Culte du dimanche 24 juillet 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : 1 Jean 5,5-21
Chers amis,
Qu’est-ce qui est en jeu dans un procès ? Oui, quand une société organise des mécanismes, avec leurs règles, leurs rituels, leurs acteurs qui portent parfois aussi certaines tenues, pour rendre la justice, plusieurs objectifs peuvent être poursuivis. Dans notre Occident contemporain, on peut par exemple distinguer un modèle anglo-saxon, qui va chercher un accord entre les parties prenantes pour résoudre un conflit, et un modèle notamment en vigueur dans notre pays, qui vise plutôt à établir la vérité et en fonction de celle-ci, un jugement sera prononcé et d’éventuelles sanctions imposées. Je ne vais pas vous proposer un cours de droit comparé, ou une réflexion sur les avantages et inconvénients de ces deux modèles, ni sur leurs présupposés philosophiques voire religieux. Il existe par ailleurs d’autres écoles encore pour organiser un système judiciaire.
Depuis très longtemps, les liens entre justice et religion sont importants, car bien souvent, la transgression de règles sociales est présentée comme une atteinte à un certain ordre du monde voulu par les ou la divinité(s). Dans le judéo-christianisme, la notion de justice est très présente ; et nous en avons des preuves dans cette dernière page de la première lettre de Jean. En effet, l’auteur de l’épître insiste sur différentes idées évoquant l’univers d’un procès : il est question de témoignage et de témoins, d’actes conduisant à la mort et d’autres ne conduisant pas à la mort, de vérité… Ces quelques termes sont chargés de signification et d’une certaine gravité. L’enjeu n’est pas des moindres, il est même présenté comme vital. Jean ne cherche pas ici à préciser ou affiner un certain détail de doctrine, mais il attire l’attention de ses interlocuteurs avec insistance sur des éléments décisifs pour eux.
Peut-être certains parmi les communautés johanniques étaient-ils tentés de ne voir, de n’accepter, que certaines facettes de Jésus, niant qu’il soit le Messie promis par Dieu, ou refusant de croire qu’il ait été pleinement humain, dans un corps comme les nôtres. C’est bien sûr l’une des pierres d’achoppement pour celle ou celui qui est pleinement conscient des limites d’un être humain quand il regarde Jésus, quand il écoute ce qu’on dit de lui. Il ne s’agit pas de balayer d’un revers de la main ces réticences ou ces objections : Jean affirme que Jésus est bien le Christ, venu de Dieu, venu dans notre humanité, et que cela est vrai, car ce ne sont pas moins de trois témoignages qui peuvent être convoqués pour qu’il y soit fait foi. Ces trois témoignages sont l’eau, le sang, et l’Esprit. L’eau du baptême, l’eau dans laquelle Jésus a été immergé comme d’autres avant lui, comme d’autres après lui, comme nous peut-être aussi : si ce geste et ces paroles sont simples, l’eau du baptême constitue une expérience ré-génératrice, incontestable, pour celles et ceux qui la reçoive et celles et ceux qui en sont témoins. Le sang de la croix, ensuite, un sang devant lequel il n’est pas possible de nier l’incarnation ; pour le dire de façon positive, ce sang est celui de la pleine humanité de Jésus. Enfin, l’Esprit, sans lequel l’existence humaine ne serait pas complète, cet Esprit reçu notamment à la Pentecôte et qui travaille nos cœurs et nos intelligences. Eau du baptême, sang de la croix et Esprit. Trois éléments qui s’accordent autour de cette thèse du Christ Fils de Dieu.
Témoignages humains et témoignage divin ne font qu’un, et leur message est en effet de la première importance : « Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est son Fils. Qui a le Fils a la vie ; qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie. » Voilà pourquoi Jean insiste sur la validité, la fiabilité du message, car il s’agit en fait d’une question de vie ou de mort. On comprend alors que la vie avec le Christ, avec le Fils, équivaut à ce qui est aussi appelé la vie éternelle. Non pas une vie terrestre sans terme, l’immortalité, mais une vie en plénitude, dans une relation directe avec Dieu.
Car oui, Jean le précise ensuite : qui a la vie a aussi l’assurance que Dieu l’écoute et lui donne ce qu’il ou elle demande, quand elle ou il demande selon sa volonté. Et c’est ici une clé, pour nous qui prions, notamment quand nous disons le Notre Père : c’est en recherchant sa volonté qu’il nous sera donné de la faire, au ciel, mais aussi sur la terre. Quand nous avons le Christ, nos prières peuvent tendre vers, se rapprocher de ce que Dieu nous souhaite. Ce ne sont plus tant nos besoins ou plutôt nos désirs qui sont en jeu, que ceux du Seigneur pour nous, ceux-là même auxquels l’eau, le sang et l’Esprit nous conduisent.
