Méditation « Veiller »

Prédication du Pasteure Claude Caux-Berthoud pour le synode 2023. Lue à Annonay par Louise Sedjro et Nadine Perrier. Lectures : Psaume 63. 1 à 9 ET Matthieu 25. 1 à 13

Il est important de replacer cette parabole dans le contexte des chapitres 24 et 25 de l’évangile de Matthieu, car ils forment un tout.
Au chapitre 24 Jésus annonce la destruction du temple de Jérusalem, alors que ses disciples venaient lui en faire remarquer les constructions. Quand ils se retrouvent avec Jésus en privé, sans doute habités par quelques troubles, ils lui posent des questions : « Dis-nous quand cela va arriver, quel sera le signe de ton avènement, et de la fin du monde ? »
Jésus va leur répondre par un long discours de type apocalyptique, les chapitre -24 et 25-, dans lesquels je relève de nombreux maux et mots effrayants : famine, tremblement de terre, désolation, tribulation, exclusion, guerres, trahison, haine, persécution… et il est aussi question de tri : les uns pour le châtiment éternel et les autres, pour la vie éternelle. On a bien l’impression de n’être pas au premier siècle des évangiles, ni au Moyen-Âge, mais dans notre histoire contemporaine, dans ce qui fait notre aujourd’hui, avec tous les problèmes du monde, de l’humanité malmenée, ou plutôt de l’inhumanité actuelle, et les conflits qui s’imposent et peuvent nous figer dans la peur.
Dans ces deux chapitres de Matthieu, 24 et 25 on apprend aussi que le Fils de l’Homme viendra dans sa puissance et sa gloire. Sa venue aura la rapidité de l’éclair. Nul n’en connaît le jour sinon le Père. Ce que l’on sait encore c’est que cette venue, de celui qui est nommé « Fils de l’Homme » ou « Maître » ou encore, « époux », cette venue plus ou moins attendue, tarde à venir, tarde à se manifester, et se fait désirer.
Pour appuyer son discours Jésus y glisse des paraboles : Celle du serviteur prudent, fidèle (Heureux est-il !) et du mauvais serviteur négligent (qui partagera le sort des hypocrites, là où il y a pleurs et grincement de dents.) Puis, la parabole des 10 vierges ou 10 jeunes filles que nous avons lu. J’y reviendrai. Puis la dernière parabole, celle des talents, ou deux des serviteurs sont reconnus comme bons et fidèles et un autre serviteur reconnu comme mauvais, paresseux, inutile, et qui sera mis en pièces et jeté dans les ténèbres.
Dans ce tableau effrayant, angoissant, paralysant, voilà que Jésus introduit dans notre parabole du jour, la notion, l’image, du Royaume des cieux. Je lis : « Alors, le Royaume des cieux sera semblable à 10 vierges qui prirent leur lampe pour aller à la rencontre de l’époux. Alors ! Petit mot de liaison qui pourrait passer inaperçu, mais qui fait entrevoir une nouveauté, comme une issue aux catastrophes annoncées, comme une espérance à laquelle s’attacher, une lampe à garder allumée pour une rencontre, et quelle rencontre : celle de l’époux ! Ce petit mot de liaison renvoie à un événement plus ou moins proche, plus ou moins attendu et espéré. En fait notre texte nous prépare à intégrer sur nos chemins cet « à venir » eschatologique.
Se mettre en route, en mouvement dans le but de vivre cet événement, et de rencontrer le Seigneur, l’époux, là, maintenant, demain, plus tard. Être motivé par un désir profond comme le psalmiste qui cherche Dieu dès l’aube et qui a soif de vivre avec lui, au quotidien, qui a le désir d’être rassasié comme par un festin. La parabole pose en filigrane le désir d’être invité, avec d’autres, avec l’Église, au festin des noces de l’époux, d’être présents pour la joie de Dieu, pour partager son immense amour, dans une alliance de vie, et de vie sans fin. Le désir, la soif et la faim sont les prémices de la rencontre. L’époux, certes, tarde à venir mais il vient ! L’époux, c’est celui que nous célébrons aussi lors de la Cène, et avec qui nous partageons ensemble un repas de fête. La cène que nous célèbrerons dans un moment, est cette invitation à vivre la communion avec le Seigneur, l’époux, ainsi qu’avec tous les invités. Repas de fête, comme une anticipation du festin du Royaume.
Les 10 vierges ou jeunes filles de notre parabole désirent cette rencontre. Elles attendent l’époux pour lui faire un cortège de lumière. Dans ce groupe cinq sont sages, prudentes, avisées et cinq sont insensées, imprudentes, insouciantes, folles. Mais est-ce vraiment ce qui les distingue ? Toutes attendent, avec leur lampe ! Toutes s’assoupissent et dorment. L’attente fait partie intégrante de notre existence et nous pouvons dresser une liste de ce que nous attendons. C’est parfois puéril, ou illusoire, insensé même ; En tant que chrétiens qu’attendons-nous ? Qu’est-ce qui motive notre attente ? Qu’est-ce que nous mettons en action pour que, ce que nous attendons et espérons dans le monde et dans l’Église, et en nous-même, se manifeste ? Car l’attente se nourrit d’espérance pour soi et pour les autres, de patience, pour soi et pour les autres et d’action car l’attente n’est pas passive. Elle engage ! Et nous ne sommes pas seuls à attendre. C’est l’humanité entière qui attend et soupire, c’est mon voisin de palier, mon collègue de travail, l’étranger, le paroissien assis à côté de moi, qui attend. C’est la création entière qui soupire après la paix, la rencontre authentique, la fraternité, la solidarité, et qui attend la fête universelle, cosmique et qui est au cœur de notre espérance.

