Culte du dimanche 5 juin 2022 [PENTECÔTE]
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Textes bibliques : Jean 14,15-20.25-26 ; Romains 8,1-2.9-11.14-17
Frères et sœurs,
A la Pentecôte, nous évoquons souvent le récit du chapitre 2 des Actes des apôtres, avec cette scène spectaculaire du bruit venu du ciel, du souffle semblable à un coup de vent, et surtout, bien sûr, ces langues de feu qui se séparent et se posent sur les disciples. Ce moment surnaturel est suivi d’un temps durant lesquels les disciples sont compris par les personnes de toutes origines qui sont alors présentes à Jérusalem. Oui, ce récit nous est familier et nous avons probablement tous en tête des images que nous nous sommes fait de cet événement. Mais vous le savez, dans les textes attribués à Jean, dont l’évangile, le don du Saint-Esprit est décrit différemment ; c’est le Ressuscité qui souffle sur ses amis, après le tombeau vide. Quelque chose de moins spectaculaire, donc, et il est peut-être utile de ne pas nous attacher trop au phénomène, pour, à l’invitation des deux passages lus ce matin, pour nous intéresser davantage à l’action de l’Esprit.
Dans l’évangile de Jean, au début du long discours d’adieu de Jésus aux Douze, avant la Passion, Jésus annonce que l’Esprit sera le fruit de ses prières. L’Esprit a pour mission d’aider celles et ceux qui suivent Jésus, de les accompagner pour toujours, de les enseigner, de leur rappeler ce que Jésus leur avait dit, et donc de les maintenir dans la vérité. Cet Esprit est aussi présenté comme un nouveau lien entre le Père et celles et ceux qu’il a adopté.
S’adressant aux chrétiens de Rome, l’apôtre Paul expose sa compréhension de ce qu’est l’Esprit. L’Esprit Saint, selon Paul, remplace la loi, la loi qui condamne, alors que l’Esprit ouvre à la vie. L’Esprit permet en fait de nous associer à ce que Jésus a vécu : la mort si nous étions jugés par la loi, qui connaît toutes nos défaillances à l’égard des recommandations et du commandement d’amour que Dieu nous a donné, mais nous sommes aussi associés, par l’Esprit, à la résurrection du Christ. Ce n’est pas tout. Là encore, l’Esprit reçu est le signe d’appartenance au groupe des enfants adoptifs du Père. Quand l’Esprit nous fait reconnaître Dieu comme notre Créateur, source de vie, de liberté et d’amour, oui, effectivement, nous recevons tout cela de Dieu, et bien davantage : nous recevons ce qui a été promis à nos ancêtres dans la foi, et, explique Paul, nous aurons aussi accès à la gloire du Christ, même si cet accès peut passer par des souffrances.
Avec ces deux textes, plusieurs idées sont mises en avant, des idées probablement plus utiles que l’image des langues de feu sur la tête des disciples. L’Esprit est là pour nous. C’est celui qui provoque en nous cet élan, cet élan indispensable pour reconnaître en Dieu notre parent, comme ce cri « Abba Père » en atteste. L’Esprit, c’est donc ce qui suscite donc en nous la réponse à l’amour de Dieu pour nous, l’impulsion première, mais il donne aussi ce qui est nécessaire pour persévérer, pour demeurer ferme dans la foi ; à la fois enseignant, pour nous aider à approfondir notre relation avec Dieu, et défenseur, pour faire face aux réalités de notre monde et de notre nature. L’Esprit ne nous fait pas sortir du monde, il ne nous préserve pas non plus du mal, qui peut prendre différentes formes comme la maladie, des catastrophes, ou encore l’hostilité de nos contemporains, mais l’Esprit vient nous soutenir pour que nous puissions traverser les épreuves auxquelles nous sommes confrontés. Il nous est possible de garder la foi malgré nos faiblesses, malgré nos souffrances, malgré aussi ce que nous craignons des autres. C’est Paul qui expliquera que l’Esprit nous fait sortir de la peur.
