Culte du dimanche 14 juin 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Deutéronome 8,1-16
Chers amis,
Cela fait maintenant près de cinq semaines que s’est ouverte cette période de « déconfinement ». Cinq semaines, déjà. Pour les plus chanceux, dont les habitudes n’avaient pas été trop affectées par le confinement en premier lieu, l’assouplissement des mesures sanitaires a redonné davantage de liberté. Pour d’autres, les gestes de protection en vigueur sont une contrainte désagréable. Et pour d’autres encore, et je pense notamment aux résidents dans les EHPAD, même si la situation est en amélioration, ces cinq semaines s’ajoutent à plus de deux mois déjà éprouvants durant lesquels le quotidien a perdu beaucoup de sa saveur, les relations avec les proches ont perdu de leur chaleur, l’absence de perspectives identifiées devient source de douleur. Oui, cette séquence ouverte le 11 mai, et dont les modalités évoluent au fil des semaines, cette séquence est longue et éprouvante.
Or, bien avant 2020, des biblistes et des responsables d’églises ont choisi pour ce dimanche 14 juin certains textes, dont l’extrait du livre du Deutéronome que nous avons entendu. Ils ne pouvaient pas deviner qu’en cette fin de printemps, nous pourrions trouver des points de comparaison entre notre situation et celle du peuple hébreu dans le désert. Pourtant, c’est ce que nous croyons, Dieu nous a donné une Parole et il la fait résonner singulièrement à chaque fois que nous l’entendons. Chaque rencontre avec les Écritures est une invitation à rechercher des éléments de réflexion qui peuvent éclairer nos questionnements du moment. A nous de respecter les textes, c’est-à-dire de prendre au sérieux le contexte de leur élaboration, il y a plusieurs milliers d’années, dans des cultures très différentes des nôtres ; mais aussi à nous de laisser l’Esprit souffler en nous pour entendre dans ces histoires anciennes une Bonne Nouvelle, susceptible de renouveler pleinement nos vies, très directement dans notre aujourd’hui.
La libération de l’esclavage et la sortie d’Égypte remontent à plus d’une génération, à quarante années. Guidé par Dieu, Moïse a conduit le peuple. Moïse va bientôt passer le relais. L’alliance conclue au Sinaï, l’alliance offerte par le Dieu fidèle à son peuple souvent ingrat et récalcitrant, cette alliance ne cesse d’être rappelée, commentée, argumentée. Cette alliance est une bénédiction. Aimer le Seigneur, aimer son prochain, voilà le chemin à suivre pour une vie épanouie ; non pas une vie sans souffrances, sans maladie, sans mort, mais une vie de dignité, de liberté, de solidarité, une vie habitée pleinement par la paix et la joie données par Dieu.
Le Deutéronome propose des relectures des quarante années passées au désert. Plus tôt, alors que le peuple n’avait pas confiance à Dieu, alors que les recommandations du Seigneur n’avaient pas été appliquées, ce temps de désert avait été présenté comme nécessaire pour un renouvellement des générations ; pour que la génération qui avait connu la libération et avait pourtant manifesté son ingratitude soit remplacée par une nouvelle génération pour conquérir et s’installer sur la Terre Promise. Ici, au chapitre 8, une autre explication est donnée, qui n’est pas contradictoire avec la première. Ce long séjour au désert est présenté comme un temps d’éducation, de formation du peuple. Les Israélites ont éprouvé le manque. Ils ont aussi reçu quelque chose d’inédit, pour répondre justement à leur faim : Dieu leur a donné la manne. Mais cette manne n’est pas la seule chose dont ils ont besoin pour vivre. La phrase que Jésus reprendra pour tenir tête au tentateur, alors qu’il souffre lui-même de la faim au désert, cette phrase apparaît ici : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur. »
Cette phrase est essentielle, notamment quand s’achève une période d’épreuve ou de privation, mais en fait en tous temps. Elle rappelle que notre condition d’êtres humains comprend de façon indissociable, inséparable, tout ce qui concerne notre corps, notre chair, l’énergie dont nous avons besoin pour mener nos activités d’une part, et d’autre part cette dimension spirituelle qui nous relie à Dieu et aux autres. Dieu nous accompagne dans nos déserts. Il y pourvoit à nos existences et nous donne l’assurance d’une abondance à venir. Cette abondance, d’autres passages bibliques le soulignent, cette abondance est elle-même liée à un partage permanent des dons de Dieu. Mais au seuil de la sortie de l’épreuve, le Seigneur ne s’éloigne pas, il ne nous abandonne pas, il ne nous oublie pas. Et il nous met en garde : vous aussi, alors que vos vies vont être plus faciles, plus agréables, ne vous détournez pas de moi, ne me négligez pas, ne m’oubliez pas. Souvenons-nous que nous dépendons toujours de sa bénédiction, que nous sommes incapables seuls de suivre le chemin d’une vie heureuse et paisible. Nous le savons, la reconnaissance n’est pas qu’une question de conventions sociales, de politesse, mais elle est indispensable pour que chacune et chacun trouve sa place, devant les autres et devant Dieu.
Frères et sœurs, ce passage suggère que la délivrance et la vie rendues possibles par Dieu ne sont pas des épisodes anodins ou anecdotiques. Cette délivrance et cette vie renouvelée sont bien des événements déterminants de nos existences. Ce sont des tournants décisifs qui ne peuvent pas être oubliés ou minorés. Il nous appartient de cultiver ensemble le souvenir de ces rencontres et de ces re-naissances passées ; il nous appartient de rester à l’écoute de ce que Dieu continue à faire dans le quotidien de nos proches ou le nôtre ; il nous appartient de manifester explicitement notre reconnaissance pour les bénédictions reçues et l’espérance entretenue d’une vie digne, libre et en plénitude.
Prenons donc le temps de nous réjouir du recul de l’épidémie dans notre pays. La séquence du déconfinement peut durer encore des semaines ou des mois, selon la situation sanitaire. En église, déjà, nous pouvons réfléchir aux façons d’honorer ce que cet épisode nous a appris. Nous avons pu re-découvrir de quoi nous avions faim, et rendre grâces de ce que Dieu a pourvu. Apprêtons-nous à entrer en confiance dans le bon pays que Dieu nous a promis et dans lequel il ne cessera pas de nous accompagner. Amen.