Prédication sur le psaume 8 par P.Privat

PSAUME 8

1 Psaume de David, appartenant au répertoire du chef de chorale. Accompagnement sur la harpe de Gath.

2 Ô Seigneur, notre maître, ta renommée est grande sur toute la terre !

Ta majesté surpasse la majesté des cieux.

3 C’est la voix des petits enfants, des tout petits enfants, que tu opposes à tes adversaires. Elle est comme un rempart que tu dresses pour réduire au silence tes ennemis les plus acharnés.

4 Quand je vois les cieux que tu as créés, la lune et les étoiles, que tu y as placées,

5 je me demande : L’être humain a-t-il tant d’importance pour que tu penses à lui ?

Mérite-t-il vraiment que tu t’occupes de lui ?

6 Or tu l’as fait presque l’égal des anges, tu le couronnes de gloire et d’honneur.

7 Tu le fais régner sur tout ce que tu as créé : tu as tout mis à ses pieds,

8 les moutons, les chèvres et les bœufs, et même les bêtes sauvages,

9 les oiseaux, les poissons,et tout ce qui va son chemin dans les mers.

10 Ô Seigneur, notre maître, ta renommée est grande sur toute la terre !

 

Prédication

Le psaume que nous venons de lire est beau et se suffit certainement à lui-même.

C’est une poésie, et même plus qu’une poésie, c’est une louange, une réelle confession de foi!

Nous pourrions alors terminer par une acclamation au Dieu souverain qui règne aux siècles des siècles et nous pourrions rajouter ensemble : Amen.

Tout serait en quelque sorte dit et il ne serait peut-être pas utile d’écrire et d’apporter une prédication.

 

Et pourtant ce psaume, étonnamment positif, semble butter sur deux réalités de notre monde aujourd’hui !

D’une part, il nous est difficile d’affirmer avec le psalmiste que la renommée du Dieu créateur est grande sur toute la terre !

Nous pourrions sans doute dire aujourd’hui l’inverse ! Dieu n’est-il pas le dernier des soucis de nombre de nos contemporain ?

D’autre part, le psalmiste semble trouver extraordinaire et merveilleux que Dieu ait donné aux hommes une place de choix dans sa création, celle de règner sur tout ce qu’il a est créé or, aujourd’hui, nous pouvons être un peu plus pessimiste quant à la capacité de l’homme a assumer une telle place !

 

Et pourtant, il me semble qu’il est intéressant de lire et de dire ce psaume à partir justement de ces deux réalités qui semblent être contradictoires par rapport à notre texte ;

 

Mais revenons au premier constat :

Dans un élan profondément optimiste, le psalmiste semble associer toute l’humanité à cette reconnaissance de la gloire de Dieu.

« Ô Seigneur, notre maître, ta renommée est grande sur toute la terre » on peut dire aussi : « ton nom est grand sur toute la terre ».

C’est la première et dernière parole de sa prière, de son chant.

C’est même l’objet de toute sa louange, cette parole est certainement pour le psalmiste, le fruit d’une reconnaissance profonde, celle qui le motive à adresser à Dieu sa louange.

 

Le problème, c’est que nous pourrions aujourd’hui dire exactement le contraire !

Et même avec une intonation de voix qui exprimerait toute notre désolation !

« O Seigneur notre maître, que ton nom semble être rejeté par tous nos contemporains ! »

 

C’est vrai, la notion du Dieu créateur, semble ne pas faire beaucoup d’émules aujourd’hui !

Il semble loin ce temps où lorsque l’on regardait le ciel, on y discernait l’oeuvre du Dieu créateur !

Du reste parler d’un Dieu créateur semble proscrit aujourd’hui et quel enseignant oserait aujourd’hui s’aventurer sur ce terrain. Malheur à lui car, au nom d’une laïcité pas toujours très ouverte, évoquer seulement ce sujet lui attirerait certainement des difficultés.

Pour un pasteur c’est plus facile !!

Mais dans une culture qui rejette fondamentalement les notions religieuses, c’est vraiment nager à contre courant que d’évoquer de tels sujets !

 

Du reste l’amalgame souvent fait entre le « créationnisme » et la notion d’un « Dieu créateur » permet à beaucoup de tirer un trait sur tout ce qui peut venir d’une pensée biblique ou théologique en la matière !

Et c’est bien dommage car parler du Dieu créateur, c’est bien autre chose que de s’inscrire dans une pensée créationniste.

Le créationnisme, rappelons-le, est le fruit d’une lecture fondamentaliste de la Bible qui rejette toute la richesse symbolique des textes anciens dont le but n’était surtout pas scientifique mais théologique, voire humaniste !

