Culte du dimanche 16 octobre 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Luc 18,1-8
Culte du dimanche 16 octobre 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Luc 18,1-8
Chers amis,
Jésus aurait voulu montrer « qu’il faut toujours prier, sans se lasser. » Quelques instants plus tard, la parabole qui devait justifier une telle attitude est conclue par la question suivante : « mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » D’un côté, la persévérance dans la prière. De l’autre, la présence – ou non – de croyants. En quelques versets, le sujet semble avoir changé, ou du moins avoir pris une perspective inattendue. J’ai déjà eu l’occasion de vous en parler, il est très rare que les paraboles soient rapportées avec une explication ; il est encore plus exceptionnel que la « morale » de la petite histoire soit donnée avant cette même histoire… et cette façon de faire n’est pas sans poser quelques difficultés. Car cela a été commenté par les théologiens et les philosophes : une parabole se déploie dans une rencontre, entre l’histoire en tant que telle, et celle ou celui qui l’entend ou la lit ; une parabole ne se limite jamais à une seule interprétation, elle ne fonctionne que si un effet de surprise est obtenu. Dans cette bribe de l’évangile de Luc, il y a bien décalage, mais celui-ci est peut-être double. Le plus attendu est peut-être dans la motivation du juge pour rendre justice à la veuve. Il ne le fait pas alors que c’est son devoir, mais parce qu’il ne veut pas être importuné. Le deuxième décalage est provoqué par le changement du cœur du propos de Jésus. Il semblait être question de persévérance dans la prière pour la justice, et finalement, l’interpellation concerne davantage la foi sur terre au jour du retour du Christ.
En effet, cette histoire se place à la jonction de deux thématiques et peut-être Luc a-t-il voulu articuler ensemble différents extraits de discours de Jésus au moyen d’une transition ? Dans les 17 versets précédents, Jésus répond à des Pharisiens puis s’adresse à ses disciples au sujet du moment où arriverait le règne tant attendu de Dieu. Le Nazaréen explique à ses auditeurs que le règne de Dieu est déjà au milieu d’eux, mais que celui-ci est insaisissable, et de fait, beaucoup ne le discernent pas. Le règne de Dieu appartient, par nature, au registre de l’inattendu, de la surprise, du mystère. S’il nous arrive d’être embarrassés par cette thématique des « choses dernières », – le règne de Dieu, on le voit souvent comme l’une des dernières choses qui devrait arriver dans une vision linéaire de l’histoire -, souvenons-nous surtout que nous sommes fondamentalement incapables de connaître ou de prédire quand le Christ régnera ; mais qu’il nous appartient de lui laisser aussi tôt que possible, aussi souvent que possible car cela est toujours à refaire, de lui laisser la place pour régner dans nos vies. Pour revenir à notre passage précis, avec la parabole de la veuve et du juge, un des messages que Jésus semble vouloir faire passer est que Dieu ne laisserait pas ses élus attendre indéfiniment sa justice – une justice différente de notre justice humaine. Au contraire, le Dieu d’amour ne prolongerait pas l’angoisse de ses enfants, il leur accorderait sans tarder le pardon et la paix qu’ils réclament, justement, avec ténacité et persévérance. Le règne du pardon et de l’amour n’est donc pas dans un futur inatteignable, mais à portée de prière.
La prière, c’est justement la deuxième thématique que nous trouvons dans les discours de Jésus dans cette section des chapitres 17 et 18. Juste après, Jésus propose une autre parabole comparant l’attitude de deux hommes qui se rendent au temple ; il y a le Pharisien sûr de lui, dans l’ostentation et le mépris des autres, et l’autre est un collecteur de taxes, repentant et humble. D’un côté, l’expert dans l’observance des règles religieuses, et de l’autre, le paria selon la société. Sans développer davantage, car nous parlerons peut-être de ce texte dimanche prochain, la parabole s’achève sur la justification du collecteur d’impôt, le pécheur, plutôt que sur celle du champion des rituels…
Le juge et la veuve sont donc à la charnière entre des propos sur le règne de Dieu, et des recommandations en matière de prière. Dans toute la séquence, il y a aussi la justice – celle de Dieu plutôt que celle des humains – qui fait office de fil rouge. Charnière, articulation, transition… Et si, justement, nous nous intéressions plus particulièrement au passage, au lien, d’une notion à une autre ? De cette idée de persévérance dans la prière à celle de présence de la foi ? Pour le dire autrement, y a-t-il des liens entre persévérance et foi ? Nous garderons aussi à l’esprit le fil rouge de la justice.
