Passeur de toit ! Passeur dans la foi !

Méditation du dimanche 2 juin Pasteur Nicolas Mourgues Texte: Marc 2/1-12

Qui n’a pas rêvé un jour de pouvoir tout recommencer ?… Recommencer sa vie, ses amours… Recommencer à vivre comme si rien n’avait été, comme si le mal n’avait pas été fait, comme si la mort n’avait pas frappé, comme si la joie était encore à venir.

Qui n’a pas rêvé de changer de métier, de quartier, de maison et d’amis ?… Changer pour être un autre, s’il m’en reste le temps. Changer pour devenir cet autre que je n’aurais plus envie de fuir.

« Je est un autre », disait Rimbaud. Comme je voudrais parfois partir à la recherche de cet autre-là. Le retrouver dans ma mémoire, enfoui, le mettre au monde pour un avenir neuf.

Qui n’a pas rêvé d’être un autre, un héros, un auteur, un rentier, un séducteur ?… Qui n’a pas rêvé d’avoir le temps de rêver une vie émerveillée ?…

Vous êtes, je suis, celui-là, celle-là.

Les auteurs de la Bible, hier, et pour nous encore ce matin, redisent cette promesse de Dieu, celui qu’on appelle l’Eternel : « Je fais toutes choses nouvelles ».

Pourtant, ni pour vous ni pour moi, il ne s’agit de croire qu’un miracle va survenir. Dieu, maître dans l’art d’aimer et de redonner vie, n’en a pas moins besoin des hommes, de leur foi et de leurs mains, comme ici des quatre amis de l’homme malade. Car, au fond, voyant qu’ils ne pouvaient entrer, faute de place, dans la maison où se trouvait Jésus, ils auraient très bien pu déposer simplement leur fardeau devant la porte, et puis s’en aller sans s’encombrer. Le paralysé, lui, était-il demandeur de quoi que ce soit ? Peut-être pas. Passif ? Non. Résigné ? Plutôt. Timide ? Un peu ; il partira sans dire merci.

A nous de savoir ressembler à ces quatre hommes dont la foi a ouvert le toit. A nous d’inventer, et d’abord pour autrui, ce qui d’un passé mort fera toutes choses nouvelles. Comme pour le malade que ses amis font passer par le toit pour qu’il ait une chance d’être rencontré par Jésus, pour vous, comme pour moi, il faudra peut-être un « passeur ». Et si, en étant passeur de toitures, de fermetures pour les autres, tu devenais « passeur » de toi-même ?… En échappant ainsi à la banalité de ta vie quotidienne, tu pourrais déboucher sur un ailleurs que tu n’attendais pas.

Car enfin, cette toiture qui, au départ, semblait être une protection, n’était-ce pas aussi, et peut-être surtout, une fermeture ? Fermeture aux autres, enfermement par les autres : toutes ces fermetures qui emmurent les êtres, sans voix, isolés dans leur douleur ou leur exil. Isolement et résignation car, faute d’espérance, il nous arrive parfois de nous replier sur nos malheurs. Repli de la fatalité, repli de nos égoïsmes aussi sur les malheurs des autres.

A vous comme à moi, comme au paralytique, il faudra peut-être un « passeur ». Un « passeur » de toit, ou un… « passeur » de foi. Ce ne sera peut-être pas Jésus lui-même, parce que sans doute ni toi ni moi ne savons vraiment comment lui parler, ni comment nous faire entendre de lui : eh bien, ce sera alors par un ami de Jésus, un messager, un de ces anges sans ailes qu’il envoie auprès de nous et qui nous fait traverser les toits et les murs, les barrières du désespoir et les grilles de l’ombre du soir.

Cet ange-là, si nous ne l’avons pas encore rencontré, ne craignons pas, il viendra, et s’il tardait à venir, eh bien, devenons celui-là, ce passeur de toit, cette luciole de joie, cet ami, et pour tous ceux qui s’attendent à nous !

Notre avenir, notre vocation, notre raison d’être sur la terre n’est peut-être pas tant d’être secouru, que de secourir. D’être ce clandestin qui cherche la lumière, que d’être le passeur, celui à qui je peux faire la confiance d’une main tendue quand les flots m’encercleront. Celui qui saura, malgré ma peur du jour qui est, me redonner le goût des lendemains.

Pêcheurs d’hommes, c’est la vocation que Jésus attribua à son ami Pierre. Passeur d’hommes, c’est peut-être celle qu’il nous adresse aujourd’hui. Nous ne nous aimons pas toujours, et nous voudrions changer de vie, de tête et de cœur. Etre un autre pour vivre une autre vie… cela est peut-être possible si nous commençons ce matin, là, dans l’heure qui vient, nous aimer tel que nous sommes, si nous laissons couler nos larmes sans faire croire que nous sommes fort, si nous laissons tomber nos armes, et le masque de celui que tu nous ne sommes pas. Vous êtes fragile ? Moi aussi ! Vous êtes faible ? Moi aussi ! Vous avez peur ? Moi aussi !

La Bible ne nous dit-elle pas que Dieu choisit les petits et les faibles, les intrépides et les fonceurs, sans distinction.

Nous nous sentons le dernier, comme Gédéon ? Nous sommes de petites de tailles face aux autres, comme Zachée ? Eh bien, réjouissons-nous, car c’est ainsi que Dieu nous aime et nous a créé. Il vous dit comme à moi : « Ma grâce te suffît. C’est elle qui, s’il le faut, fera toutes choses nouvelles ».

Pasteur Nicolas Mourgues

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