Cet Esprit qui nous fait dire « Abba Père », ou qui nous permet de confesser Jésus comme le Christ, le Seigneur, le Sauveur, cet Esprit nous confère donc une identité nouvelle et merveilleuse. Nous sommes enfants de Dieu, nous sommes héritiers de Dieu, autant d’expressions fortes qui soulignent que notre Dieu n’attend pas de nous un service comparable à l’esclavage. Au contraire, lui appartenir, c’est, paradoxalement, être appelés à la liberté, au déploiement des talents qui nous ont été donnés, à l’épanouissement de nos potentiels, pour nous, pour le monde, et au final, pour la gloire de Dieu. Par l’Esprit, encore une fois, notre compréhension de nous-mêmes peut être profondément transformée. Nous ne sommes plus définis uniquement par un ensemble de paramètres imparfaits, comme notre famille, notre occupation, nos moyens de vie, nos loisirs, nos opinions ou convictions. Bien sûr, tous ces paramètres ne disparaissent pas, mais par l’Esprit, nous savons que Dieu nous a donné le souffle de vie, qu’il nous a appelés par notre nom, qu’il nous aime, qu’il a donné son Fils pour nous rejoindre et nous donner accès à Lui, qu’il nous pardonne… Bref, que nous sommes les frères et les sœurs de son Fils Jésus, et donc nous sommes ses enfants, identité à nulle autre pareille.
Et donc, parce que nous avons une valeur infinie aux yeux du Créateur, notre regard sur notre vie, sur notre monde, sur nos relations est lui aussi profondément transformé. L’Esprit est également cette force qui pousse au partage, qui rend impossible de garder pour nous uniquement ces cadeaux merveilleux. Nous pouvons être des signes de l’Esprit de vie pour celles et ceux qui nous entourent, nos proches mais aussi pour celles et ceux que nous rencontrons au hasard de nos chemins.
Notre identité personnelle et nos relations avec les autres sont vraiment renouvelées grâce à l’Esprit. C’est aussi le cas quand nous constituons un groupe de croyants, une église. En effet, c’est le même Esprit qui fait de moi un enfant de Dieu, et qui fait de chacune et chacun un autre enfant de Dieu, un frère ou une sœur, en Christ. Et ces relations redéfinies ouvrent de nouveaux possibles. L’Esprit qui suscite le partage donne aussi l’audace nécessaire au témoignage créatif.
Il y a une semaine, le synode national de l’Église protestante unie de France, qui se réunissait à Mazamet, a adopté une Charte pour une église de témoins. Ce document d’orientation n’est qu’une étape de la réflexion sur le thème de la Mission de l’Église et des moyens, notamment humains, qu’elle y consacre. Dans cette charte, quatre mouvements sont proposés. Premièrement, émerveillons-nous de l’amour de Dieu pour le monde et pour chacun. C’est bien ce regard transformé par l’Esprit que j’évoquais il y a un instant. Deuxième dynamique, allons vers les autres, ouvrons-nous à l’accueil. Cela nous est moins évident, pourtant c’est la suite logique de ce qui précède : si nous sommes tous adoptés par le même Père, si nous sommes tous frères et sœurs, en Jésus-Christ, par l’Esprit, nous n’avons pas de crainte à avoir pour sortir de nos temples et de nos habitudes : d’autres frères et sœurs sont à rencontrer, et ils n’attendent peut-être qu’une chose, que nous allions à leur rencontre. Oui, nous le constatons, en nous contentant de faire perdurer ce que nous connaissons, en nous satisfaisant de prolonger nos routines, l’Esprit ne se déploie pas pleinement, nous manquons de souffle et nous nous épuisons. Troisième orientation de la Charte pour une église de témoins : faisons de la mission de l’Église notre joie. Partager la Bonne Nouvelle ne doit pas être perçu comme un devoir contraignant, mais comme un plaisir. Enfin, quatrième mouvement, ayons confiance en la puissance de l’Esprit Saint. Autrement dit, ne craignons pas d’innover, de créer, ne craignons pas de proposer du nouveau, de diversifier nos pratiques : l’Esprit Saint se tient à nos côtés, il accomplit bien plus que nous ne pouvons le faire.
En ce jour de Pentecôte, en ce jour parfois considéré comme la date de naissance de l’Église, instituée par l’Esprit Saint, soyons conscients que nos identités renouvelées par l’Esprit d’adoption bouleversent nos regards les uns sur les autres ainsi que nos relations. Soyons conscients que le partage de la Bonne Nouvelle autour de nous ne constitue pas une option mais une évidence joyeuse. Soyons enfin conscients que l’Esprit nous rend capables de paroles et de gestes qui parlent à nos contemporains, de ces promesses et de ces preuves d’amour de Dieu pour l’ensemble de sa Création. Alors osons laisser souffler l’Esprit, même s’il nous fait balayer nos habitudes. Encore une fois, avec l’Esprit, il n’appartient qu’à nous d’agrandir le cercle des enfants de Dieu qui cheminent ensemble, dans la diversité, derrière l’unique source qui nous appelle à la joie, le Christ. Amen.