Je fais ici une courte parenthèse : Ces 10 vierges, qui forment une communauté, pourraient être la figure de l’Église, avec ses attentes et ses projets, la figure de chacune de nos paroisses avec ses attentes et ses projets ; Envisageons aussi qu’elles sont la figure de chacun de nous individuellement ; une part de nous qui est sage et une autre insensée, ces parts pouvant être inégales d’ailleurs ! Je ferme la parenthèse !
Et, je reprends ma question : Qu’est-ce qui distinguent ces 10 jeunes filles, les unes des autres ? Qu’est-ce qui les différencient ? Ni leur vertu de virginité, ni leur sommeil, puisque toutes 3 s’endorment, ni le fait d’avoir chacune une lampe. C’est le manque d’huile qui les différencie Leur réserve d’huile fait défaut !
L’huile ! Tout un symbole ! On en dit des choses sur elle ! Elle a des valeurs alimentaires, thérapeutiques, cosmétiques. Elle sert au bon fonctionnement des rouages mécaniques, et pour l’alimentation des lampes pour l’éclairage…L’huile est aussi le symbole du Saint Esprit, de l’Esprit qui nous est donné d’En-Haut ! Ici, vraisemblablement dans la parabole, une denrée qui ne se partage pas mais dont on peut faire provision, afin de tenir dans la durée, afin de répondre présent au lanceur d’alerte, afin de recueillir ce cri qui met en mouvement sans s’afférer à d’autres choses, afin d’être prêt pour la rencontre, et la fête des noces.
Malheureusement le dénouement de la parabole nous souligne que la pénurie d’huile est irréparable. Il est trop tard pour courir chez les marchands de bonheur. Trop tard, la porte est close pour 5 des jeunes filles.
C’est à la fin de la parabole que nous trouvons un indice qui nous dit comment nous préparer à cette future rencontre, dont le moment est indéterminé ; comment vivifier notre désir de rencontrer le Seigneur ? Comment nourrir notre espérance et vivifier notre ardeur ? Jésus ne laisse pas ses auditeurs s’immobiliser dans leurs peurs ou inquiétudes. Il les rend attentifs par des conseils, des avertissements : Voici le dernier verset de la parabole : « Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour ni l’heure. » mais tout le discours de Jésus dans ces chapitres 24 et 25 est ponctué d’exhortations. Non de devoirs, d’obligations, ou de contraintes. Non comme une loi nouvelle ou une morale du bien faire. Le mot exhortation que j’ai employé, est très positif car il renferme la signification d’encouragement, de conseil, ce qui me fait dire que le discours ou l’enseignement de Jésus dans ces chapitres, a une valeur préventive, éducative et non punitive.
Écoutons les encouragements de Jésus à ses disciples dans les chapitres 24 et 25 : Prenez garde, n’ayez pas peur, persévérez, résistez, priez, tenez-vous prêt, veillez.
Voilà les outils que Jésus place devant eux, devant nous, afin de maintenir notre réserve d’huile, afin de nourrir une vie spirituelle, socle qui nous permet de tenir bon dans toutes les nuits du monde. Parmi ces outils je prendrai le dernier, qui est la finale, la conclusion de la parabole : Veiller. Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. Cet encouragement s’adresse aussi bien à une paroisse, une communauté, à une Église, qu’à un chrétien qui place chaque jour sa vie devant le Seigneur, car il désire être uni à lui dans tout ce qui fait son quotidien. IL désire vivre et goûter à ce Royaume qui est déjà là, mais pas totalement présent.
Veiller, c’est donc, être ouvert au Seigneur, au maître, à l’époux qui vient, et pas seulement à la fin d’une histoire, mais tout au long du chemin. Veiller, c’est garder les yeux ouverts comme une sentinelle, non pour ne pas dormir, mais pour garder une attitude de vigilance, de fidélité et de persévérance. Et cela réclame une discipline consentie, tel un musicien qui fait ses gammes pour être prêt pour le concert. Telle une équipe, d’un sport d’équipe où chacun et tous ensemble s’entraîne sur le terrain pour gagner le match. Veiller, c’est être attentif à sa vie spirituelle pour qu’elle soit à la fois prière et engagement concret, adoration et action, louange et miséricorde. Veiller, c’est faire que la prière se glisse dans les diverses activités du quotidien et que les diverses activités nourrissent la prière. Veiller, c’est s’appuyer sur des promesses, celle du Christ présent avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde. C’est résister dans la durée, à tout ce qui pourrait empoisonner l’espérance, empoisonner la confiance en l’Esprit saint, qui dynamise l’élan de notre vie et l’élan d’une vie fraternelle et missionnaire. Enfin, Veiller dans la nuit de ce monde en désordre, et secoué de tant de turbulences, c’est porter en soi, dans nos communautés et au cœur de notre humanité, une petite flamme pour rendre gloire à Celui qui est la Lumière du monde et pour en témoigner.
Oui, qu’il en soit ainsi pour chacun de nous, pour nos communautés paroissiales, pour notre Église. Amen !

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