 

Mais ce n’est pas parce que la création ne s’est pas réellement faite en 7 jours de 24 h que ces récits n’ont rien à nous apporter…. bien au contraire !

Il y a dans les premiers chapitres de la Bible toute une réflexion sur la vie de l’homme au sein du monde dans lequel il se trouve, et lorsque, aujourd’hui, on ne cesse de s’interroger sur le sens ou le non-sens de notre vie personnelle, il est surprenant qu’on occulte volontairement cette réflexion qui a traversée les millénaires pour arriver jusqu’à nous !

De même, à tous ceux qui semblent découvrir la responsabilité qu’ont les êtres humains en matière d’écologie et de respect de la terre, il est peut-être bon de rappeler qu’une prédication sur ce thème se trouve dans les premiers chapitres de la Bible et que les croyants juifs, chrétiens et probablement musulmans n’ont cessé de l’entendre et de la transmettre. Et s’ils n’ont pas été entendus, c’est parce que les être humains de tout temps ont du mal à accepter ce qui pourtant ne manque pas de clarté…

et ce que nous vivons aujourd’hui participe de cette même surdité.

C’est vrai qu’une lecture littéraliste comme celle du créationnisme, affadit le texte de la genèse au point qu’il peut même en perdre tout son intérêt !

Le problème c’est que même les adversaires du créationnisme reste sur cette idée créationniste et juge à partir d’elle une pensée qui est tout sauf créationniste !

Aussi on oppose la science d’aujourd’hui à une supposée science d’hier, nécessairement archaïque et obsolète comme le sont les théories qui auraient affirmé que tout l’univers tourne autour de son centre, la terre.

 

Au nom de la science, il n’est plus question de parler de Dieu et encore moins d’un Dieu créateur… Du reste, la phrase que l’on attribue à Gagarine est très explicite sur ce jugement scientifique qui occulte les questions philosophiques et théologiques pour tourner en ridicule des croyances moyenâgeuses

 

« J’étais dans le ciel et j’ai bien regardé partout : je n’ai pas vu Dieu ! Aurait dit Gagarine ! Après cela, il n’y a plus rien à dire, n’est-ce pas ! Le jugement a eu lieu et, consciemment ou inconsciemment, des paroles de ce type irriguent la pensée de nos contemporains !

 

Aujourd’hui, nous sommes bien loin de l’acclamation du psalmiste : ta renommée est grande sur toute la terre ! Il faudrait plutôt avouer avec une certaine tristesse : Seigneur, notre maître, que notre indifférence est notre rejet sont grands sur toute la terre !

 

Mais le psalmiste ne veut certainement pas faire de sa louange une confession des pechés !

Il semble tout au contraire, que sa parole est là pour élever ceux qui l’entendent, pour leur donner de vivre eux aussi dans cette considération !

Il y a un combat qui se joue ici entre une confiance et une défiance envers le Dieu créateur !

Et si aujourd’hui la défiance l’emporte avec tout son cortège de conséquences négatives, (car on ne peut pas dire que l’homme qui s’affranchir du Dieu créateur soit vraiment heureux… au contraire, il semble qu’il soit de plus en plus déprimé, et comment ne pas l’être lorsque l’espérance en plus grand que nous-mêmes a disparu et qu’il ne reste que la satisfaction de consommer et de consommer toujours plus!)….

si aujourd’hui la défiance l’emporte avec tout son cortège de conséquences négatives, il est bon de relever la tête et de comprendre avec le psalmiste que, par delà tout ce que les humains peuvent dire et penser en négatif sur Dieu, le nom de l’éternel est grand sur toute la terre, que sa renommée est grande sur toute la terre.

Nous serions naïfs d’imaginer que les contemporains du psalmiste étaient de biens meilleurs croyants que nous ! Ce n’est en tout cas pas ce que nous dit la Bible… Mais au cœur du combat entre la défiance et la confiance, le psalmiste fait le choix, et nous sommes invités à le faire également !

 

Reste cette affirmation positive autour de la responsabilité confiée à l’homme par Dieu !

Le Psalmiste n’est-il pas là aussi un peu naïf ?

En tout cas, le texte semble rentrer en dissonance par rapport à ce que nous constatons de plus en plus et qui peut nous rendre des plus pessimistes quant à notre avenir plus ou moins proche.

Les experts d’aujourd’hui ne sont-ils pas en train de dénoncer la folie humaine du toujours plus qui nous conduit à piétiner en quelques années des ressources millénaires ! Ne sommes-nous pas encore en train de provoquer des déséquilibres majeurs dont les conséquences sont difficiles à imaginer aujourd’hui.

