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Appelés hors de nos murs de pierres mortes
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Culte du dimanche 10 mai 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : 1 Pierre 2,1-10
Chers amis,
Il y a trois semaines, nous avons commencé à parcourir la première épître de Pierre. Nous voici maintenant au deuxième chapitre de cette lettre. Vous l’avez entendu, l’apôtre poursuit l’appel à la sainteté, à l’obéissance, par la recherche de Dieu et l’amour fraternel, un appel qu’il avait lancé dans la deuxième partie du premier chapitre. Les deux dimensions sont présentes : d’une part, avec les autres, construire des relations caractérisées par la bienveillance, la simplicité, la reconnaissance, l’encouragement, en bref par l’amour ; et d’autre part, nous nourrir, nous abreuver même, à la Parole de Dieu. C’est dans ce mouvement orienté, tendu vers Dieu que l’auteur de l’épître ouvre une comparaison qu’il va développer, à l’aide de plusieurs citations du Premier Testament. Cette image, c’est celle des pierres vivantes.
La première pierre, c’est le Seigneur. Il est précisé qu’il a été rejeté par les êtres humains, alors que Dieu l’avait choisi et l’aimait. Le rejet avait été annoncé dans le Psaume 118, repris par Jésus en Matthieu 21. Le prix donné à Dieu à cette pierre, une première pierre de fondation pour sa maison, pour son temple, a été évoqué par le prophète Esaïe, au chapitre 28. Mais cette même pierre, vous le savez, peut aussi faire chuter celles et ceux qui ne la perçoivent pas pour ce qu’elle est ; c’est une pierre qui fait trébucher ou achopper ; à nouveau Esaïe, cette fois-ci au chapitre 8, avait décrit ce qui, en effet, s’est produit et qui continue à survenir.
Les Écritures sont ainsi sollicitées pour nous aider à comprendre qui est le Christ. Il s’agit aussi de nous demander ce que nous faisons du Christ, pierre vivante : la rejetons-nous, trébuchons-nous dessus, ou nous en servons-nous comme d’un appui pour nos choix et nos existences ? Dans ce dernier cas, nous sommes invités à nous inspirer de l’exemple de cette pierre d’angle, à devenir nous-mêmes des pierres vivantes faisant partie d’un temple spirituel. Nous ne sommes pas des pierres d’angle, mais nous pouvons être des pierres posées sur le Christ, et sur lesquelles d’autres pierres prennent appui à leur tour. Et pour commencer, nous devons chercher la pierre d’angle non pas vers ce qui est le plus visible, le plus brillant dans notre monde, mais vers le bas, vers ceux qui ont besoin de nous. C’est dans ce qu’on peut avoir tendance à ne pas voir, à ignorer ou à mépriser que nous trouverons notre fondation !
J’aimerais développer encore un instant cette notion de pierres vivantes, éléments constitutifs d’un temple spirituel. C’est sûrement l’une des préoccupations des croyants auxquels Pierre s’adresse : le temple spirituel se distingue du Temple de Jérusalem, qui, vous le savez, a été détruit une nouvelle fois après la révolte juive de l’année 70. Pour les croyants issus du judaïsme, le Temple disparu pose la question de la présence de Dieu dans le monde.
Et pour nous en 2020, empêchés pendant quelques semaines de nous réunir dans nos lieux de culte habituels, peut-être que quelques-uns se sont demandés où pouvait être l’église, sans ses lieux de culte justement, ces lieux chargés de mémoire, témoins de temps forts de leur existence. Les notions de pierres vivantes et de temple spirituel viennent finalement rappeler que la communauté des hommes et des femmes qui confessent le Christ, mort et ressuscité, comme le Seigneur, oui, cette communauté ne connaît pas de lieux plus sacrés que d’autres.
Une église, ce sont des hommes et des femmes rassemblés suite à un appel. Cet appel s’accompagne normalement d’une sortie, dans l’étymologie du terme église, et cette sortie de chez nous pour faire église se manifeste selon des modalités différentes en ce temps ; mais écouter son téléphone, n’est-ce pas déjà laisser entrer l’extérieur chez soi ? En somme, constituer un temple spirituel, cela nécessite des pierres vivantes, et de fait, les pierres mortes de nos bâtiments relèvent de l’accessoire, presque du superflu.
Si, en ce dernier jour de ce premier confinement, chacune et chacun est encore bien enfermé dans les murs de son domicile, rappelons-nous que l’église, en tant que temple spirituel constitué de pierres vivantes, cette église, elle, n’est pas contenue entre quatre murs. Elle est même en mouvement, toujours à l’extérieur de nos chez-nous.
D’ailleurs, l’apôtre Pierre emploie d’autres expressions qui soutiennent cette thématique. Il est question de former une communauté de prêtres, une « nation qui appartient à Dieu », « le peuple qu’il a fait sien », « le peuple de Dieu ». Je reviendrais dans un instant sur le terme de prêtres, qui peut nous troubler, mais avant cela, c’est le mot de « peuple » que je veux souligner. Quand vous entendez ce mot, vous imaginez-vous des foules, en extérieur, par exemple comme une gigantesque manifestation ? Plus bibliquement, le peuple évoque les descendants des patriarches, de Jacob notamment, quand ils sortent de l’esclavage en Égypte.
Oui, le peuple de Dieu est un groupe qui partage plusieurs caractéristiques, mais dont l’existence se manifeste particulièrement à l’occasion d’une délivrance, d’une sortie hors de la terre où ce peuple ne pouvait pas vraiment être lui-même. Le peuple, c’est cette assemblée nombreuse au pied du Sinaï, qui reçoit l’alliance avec Dieu, par l’intermédiaire de Moïse et du Décalogue. Et, bien sûr, dans le Nouveau Testament, le peuple de Dieu, c’est l’ensemble des chrétiens, sans restriction d’aucune sorte, encore une fois, sans murs qui enferment.
Frères et sœurs, le peuple que Dieu rassemble, le peuple que nous formons, est un peuple en mouvement. Peut-être, comme les Hébreux après la traversée de la mer, marchons-nous dans un désert, hors de notre passé, et pas encore dans la Terre promise, dans le Royaume de Dieu. Oui, être un peuple, c’est être en mouvement, c’est être hors de chez soi, et c’est, dans notre quotidien dans ce monde, c’est donner de l’espace à l’Esprit de Dieu.
Vous êtes, écrit Pierre, « la communauté royale de prêtres ». Aujourd’hui, ce terme peut nous étonner. Mais rappelons-nous que le prêtre, c’est celui qui est en relation avec Dieu, qui transmet la bonté et le pardon de Dieu. Rappelons-nous aussi cette formule de la Réformation, ce qu’on appelle le sacerdoce universel revient en fait à dire que tous les croyants sont prêtres, qu’il n’y a pas des croyants – le clergé – disposant d’un accès privilégié à Dieu ou de prérogatives sur la conscience des chrétiennes et des chrétiens, mais que tous, individuellement mais aussi collectivement, nous sommes rendus dignes par le Christ d’être en relation avec notre Père céleste, tous nous sommes en mesure de recevoir le pardon qui nous est accordé, tous nous pouvons partager cette Bonne Nouvelle à qui en a besoin autour de nous.
Pierres vivantes, temple spirituel, prêtres, peuple de Dieu. Sur tous ces qualificatifs, nous avons Jésus, le Christ, comme exemple. Quel terme nous parle le plus ? A chacun de le discerner. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes appelés à faire partie d’un ensemble qui nous dépasse, d’un ensemble qui ouvre des espaces à la présence de Dieu et de son amour dans notre monde. Alors ouvrons nos portes ! Amen.