêle les formes d’expression. Dans nos bibles, quelle diversité : à côté des histoires des patriarches ou de certaines figures de la foi, nous trouvons les discours des prophètes ou des apôtres, des lettres et des argumentations, des prières et des chants… Certains discours utilisent des images : on pense aux paraboles, et on pense tout de suite aussi à la peinture ; alors que les prières et les chants sont bien sûr une forme de musique. On dit souvent que l’un des piliers du protestantisme, c’est l’Écriture seule. L’expression signifie surtout que nous ne reconnaissons à aucune institution humaine le pouvoir de juger quelle interprétation est juste et laquelle ne l’est pas… Il s’agit plutôt de chercher directement une relation avec Dieu à partir de ce que d’autres personnes ont partagé, dans le passé, en nous plaçant à l’écoute non seulement du contenu de leur témoignage, mais aussi des formes qu’ils ont employé pour transmettre ce qui les a fait vivre. En fait, c’est justement parce que les hommes et les femmes qui sont à l’origine de nos textes bibliques ont déployé une telle créativité que nous nous reconnaissons dans leurs parcours et que nous nouons une relation avec leur dieu, qui devient le nôtre.

Prenons les psaumes : s’agit-il de prières personnelles qui ont peu à peu été reprises par les communautés juives puis chrétiennes, ou s’agit-il plutôt de textes rituels utilisés dans des liturgies officielles avant de devenir des inspirations pour la prière individuelle ? Impossible de le savoir avec certitude… Les psaumes appartiennent au registre poétique, et étymologiquement, le mot poésie évoque le fait de créer. La poésie a de nombreux pouvoirs. Lors d’une réunion de pasteurs, récemment, un collègue a partagé avec nous ce qui l’avait aidé à traverser ces longs mois de crise sanitaire. Il a sorti de son sac quelques recueils de poésie. Là encore, ce ne sont pas les caractères imprimés sur des pages reliées entre elles qui comptent, mais l’effet bienfaisant produit par la rencontre des mots et des images d’un autre avec son propre cheminement.

Quels effets – le pluriel s’impose – quels effets un psaume produit-il en nous ? Prenons l’exemple de celui que nous avons entendu et chanté, le Psaume 139. Peut-être pouvons distinguer trois thèmes qui traversent le texte.

Tout d’abord, il y a cette présence infaillible de Dieu. Réécoutons les versets 9 et 10 :

« Si j’emprunte les ailes de l’aurore pour m’établir au-delà des mers,
même là ta main me guide, ta main droite me saisit. »

Pour l’homme ou la femme qui souffre d’exclusion, de solitude, peut-être même d’un sentiment de trahison, ces mots du psalmiste peuvent constituer un réconfort, une prise pour reprendre pied. Ici, une image évoque l’un des thèmes les plus importants de l’ensemble de la Bible, ce thème est celui de la fidélité extraordinaire de Dieu.

Deuxième idée dominante de ce Psaume : Dieu sait tout de nous et nous aime tels qu’il nous connaît, tels que nous sommes. Le Seigneur ne connaît pas seulement les anecdotes que nous nous plaisons à partager pour ce qu’elles suggèrent de valorisant pour nous. Il n’ignore rien de nos petites défaites que seules nos proches connaissent, il n’ignore rien non plus des zones les plus sombres de nos existences et de nos pensées. Et pourtant, il éprouve une profonde tendresse, un amour infini pour nous. Réécoutons les versets 1 à 4 puis 15 et 16, où le psalmiste qu’il a fait cette expérience.

« Seigneur, tu regardes jusqu’au fond de mon cœur, et tu sais tout de moi :
Tu sais si je m’assieds ou si je me lève ; longtemps d’avance, tu connais mes pensées.
Tu sais si je suis dehors ou chez moi, tu es au courant de tout ce que je fais.
La parole n’est pas encore arrivée à mes lèvres, que déjà tu sais tout ce que je vais dire. » […]
« Mon corps n’avait pas de secret pour toi, quand tu me façonnais en cachette, quand tu me tissais dans le ventre de ma mère.
Quand j’étais encore informe, tu me voyais ; dans ton livre, tu avais déjà noté toutes les journées que tu prévoyais pour moi, sans qu’aucune d’elles ait pourtant existé. »

Frères et sœurs, s’il nous arrive d’être méprisés, ignorés, moqués pour nos faiblesses ou nos erreurs, réentendons ce que le psalmiste a jugé digne de mettre par écrit : nous avons toutes et tous, chacune et chacun, une immense valeur aux yeux de Dieu.

Enfin, dernière thématique, celle qui concerne notre monde, ses injustices, sa violence, et la souffrance que cela nous occasionne. Quand l’auteur du Psaume souhaite la mort des méchants et l’éloignement des meurtriers, il nous arrive de vouloir à notre tour prendre nos distances avec un vocabulaire bien différent de celui de l’amour que nous voulons avoir, à l’appel de Dieu, pour les uns et les autres. Jésus nous a même invité à aimer nos ennemis. Mais souvenons-nous plutôt de toutes les colères que nous avons pu éprouver, ces colères durant lesquelles nous aurions bien aimé voir disparaître tel ou tel… Le psalmiste n’était pas moins humain que nous et nous ne sommes pas plus saints, moraux, meilleurs que l’auteur de ce poème de plus de deux mille ans ! Le peuple de Dieu a des émotions, et ces émotions font partie de qui nous sommes. Nous reprenons les thématiques en sens inverse : Dieu connaît de tout, il nous aime et est fidèle en toute connaissance de cause, y compris avec nos émotions qui sont parfois difficiles à assumer. Quel que soit notre état d’esprit, il nous accueille, nous réconforte, nous réconcilie avec lui et nous permet d’oser nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres.

Chers amis, vous avez peut-être eu l’occasion de la visiter ces dernières années, il existe une passionnante exposition conçue par l’Alliance biblique française. Elle a pour titre « La Bible, patrimoine de l’humanité ». Vous l’aurez compris, le trésor n’est pas un livre, mais le bien que sa lecture nous procure, les relations qu’il permet, la vie qu’il ouvre. Notre patrimoine n’est pas matériel, il est bien plus précieux. Notre patrimoine, c’est l’amour de Dieu pour l’humanité, ce sont les fruits de cet amour autour de nous et en nous. Notre patrimoine, c’est une Parole de vie, pour tous. Amen.

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