Et qu’en est-il des relations entre les hommes sur cette planète terre ?

L’inégalité croissante entre les hommes n’est-il pas « un autre feu qui couve, lourd lui aussi de cataclysmes en préparation » ?

 

Dire que l’homme règne sur la planète terre semble assez exact !

Mais l’homme peut-il être honoré pour cette position privilégiée s’il n’assume pas sa responsabilité, si au lieu de protéger, il détruit, si au lieu de garder, il dilapide…

 

A la place du Psaume 8 nous pourrions faire monter à Dieu un cri de désolation, une confession des péchés, une demande de pardon, un appel au secours…

Le chant ressemblerait à une lamentation ! Loin d’être fiers de nous-mêmes, nous dirions alors : « Seigneur, nous sommes incapables d’assumer la charge que tu nous as confiée, reprends-là, donne-là à d’autres, ne permets pas qu’à cause de nous la terre entière court à sa perte… »

 

Ce psaume serait certainement plus réaliste car aujourd’hui notre prise de conscience augmente tout comme augmente le sentiment de notre incapacité à mettre un frein à ce mouvement engendré que nous ne maîtrisons plus !!

 

« Y a-t-il un pilote sur cette terre » ? semblent questionner nombre de nos concitoyens

Non, malheureusement non, répondent en cœur tous ceux qui se battent pour changer le cours des choses et qui se heurtent sans cesse aux impératifs supérieurs qui légitiment la croissance au nom de l’emploi et du « droit à consommer » de tous les hommes sur la terre…

Y a-t-il un pilote ? Oui, ose répondre le Psaume 8 !

Et c’est finalement ce que nous avons besoin d’entendre, ou de nous souvenir !

C’est finalement tout l’intérêt du psaume et ce pourquoi nous pouvons le dire encore aujourd’hui…

Mais quel est ce pilote ?

Nous pouvons répondre Dieu, bien sur ! C’est lui qui est majestueux ; C’est lui l’auteur de toutes choses, le créateur !

Du reste, pour le psalmiste il n’y a aucun doute : la majesté de Dieu surpasse la majesté des cieux ! Pour le psalmiste il ne fait aucun doute, le nom de l’Eternel est grand !

 

Mais ce n’est pas tout à fait ce que dit notre psaume !

Face à l’adversité, face à toutes ces forces négatives qui conduisent à la destruction, le psaume nous redit une nouvelle fois, ce que Noël et Pâques nous ont enseigné.

« C’est la voix des petits enfants, des touts petits enfants que tu opposes à tes adversaires »

Dans ce monde du gigantisme, des multinationales, de la bourse, de la mondialisation, le pilote n’est pas à rechercher parmi les grands du Cac 40, et encore moins chez les ténors des technologies nouvelles… ;

C’est la voix des touts petits que Dieu oppose à ses adversaires ; C’est cette voix qui réduit au silence les ennemis les plus acharnés !

 

Voilà une proclamation difficile à entendre tant elle bouleverse nos logiques et nos repères habituels, tant elle semble éloignée de la réalité que nous connaissons ; Et pourtant, c’est la parole que Dieu ne cesse de faire entendre et il ne nous est pas donné d’autres réponses.

Le psalmiste a découvert cette logique incompréhensible lorsqu’il regarde le ciel, la lune et les étoiles et qu’il s’interroge : qu’est-ce que l’homme !

 

Pour Dieu, rien n’est plus important que ce qui est fragile et faible et l’homme a tort lorsqu’il compte sur sa force !

Le psaume 8 plonge nos systèmes économiques, politiques, stratégiques dans un grand mystère : celui de la voix des petits enfants que Dieu oppose à ses ennemis les plus acharnés…

Mais ce mystère est justement ce qu’il nous est donné d’entendre lorsque nous réalisons l’impasse du pouvoir et de la force…

 

Si nous cherchons un pilote au sein de cette terre traversées de folies destructrices, il nous faut le chercher dans ce qui est fragile et faible, dans cette graine minuscule posée en terre et qui abritera tous les oiseaux du ciel… Le psalmiste annonce à sa manière ce que Jésus dira du royaume de Dieu.

Là encore, il nous appelle à la confiance et nous en avons grandement besoin !

 

Alors oui, ce psaume est beau et il est bon de le dire avec foi et reconnaissance non pour fuir notre réalité et nous enfermer dans une bulle mais pour oser, avec le psalmiste, bousculer nos logiques établies.

 

Qu’il nous soit donné d’entendre cette voix et quelle nous remplisse d’espérance en celui qui règne aux siècles des siècles. Amen.

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