Aimer son prochain sans oublier d’aimer Dieu

Culte du dimanche 25 octobre 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : Matthieu 22,34-40

Après une série de paraboles particulièrement critiques envers les élites religieuses, ces mêmes élites, composées de plusieurs tendances parfois en tension les unes avec les autres, ces mêmes élites se succèdent pour piéger Jésus. A quelques jours de la Pâque juive, le Nazaréen dérange trop. C’est au tour des Pharisiens de s’élancer dans ce concours de malveillance, de perversité. La surenchère dans la volonté de nuire ne date pas d’aujourd’hui ! Voici un spécialiste des Écritures. Il sait qu’il n’est pas possible d’accorder une même importance à tous les commandements, parce que certaines situations mettent deux composantes de la loi de Moïse en tension. A l’époque de Jésus, par exemple, certains estimaient qu’il fallait absolument respecter toutes les dispositions concernant le sabbat, et donc éviter strictement toute une série d’activités. Pour d’autres, il était possible de faire passer au second plan ces rituels s’il s’agissait de venir en aide à quelqu’un. Ce jour-là, ce n’est pas la première fois que Jésus est interpellé pour prendre parti dans ce débat. Si, pour nous, le sujet n’en est plus vraiment un, tant les conseils de Dieu concernant un jour mis à part sont ignorés, tant nous savons aussi, par exemple, l’absolue nécessité d’une continuité des soins, la question était vive il y a deux mille ans. En plus, l’interlocuteur de Jésus n’est pas un curieux sincère, mais venu avec l’objectif de le piéger.

Jésus ne crée aucune polémique avec la première partie de sa réponse, qui reprend le chapitre 6 du Deutéronome. Néanmoins, sa réponse a de quoi nous interpeller, nous, aujourd’hui. Car il n’est pas question ici de « croire » en Dieu. Croire en Dieu, pense-t-on, c’est une disposition d’esprit, une attitude de confiance, quelque chose de courageux mais aussi d’assez abstrait. Le Deutéronome puis Jésus ne parlent pas de croire en Dieu, mais d’aimer Dieu. Peut-on donner l’ordre d’aimer ? Si nous comprenons l’amour comme un sentiment, bien sûr, on ne peut pas commander d’aimer. Mais la suite du Deutéronome nous indique qu’aimer Dieu, c’est l’écouter pleinement, cœur, être et pensée. Il s’agit d’être entièrement disponible et disposé à recevoir les recommandations de Dieu pour nos vies. Il s’agit aussi d’agir, d’obéir à ce qui est proposé. Non pas croire abstraitement, mais aimer, c’est-à-dire écouter et agir…

Cette première parole nous rend prêts pour un second commandement, à l’importance semblable. Jésus cite alors le chapitre 19 du Lévitique. Aimer son prochain comme soi-même. Peut-être, est-ce même un commandement double : aimer son prochain et aimer comme soi-même ! Car oui, le second commandement retenu par Jésus suppose que nous nous sachions dignes d’être aimés. Faut-il que nous nous aimions nous-mêmes ? Probablement, car nous sommes des créatures de Dieu. Mais sans excès non plus ! Faut-il que nous aimions comme Dieu nous aime ? Certainement ! C’est son amour premier qui nous fait vivre et qui nous permet à notre tour d’aimer.

A nouveau, nous donne-t-on l’ordre d’éprouver un sentiment d’amour ? C’est un commandement impossible… à moins là encore que nous lisions la suite du Lévitique pour comprendre ce que signifie ici l’amour. Aimer son prochain, c’est lui permettre de grandir, de s’épanouir, dans un environnement où la justice est recherchée activement. Ce n’est pas du favoritisme pour l’un ou pour soi, mais bien une disposition d’esprit bienveillante et tout un ensemble de gestes, de paroles, de décisions, qui placent en objectif le déploiement du potentiel de l’autre.

La question posée à Jésus reçoit donc une réponse triple : écouter Dieu, prendre soin de son prochain, aimer comme l’on est aimé. Mais la question posée à Jésus rejoint aussi la préoccupation du croyant d’aujourd’hui : pour moi, quel est le message essentiel de Dieu ? A partir de quel message est-ce que je pourrais lire la Bible de façon éclairée ? A partir de quel message est-ce que je pourrais discerner quels textes constituent des clés de lecture d’autres passages plus complexes ou problématiques ? En cette semaine où nous faisons mémoire de la Réformation, cette question du prisme de lecture de la Bible que nous adoptons chacune et chacun, est toujours d’actualité.

En parlant de Réformation, combien de fois entendons-nous des gens exprimer leur sympathie pour le protestantisme et ses valeurs ? Bien souvent, ces gens réduisent le protestantisme à un humanisme tolérant, nettement moins strict que d’autres confessions ou religions, un humanisme perçu comme compatible avec l’humanisme de notre époque, un humanisme même… quasiment athée. Après avoir entendu Jésus résumer la volonté de Dieu, il me semble important de témoigner que le protestantisme, c’est autre chose que ce qui est perçu par certains de nos contemporains. C’est être chrétien, c’est-à-dire confesser Jésus comme le Christ, envoyé par Dieu pour chacune et chacun de nous. C’est affirmer qu’en Jésus, nous pouvons avoir une relation directe avec Dieu, c’est affirmer que nous voulons chercher à vivre réconciliés avec Dieu. Vivre réconciliés avec Dieu, dans la perspective de ce passage en Matthieu 22, c’est vivre dans la perspective de ce double ou triple commandement. En fait, l’amour de soi et l’amour du prochain, sans l’écoute de Dieu, ce n’est pas vraiment être chrétien, ou protestant, ou réformé. C’est être humaniste, et c’est déjà précieux. Mais être protestant, c’est orienter sa vie dans cette dynamique multiple, avec comme prisme de lecture la grâce offerte, la liberté et la responsabilité. Il faut la grâce pour que la liberté ne devienne pas une idole et la responsabilité une prison.

Alors oui, chercher à écouter et à suivre le Christ, pleinement, chercher à permettre à l’autre de montrer le meilleur de lui-même, et chercher à aimer comme Dieu nous aime, cela n’est pas possible sans Dieu. Notre appel, c’est d’aller à la source de la fraternité. Cette source, c’est le Christ, c’est Dieu. Amen.

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