Allons ailleurs proclamer le message

Culte du dimanche 7 février 2021
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : Marc 1,29-39

Écoutez ci-dessus ou en cliquant ici (PodCloud) l’enregistrement de la prédication.

Frères et sœurs,

Jésus a reçu le baptême de Jean. Il a ensuite appelé quatre pécheurs à le suivre. A Capharnaüm, il a enseigné avec une autorité remarquée, inédite ; et il a délivré un homme possédé d’un esprit impur. Arrivent alors les onze versets que nous venons d’entendre. On peut distinguer pas moins de quatre séquences dans ce passage. La première se déroule dans la maison de Simon et André ; elle comprend une guérison et un repas. La deuxième s’ouvre alors que la nuit est tombée, et Marc évoque de nombreuses guérisons et un attroupement. Troisième temps, alors que le jour se lève à peine, Jésus sort pour prier avant que les disciples et d’autres le cherchent puis le trouvent. Enfin, Jésus commence à rayonner dans les environs de Capharnaüm puis dans toute la Galilée, prêchant et faisant œuvre de libération pour ceux qui étaient tourmentés.

La belle-mère de Simon est fiévreuse. Nous ne savons pas si ses proches ont demandé formellement à Jésus de la soigner. Quoi qu’il en soit, Jésus ne fait pas exception à l’une des caractéristiques de son ministère : il est attentif à toute souffrance. Quand, plus tard, il sera question des loyautés, quand le Nazaréen mettra en garde ses disciples sur les tensions possibles et même inévitables entre nos origines et la Bonne Nouvelle, cela ne signifie pas que Jésus néglige les soucis qui sont les nôtres, il ne nous enjoint pas à l’indifférence ou à l’ignorance envers nos proches. La belle-mère de Simon est digne d’intérêt pour Jésus. Il est bon de nous en souvenir.

Mais pouvons-nous passer sous silence notre gêne, notre malaise, ou au moins notre incompréhension devant la suite de cette séquence ? « La fièvre la quitta, et elle se mit à les servir. » Scène domestique confondante de banalité, et qui pourtant nous interpelle : Jésus aurait-il guéri cette femme pour qu’elle se mette immédiatement au service de ces hommes ? Marc, ici, ne nous en dit pas assez et nous pouvons craindre que le guérisseur n’intervienne que pour rétablir des relations sociales patriarcales. Mais cela n’est pas cohérent avec de très nombreux autres épisodes de sa vie. Alors, nous en sommes réduits à imaginer que la belle-mère de Simon était diminuée dans son être, notamment en tant qu’hôtesse, du fait de sa fièvre, « elle était alitée » ; et que, suite à l’intervention de Jésus, c’est librement qu’elle choisit de se placer au service du groupe. C’est une piste possible pour surmonter notre gêne, mais cela ne reste qu’un choix d’interprétation, impossible à prouver.

Encore une remarque, à l’articulation entre les deux premières séquences de ce texte. La fièvre de la belle-mère de Simon ne semble pas particulièrement grave, même si à cet instant, elle ne peut pas recevoir dignement Jésus. La fièvre disparaît. Peu après, des malades mais aussi des démoniaques sont amenés, en nombre, à Jésus. Maladies du corps, maladies de l’esprit, les maux ne sont pas tous les mêmes, ils ne présentent pas tous la même gravité. Deux points communs : ces hommes et ces femmes souffrent, et Jésus, par son action de guérisseur, soulage également les uns et les autres. Cela peut nous faire rêver, alors que nous regrettons les économies exigées à notre système de santé pendant quinze ou vingt années et que l’on craint, faute de moyens, de devoir sélectionner les personnes accédant aux soins. Mais au-delà du soin, retenons l’attitude ouverte de Jésus : il n’y a pas de hiérarchie des souffrances, pas besoin de surenchère victimaire, mais plutôt une prise en compte de chacune et de chacun. Dieu n’opère pas de tri, et cela est une Bonne Nouvelle. Nous aussi, veillons à ne pas faire de discriminations dans nos interlocuteurs, nos vis-à-vis, nos prochains, car la Bonne Nouvelle n’est plus tout à fait bonne si elle découle d’une sélection. Proches et inconnus, très malades et moins malades voire bien-portants, élites et exclus, tous ont droit à l’attention et à l’amour de Jésus, tous ont droit à l’Évangile.

