Partie II
L’homme comprend qu’il a échoué à pousser Jésus dans ses retranchements. « Voulant se justifier », c’est-à-dire pour corser l’affaire et montrer ainsi qu’il est quelqu’un de perspicace, il relance sa demande d’ « expertise pointue » de la part de Jésus.
« ET QUI EST MON PROCHAIN ? » Cette fois, Jésus n’esquive pas. Il répond en racontant une parabole… pour aboutir finalement à un déplacement spectaculaire de la question ! Au final, en effet, la question n’est plus : « ET QUI EST MON PROCHAIN ? » Mais elle est devenue : « Qui s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? »
Autrement dit, au lieu de me demander « qui est mon prochain ? » (pour l’aimer ensuite, on peut supposer), j’ai d’abord à l’aimer – et c’est en l’aimant que j’aurai répondu à la question, et aurai rendu cette question caduque !
« ET QUI EST MON PROCHAIN ? » n’est donc pas une vraie question ! C’est un leurre, une casuistique stérile, on peut en débattre à l’infini… Alors que ce qu’il y a à faire, quand on veut prendre le commandement au sérieux, est d’une simplicité enfantine…
Le prêtre et le lévite ont trouvé de bonnes raisons, sans doute, pour ne pas secourir l’homme tombé aux des brigands. Comme le légiste, ils se situent du côté de ceux qui scrutent la Loi sous toutes les coutures, mais en même temps se tiennent à distance de ce qu’elle demande ! Attitude jugée stérile, improductive, par Jésus.
Le Samaritain passe par hasard à côté du malheureux, et en le voyant, il est ému aux entrailles (verset 33). Il fait naturellement ce que demande la Loi, sans se référer au commandement de l’amour du prochain. De fait il considère cet homme comme son prochain. Alors qu’il s’agit de toute évidence d’un Juif, et que lui-même est Samaritain.
Qu’à cela ne tienne, le Samaritain est passé par-dessus cette différence d’appartenance religieuse et ethnique. Il a noué une relation avec cet homme, chacun devenant le prochain de l’autre.
Cette attitude-là est validée par Jésus – celle que le légiste désigne lui-même par le terme grec « eleos » (bonté, miséricorde, pitié). Voici en effet ce qu’il répond à Jésus : « C’est celui qui a pratiqué la miséricorde envers lui ». (NB. On retrouve le verbe dérivé de « eleos » dans la formule liturgique : « Kyrie eleison »).
Voyant qu’il a tout compris, Jésus n’a plus qu’à ajouter : « Va et, toi aussi, fais de même ».
Conclusion
Que pouvons-nous en conclure ? Qu’est ce qui oppose finalement Jésus et le légiste (« nomikos ») ? Précisément, le rapport à la Loi. La manière de penser la Loi…
Peut-être, chez Jésus, la manière de ne pas la penser, mais de la pratiquer, de la vivre… dans une certaine radicalité, ou peut-être, dans une certaine simplicité, ou immédiateté.
Le légiste apparaît comme un coupeur de cheveux en quatre, alors que la figure du Samaritain est un homme qui est dans l’action, tout en étant proche de ses émotions.
Ce Samaritain… ne l’appelons pas « bon » ! Car, « Dieu seul est bon » (Lc 18, 19). Quelques chapitres plus loin, en effet, Jésus reprend en ces termes le chef religieux qui s’est adressé à lui en l’appelant « bon maître ». On fausse la lecture de l’épisode quand on le replace ainsi, par ce petit mot, sur le plan de la morale. Alors que l’Evangile fait tout pour nous en détourner !
Le Samaritain ne s’est pas posé de question sur ce qui était son devoir. Il n’a pas interrogé la Loi pour savoir ce qu’il pouvait ou ne pouvait pas faire. Il a écouté ses tripes, c’est tout !
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Et si c’était pas plus compliqué que ça, la solidarité, l’entraide, le soin ! L’écoute d’une émotion, qu’on appelle traditionnellement la compassion, et de plus en plus à l’heure actuelle, l’empathie.
Empathie : le fait de ressentir quelque chose pour l’autre, de pouvoir se mettre à sa place s’il est triste ou s’il souffre, par exemple.