Premier constat, dans la parabole, la demande insistante et tenace est couronnée de succès. La veuve ne se décourage pas, elle relance le juge jusqu’à ce que celui-ci traite son affaire et lui fasse justice. Oui, ici, la persévérance a pour conséquence la justice. Cette image – ne l’oublions pas, c’est une parabole – ne nous parle pas prioritairement de la justice humaine. Néanmoins, Jésus suggère ainsi que même dans un système judiciaire perverti par la médiocrité de ses serviteurs, ici le juge, la justice est quand même possible, même à cause de mauvaises raisons. Dans notre monde où les inégalités sont croissantes et constituent des scandales révoltants, ne passons pas à côté de cet encouragement à poursuivre nos efforts et nos luttes pour des relations plus justes entre les êtres vivants. Mais je l’ai dit, Jésus propose cette histoire pour nous parler de la justice de Dieu. Il compare d’ailleurs les croyants à la veuve : eux aussi, ils crient jour et nuit pour être entendus. La différence, c’est bien sûr le juge : Dieu, lui, n’exauce pas les prières pour « avoir la paix », mais il pardonne et réconcilie, par amour. Ce n’est pas l’insistance de la prière qui a changé, qui a permis que la justice arrive, c’est l’amour de Dieu qui rend cette justice possible envers ceux qu’il a choisi – le fait qu’il les a choisi est peut-être l’élément premier dans cette histoire. Les paroles de Jésus et ce que nous connaissons de Dieu deviennent des raisons d’espérer et de croire. Ainsi, se placer souvent à l’écoute de la Parole de Dieu et prier avec ténacité sont des signes de persévérance et contribuent à entretenir notre foi. Il y a donc un lien entre persévérance dans la recherche de la justice et foi.
Mais, et c’est le deuxième aspect, la foi n’est-elle pas aussi un élément entretenant notre persévérance ? Notre foi se nourrit, je viens de le dire, de notre recherche de la volonté de Dieu, et des témoignages qui traversent les siècles, les témoignages également que nous partageons dans nos rencontres avec nos prochains. Quand nous sommes confrontés à des épreuves, les textes bibliques, les souvenirs des réponses passées de Dieu, les étincelles d’espérance qui jaillissent de nos relations humaines, oui, tout cela contribue à nous donner des forces pour continuer à avancer. Jour après jour, quand nous nous engageons dans notre monde pour y hâter la venue du règne de Dieu, nous faisons appel à l’Esprit Saint, et cet Esprit vient renouveler notre élan, faire s’épanouir les talents qui nous ont été accordés pour le service de la Bonne Nouvelle. Néanmoins, la foi ne constitue pas un vaccin ou un antidote contre les difficultés ou l’échec, tout comme il peut arriver que des gens oublieux de leur spiritualité soient impressionnants de courage face au mal… Il n’y a pas de lien mécanique, systématique, bien sûr.
A nouveau, ne perdons pas de vue ce qui est en jeu. Être insistant, courageux dans la prière, être animé par la foi, cela concerne la justice que nous attendons et recevons de Dieu. Cette Bonne Nouvelle est déjà là aujourd’hui, même si nous ne sommes pas encore complètement dans le règne du Fils de l’homme. Mais justement, ce « déjà » nous permet de marcher et d’agir pour que la justice de Dieu devienne une vraie présence pour tous les êtres humains. Courage, le Christ vient ; courage, son Esprit est déjà parmi nous ! Amen.