Culte du dimanche 30 août 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Romains 12,1-2
L’apôtre Paul venait d’expliquer à ses interlocuteurs, ces chrétiens de Rome qu’il ne connaît pas directement, que Dieu voulait sauver les Juifs et les non-Juifs ; et que cette offre de réconciliation et de vie nouvelle était toujours valable, jamais épuisée. Oui, le salut est ouvert à tout l’univers, et il s’agit d’une offre permanente. Chacune et chacun peut rencontrer le Christ, et chacune et chacun est libre de poursuivre la relation ou de l’interrompre, il est même possible de changer d’avis ! Nous pouvons changer d’avis, mais quand nous acceptons le Christ, nous changeons aussi de vie. Ce choix ne peut pas rester caché ou secret. Il va avoir des conséquences que ceux qui m’entourent pourront voir. Nous y reviendrons.
Les deux versets que nous avons entendu comportent des termes forts et des expressions déroutantes, qu’il est difficile de traduire et à plus forte raison de comprendre aujourd’hui. Le mot de sacrifice par exemple nous fait réagir, d’autant plus que notre théologie protestante insiste sur l’inutilité de quelconques sacrifices après la mort de Jésus sur la croix. D’ailleurs, ce sacrifice ultime correspond davantage à ce qui est attendu dans un tel geste : à la croix, il y a mise à mort de la victime. Paul, lui, parle de « sacrifice vivant ». Une autre expression divise les traducteurs. Le sacrifice que nous sommes invités à offrir constituerait un « culte conforme à la parole de Dieu », d’autres traductions disent « culte spirituel », « culte raisonnable »… Paul encourage-t-il les croyants à une nouvelle forme de culte ? Juste après, l’apôtre évoque le don d’une nouvelle intelligence, qui laisserait donc à penser que la recommandation n’est pas seulement rituelle ou liturgique, mais qu’elle s’articule avec une attitude humaine fondée sur la raison… Nous nous en rendons compte, ces deux versets sont complexes.
Mais ces quelques phrases affirment clairement que celui qui donne, c’est Dieu. Cette idée est sûrement l’une des clés de lectures des expressions que je viens d’évoquer. Paul écrit que nos vies appartiennent à Dieu ; les offrir à Dieu ne devrait donc pas constituer un sacrifice coûteux pour nous ! Quand il est question d’une intelligence nouvelle, l’auteur de la lettre souligne qu’il y a un seul enjeu : acceptons-nous ce cadeau qui nous est destiné ?
Si nous acceptons, si nous recevons le pardon et l’amour de Dieu, notre rapport au monde est soudainement et radicalement bouleversé. Nous considérons le monde avec reconnaissance, nous agissons dans le monde avec amour et avec confiance, avec l’Évangile pour moteur. Nous nous plaçons au service du royaume de Dieu. Mais ainsi, mécaniquement, nous nous distinguons des habitudes de ce monde, de nos contemporains, animés par d’autres moteurs.
La traduction que j’ai retenue met en valeur les changements de forme : « ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde », mais « laissez Dieu vous transformer ».
Il y a ce qui est conforme, c’est-à-dire ce que l’on va façonner, ajuster, afin que cela corresponde à une norme, à un modèle donné. Conformer, c’est à la fois une démarche volontaire, et un geste qui a un objectif, sur lequel nous n’avons pas de maîtrise. A certains âges de la vie, notre préoccupation première va être d’appartenir à un groupe et pour cela à nous adapter aux codes de ce groupe. Mais l’expérience nous enseigne notamment deux choses en la matière. Parfois, les codes changent et nos efforts vont se révéler inutiles : combien de vêtements ou d’objets électroniques coûteux va-t-il falloir acheter pour être « dans le coup » ? Parfois aussi, être conforme à un groupe nous conduit à faire des choix qui ne sont pas les meilleurs : sombrer dans une addiction, quelle qu’elle soit, pour ressembler à certains a pour conséquence de nous aliéner, de détruire une partie de notre potentiel. Décidément, la mise en garde de Paul de ne pas nous conformer aux habitudes de ce monde résonne avec nos expériences.
Attention, néanmoins, l’anti-conformisme, le principe d’être toujours en opposition avec un groupe ou le monde, ne doit pas devenir un objectif en soi, au risque d’en faire une idole ou un motif d’orgueil ! L’idée est plutôt de garder notre esprit critique à l’égard des forces du monde, et surtout de garder comme perspective la parole de Dieu.
D’ailleurs, si le monde ne doit pas constituer un absolu auquel se conformer, ou que nous devons rejeter en bloc, cherchons la dynamique la plus féconde, qui est celle indiquée par l’apôtre : se laisser transformer par Dieu. Cette dynamique nous libère d’un objectif qui peut être mouvant et parfois malsain. Cette dynamique nous place dans les mains de Dieu. Dans ce processus, Dieu nous modèle selon sa volonté, ou, plus précisément, il convertit notre volonté humaine en sa volonté, cette volonté qui se résume en l’amour pour lui, pour notre prochain, pour l’ensemble de ses créatures. Ainsi, notre volonté sera comme la sienne, bonne, digne d’être agréée, parfaite.
Dans la suite du chapitre 12, Paul décrit les conséquences de cette acceptation et de ce processus de transformation ; nous sommes invités à vivre comme un corps constitué de différents membres et organes, nous sommes invités à servir le Seigneur avec les dons qu’il nous a offert, nous sommes invités à servir nos frères et sœurs dans la foi et plus largement en humanité en cherchant le bien et la paix.
Alors oui, si nous acceptons de nous laisser transformer, des habitudes seront bouleversées, des repères chamboulés. Il y a de l’incertitude et de l’inconnu dans ce processus. Mais l’alternative, qui n’est pas sans inconnue, l’alternative n’est-elle pas de nous efforcer de nous conformer à des objectifs et des absolus dans lesquels nous disparaissons ? Faisons le choix de la vie, le choix de la parole, le choix de la volonté de Dieu. Amen.