La dernière partie de ce passage de l’épître aborde la question du péché. Le premier cas de figure envisagé est celui d’une transgression commise par un frère ou une sœur. Autrement dit, un échec, une erreur, que nous identifions chez l’autre. Situation fréquente, bien sûr, et nous pouvons penser à l’image de la paille dans l’œil de notre voisin qui nous préoccupe alors que nous n’apercevons pas la poutre dans le nôtre ! Ici, il n’y a ni appel à une correction fraternelle, comme l’apôtre Paul le recommande parfois, ni appel à l’indifférence, ni mention de jugement ou de condamnation, mais une invitation à prier pour que Dieu accorde la vie à la personne pécheresse. On se souvient alors de ces versets expliquant que le Christ était venu pour apporter le salut… et l’on comprend que prier pour les pécheurs nous permet de participer à la volonté de Dieu pour sa Création.
Si ce péché commis par un autre et qui ne mène pas à la mort est le premier cas évoqué par Jean, nous n’apprenons pas vraiment – en tous cas dans ce texte – ce à quoi renvoie le péché qui conduit à la mort. Certes, dans l’évangile de Matthieu (12,31), Jésus distingue ce qui peut être pardonné de ce qui ne peut pas l’être : selon lui, le blasphème contre l’Esprit ne peut pas être pardonné. Il est probable mais pas certain que l’auteur de l’épître fasse référence à ces paroles…
Remarquons également que Jean semble ne pas évoquer, en tous cas directement, le péché qui dépend de nous… Je ne pense pas qu’il l’ait oublié, ou qu’il n’en tienne pas compte. Mais je pense que sa recommandation de prier pour que les transgressions de notre prochain ne le conduisent pas à la mort, cette recommandation, si nous la suivons, nous entraîne à un examen de conscience personnel voire communautaire, et qu’en priant pour les autres, nous prions aussi pour nous.
L’auteur de la lettre le mentionne, le Mauvais veut exercer une maîtrise sur nous comme il le fait sur le monde, les idoles ne manquent pas pour nous détourner du Christ. Mais Jean nous encourage, nous qu’il qualifie affectueusement de ses petits enfants. Oui, ancrons ou affermissons notre foi dans le Christ, Fils de Dieu, venu dans notre humanité pour que nous ayons la vie. Persévérons dans la prière.
Cet encouragement traverse les siècles et les millénaires. Il n’est ni plus difficile ni plus facile aujourd’hui qu’il y a deux mille ans de confesser que Jésus est le Christ, celui que nous voulons écouter et suivre. Les entraves à notre foi et les idoles ne sont ni plus ni moins nombreuses, même si elles ont pu évoluer. L’encouragement est destiné à la fois à affermir notre relation de confiance avec le Christ, et à prendre en compte ainsi qu’à déployer les différentes formes de témoignage qui ont été énumérées. A nous de nous appuyer sur l’eau, le sang et l’Esprit que nous avons reçu pour nous et dont nous avons entendu d’autres nous parler, à nous de nous appuyer sur cela pour savoir que nous avons accès à la vie en plénitude, et pour que cette assurance nous transforme. A nous, aussi, de témoigner de cette vie et cette assurance qui nous sont accordées. A nous de témoigner de l’eau traversée lors du baptême ; du sang de la croix, brèche ouverte par Jésus dans la mort humaine ; de l’Esprit de vérité qui jette des ponts pour permettre la relation et ouvrir les possibles. Ne faut-il pas en effet que s’ajoutent au témoignage de Dieu nos témoignages humains ?
La vie offerte par Dieu n’est pas réservée à quelques-uns. C’est pour cela que tant de signes nous ont été donnés et nous sont encore proposés. C’est pour cela que nous pouvons être rassurés. Mais c’est aussi pour cela que nous sommes appelés à prier pour le monde et en particulier pour celles et ceux qui sont sous l’emprise du Mauvais ; c’est pour cela que notre voix mérite d’être mise au service du Véritable. Si Jean cherche à lever nos doutes, à sceller notre foi, vous l’avez compris, ce n’est pas seulement pour nous, individuellement. C’est parce que d’autres ont besoin de notre témoignage et de nos prières pour avancer sur leurs chemins spirituels. Croyons, pour que nous vivions pleinement, et que d’autres vivent pleinement. Telle est sa volonté. Amen.