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Jésus nous sauve de nos illusions
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Culte du dimanche 28 mars 2021 (Rameaux)
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Marc 11,1-11
Vous connaissez les illusions d’optique ? En voici trois, plus ou moins connues.
Certaines de ces illusions jouent surtout sur la perspective, sur la façon de rendre en deux dimensions, sur une feuille de papier, une réalité qui est en trois dimensions. Et ces exemples nous rappellent que nos sens et le traitement que notre cerveau fait de ce que nous percevons peuvent être piégés, en tous cas troublés. C’est un peu ce qui se joue dans l’histoire de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Car ce que les gens ont vu à cette époque ressemblait à quelque chose, mais ce qui se passait était autre chose. Cette année, nous lisons le récit des Rameaux sous la plume de l’évangéliste Marc ; mais quel que soit l’évangile, c’est une séquence caractérisée par le malentendu, l’illusion, peut-être ce que la psychologie appelle un biais cognitif, quand nous avons une vision déformée de certaines informations.
Commençons par l’un des éléments centraux de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Pour la seule fois de son ministère, Jésus ne va pas à pied ou en barque. Il est monté sur un âne, ou plus précisément un ânon. C’est important, car il existait des ânes dignes de roi, d’ailleurs Salomon entre à Jérusalem sur la mule de son père David (1 Rois 1). Salomon, fils de David : le cri « fils de David » est aussi entendu, ces jours-là, à Jérusalem. Mais ici, c’est un ânon dont il est question, de petite taille, il est probable que les pieds de celui qui le montait touchaient terre. Jésus reste ici à hauteur de ses contemporains, sans beaucoup de dignité, il ne les domine pas. Il fait le choix de l’humilité, car si un ânon était disponible pour son entrée dans la Ville sainte, une autre monture aurait sûrement été possible. Jésus ne vient pas comme un roi, et pourtant, il est vu et est acclamé de la sorte.
Dans le même sens, les manteaux déposés sur son chemin évoquent l’entrée de Jéhu à Jérusalem (2 Rois 9), mais Jéhu, comme les Romains, impose son règne par la force. Dans les acclamations, la foule reprend aussi un psaume. Mais la foule qui cite le psaume ajoute l’étonnante expression « David notre père » ; Abraham, Isaac, Jacob, ce sont eux qui sont d’habitude appelés les pères, les patriarches. David, lui, est certes la référence royale pour le peuple de Dieu. Mais David, c’est d’abord le roi guerrier qui a combattu et chassé les Philistins, par les armes. Le parallèle suggéré entre David et Jésus indique que la foule voit en Jésus le chef de guerre qui va chasser l’occupant de la Terre promise, et redonner son indépendance aux Juifs. Illusion, donc.
La foule s’est sûrement rappelé ce que Zacharie avait annoncé. Le prophète avait en effet indiqué que le peuple se réjouirait de l’entrée dans Jérusalem d’un envoyé de Dieu sur un ânon, qu’il s’agirait d’un roi. Mais la foule n’a pas retenu toute la prophétie, ou plutôt, elle l’a adapté à ses attentes – entre illusion et biais cognitif. Relisons le passage en question (Zacharie 9,9-10) :
« Éclate de joie, Jérusalem ! Crie de bonheur, ville de Sion ! Regarde, ton roi vient à toi, juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. À Éfraïm, il supprimera les chars de combat et les chevaux, à Jérusalem ; il brisera les arcs de guerre. Il établira la paix parmi les pays ; il sera le maître d’une mer à l’autre, depuis l’Euphrate jusqu’au bout du monde. » Vous l’avez entendu, le roi annoncé est celui du désarmement, celui d’une paix apportée par l’amour et non par l’épée.
Quelques jours plus tard, la même foule qui avait crié « Hosanna » c’est-à-dire « Sauve-nous », la même foule va crier « A mort ! Crucifie-le ! » On a coutume de constater alors la versatilité des masses. C’est un phénomène bien réel, mais qui dilue un peu facilement les responsabilités dans un collectif : « C’est la foule, ce n’est pas moi, je ne suis pas responsable. » Je le pense, la foule a été probablement déçue dans ses attentes, elle s’est peut-être sentie trahie car elle projetait en Jésus un rôle qui n’était pas le sien. Il a accompli une mission, certes, mais autrement de ce qu’ils attendaient.
Et si, au fond, les espérances de la foule, et par extension les nôtres, n’étaient pas la cause de ces malentendus, de ces illusions, qui me font considérer d’ailleurs les Rameaux davantage comme une tragédie que comme une fête ?
Les amis de Jésus n’ont pas pu, su ou voulu comprendre que Jésus n’a pas menti sur ce qui était devant lui. Pourtant, voyez la façon dont l’ânon a été réquisitionné, et quelques chapitres plus loin, sur le même schéma, la façon dont la chambre haute pour le repas de la Pâque a été trouvée. Ces deux récits, avec les deux disciples envoyés, qui trouvent tout exactement comme Jésus leur avait annoncé, ces deux récits constituent des arguments montrant que quand Jésus parlait de ce qui allait survenir, il parlait en vérité. Jésus annonce, dans des éléments très pratiques, qu’il sait ce qui va se passer et qu’il l’accepte. Il nous est alors possible d’écouter ce qu’il nous dit concernant sa mort et ses suites ; et mieux, il nous est alors possible d’y croire. Les événements de la Semaine Sainte ne sont ni des accidents ni des affabulations. Ils font partie d’une mission connue et acceptée par Jésus.
Aujourd’hui aussi, à de nombreuses reprises, nous nous berçons d’illusions, nous ne sommes pas conscients de certaines contradictions dans nos raisonnements. Les exemples ne manquent pas : qu’il s’agisse peut-être de la pandémie ou en tous cas de changement climatique, nous espérons contre toute évidence que nous pourrons changer sans souffrances plus tard, alors que chaque jour sans conversion ne fait qu’aggraver la situation et les façons d’y remédier. Dans nos églises également, nous avons parfois préféré ne pas modifier nos habitudes, ne pas prendre le risque d’être un peu bousculés, et aujourd’hui, nous manquons de forces pour aller vers les autres. Vous le voyez, et vous avez sûrement d’autres exemples en tête, nous avons souvent des attentes mal ajustées, et celles-ci nous font du mal.
Pourtant, et c’est avec cette idée que je vais conclure, pourtant, malgré nos illusions, Jésus s’avance, humblement, pour accomplir ce qui a tout changé. Jésus n’a pas attendu que ses disciples ou que la foule comprenne mieux. Il attendrait encore ! Nous l’acclamons maladroitement, nous entretenons des attentes qu’il n’est pas venu satisfaire, mais réjouissons-nous. Car sa mission est justement de mettre fin à nos errances et à nos choix mortifères. Il vient nous sauver, sans nous contraindre. Il vient nous sauver de nous-mêmes, par amour. Amen.