Mais après toute cette activité de guérison, y compris pendant la nuit, Jésus n’a pas besoin seulement de sommeil. A l’aube, il sort seul, s’installe dans un lieu désert, c’est-à-dire qu’il se rend disponible pour lui-même et surtout pour Dieu. Il prie. Et me voilà rendu sensible au fait que le repos ne saurait être complet sans un temps d’intériorité, sans un temps de ressourcement dans la prière. L’exemple de Jésus ne signifie pas que nous devons renoncer au sommeil. Mais il me rejoint, quand je saisis que ma fatigue n’est pas seulement physique. Depuis des mois, avec nos quotidiens bouleversés et nos projets sans cesse annulés, reportés, nous sommes personnellement affectés par ce stress. Alors que nous aspirons à davantage de stabilité et de sérénité, est-ce que nous sommes assez assidus à la prière ? Notre vie spirituelle ne peut pas nécessairement résoudre toutes nos difficultés, mais prenons garde à ne pas la négliger. C’est un sujet personnel.

Mais ne serait-ce pas aussi une préoccupation collective ? Nos communautés ne sont-elles pas aussi soumises à de fortes tensions du fait des crises qui s’installent dans la durée ? Notre « vivre-ensemble » est fatigué, et ce n’est probablement pas dans l’inaction en la matière que des forces communes, des dynamiques collectives, seront renouvelées, restaurées, vivifiées. Alors oui, ne faudrait-il pas aussi pour nos associations et nos églises nous donner les moyens d’un ressourcement communautaire profond ?

Si l’on suit notre passage de l’évangile de Marc, alors qu’il prie, Jésus est recherché par ses disciples et d’autres, probablement des habitants de Capharnaüm en attente de nouvelles guérisons. La réponse du Messie, immédiatement mise en œuvre, sera au cœur de la dernière partie de cette prédication. « Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que là aussi je proclame le message ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

Tous les gens de la ville le cherchent, et Jésus, sorti pour prier, annonce qu’il doit aller ailleurs, pour annoncer le message. Après le temps de prière, Jésus précise bien quelle est sa mission, en tous cas jusqu’à la croix : c’est annoncer que le Royaume est là. Il n’est pas d’abord venu pour opérer des guérisons miraculeuses, il n’est pas venu seulement pour délivrer celles et ceux dont les vies ne pouvaient pas pleinement se déployer à cause de différents maux. Il n’est pas venu pour réserver l’Évangile à la population d’une ville. Non, il doit « aller ailleurs » pour partager le nouveau chemin de vie qu’il incarne, au nom de Dieu.

Et nous, si nous parvenons à renouveler nos forces personnelles mais aussi communautaires, qu’en ferons-nous ? Resterons-nous uniquement en terrain connu, entouré de visages familiers ? Dans quelques mois, quand les restrictions à nos activités seront progressivement levées, que ferons-nous ? Nous contenterons-nous de reprendre notre vie d’avant, en espérant ne plus jamais connaître les épreuves que nous traversons ?

Frères et sœurs, Jésus sort seul pour prier. Mais quand ses disciples le retrouvent, il leur dit « allons ailleurs ». L’évangéliste Marc revient ensuite au singulier, et il semble en effet que pour quelques jours au moins, Jésus se déplace seul dans la région. Le pluriel « allons ailleurs » est à mon avis un signe : quand le Christ ne sera plus avec eux, les disciples seront appelés à rester en mouvement, à sortir de leur environnement habituel. Les disciples, et nous aussi bien sûr, avant et après l’événement de Pâques, sont envoyés en mission pour proclamer l’Évangile. L’Évangile ne s’annonce pas que chez soi. Il se partage par notre témoignage au-delà des murs de nos temples et bâtiments, au-delà de nos réseaux habituels. Posons-nous sérieusement la question : aujourd’hui, où est cet ailleurs, ou qui vit dans cet ailleurs, cet espace qui n’est pas le nôtre mais dans lequel la proclamation de l’Évangile est nécessaire ?

« Allons ailleurs », oui, cet appel est pour nous, aujourd’hui. Ceux qui nous connaissent nous cherchent, mais nous répondrons véritablement à l’appel du Christ en nous tournant aussi vers celles et ceux qui ne nous connaissent pas et ont besoin de nous. L’amour fraternel et la Bonne Nouvelle ne peuvent pas être sélectifs : ils sont pour nous, pour nos proches et nos amis, mais aussi pour les autres. Amen.

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