Méditation du dimanche 16 juin

pasteur Jean-Pierre STERNBERGER Texte : Marc 4,26-34

Il disait encore :
“ Le Royaume de Dieu est
comme un homme jetant la semence sur la terre; Il dort
il veille, nuit et jour,
la semence germe
et croît
de telle manière qu’il ne sait pas comment. D’elle-même la terre porte du fruit :
d’abord l’herbe,
puis l’épi,
puis le blé bien formé dans l’épi; et quand le fruit est mûr,
immédiatement on y envoie la faucille,
car la moisson est là.”

S’asseoir tranquillement, ne rien faire
vient le printemps
et l’herbe
pousse d’elle-même.
Aïku de Zenkei Shjbayama

 

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Ne rien faire, lâcher prise. Ça n’a pas toujours été de mise.
1967 Jacques Brel crée une nouvelle version de sa chanson les bonbons. Au lieu d’apporter des bonbons son personnage aux cheveux longs vient rechercher ses bonbons. Il a ses opinions dit-il et surtout il a cette phrase qui le rend plus que ridicule : “tous les samedis soirs que j’peux, Germaine, j’écoute pousser mes cheveux ”. Il est le symbole d’une jeunesse désœuvrée et dérisoire qu’un autre chanteur de cette époque, Johnny Haliday décrit ainsi : “cheveux longs mais idées courtes” … pourtant …
Pourtant : Je vais vous raconter l’histoire d’un jeune homme aux cheveux longs. Ses parents adoptifs n’avaient eu que des ennuis avec lui. A la maison il multipliait les bêtises. Un jour, il but un flacon d’insecticide ce qui le conduisit à l’hôpital. Une autre fois, il introduisit une broche dans une prise électrique. Plus tard, il lâcha en pleine salle de classe des serpents vivants. Avec son copain Steve – tout le monde s’appelle Steve dans les années 70 – il découvrit alors qu’il était possible de téléphoner gratuitement en simulant une sonorité précise sur le combiné. ll en profite pour réveiller des gens aux 4 coins de la planète ! Puis, un beau jour, porté par je ne sais quel élan mystique, il fait le voyage en Inde, préférant la méditation à l’étude, vivre sa vie plutôt que de se faire une situation. Ses parents sont désespérés. Que va-t-ils faire fera-t-il plus tard, ce jeune Steve Jobs ? Cheveux long, idées courtes … Eh bien je vais vous le dire mais vous l’avez peut-être deviné, Steve Jobs à son retour d’Indes fonda dans un garage avec son copain Steve Wozniak, la firme Apple. Les Mac Intosh, les Ipad, Iphone et autres Apple Watch, ce sont eux et bien d’autres choses encore. Cheveux longs oui mais ils ont modelé le monde. Il fallait peut-être que Steve Jobs écoute pousser ses cheveux et ses idées avant de les mettre en pratique et de révolutionner le monde.

S’asseoir tranquillement, ne rien faire
vient le printemps
et l’herbe
pousse d’elle-même.

La parole de Jésus que nous lisons ensemble ce matin est une parole de sagesse : on ne peut hâter la croissance d’une plante et si on le fait, à coup d’engrais ou de manipulations génétiques, on doit s’attendre à des conséquences imprévisibles. Mieux vaut travailler au bon moment, semer et laisser faire la nature. Il ne viendrait à personne l’idée de tirer sur une plante pour la faire pousser plus vite, ce serait risquer de l’arracher et de la voir mourir, se dessécher, ce serait la perdre. Il faut la semer, l’arroser, repiquer si nécessaire. Il faut surtout attendre, savoir se poser, se reposer, apprendre qu’on ne maîtrise pas tout et même s’en réjouir. Tel semble être le sens de cette parole parabole.

Mais il serait faux de croire que cet enseignement de Jésus pousse à la paresse. Jésus ne dit pas : « ne faites rien » mais « ne faites rien quand il n’y a rien à faire ». Le paysan de cette histoire commence par travailler -il sème-, puis ne fait rien -il dort ou il veille- et enfin se remet au travail au temps de la récolte. En d’autre terme, Jésus conseille de faire ce qu’il faut en son temps. Il rejoint en cela le texte de l’Ecclésiaste : il y a un temps pour semer et un temps pour regarder l’herbe pousser, un temps pour méditer en Indes et un temps pour fonder inventer l’Ipod. Celui qui ne se plie pas à cette règle connaîtra l’échec.
Cette règle elle vaut pour tout le monde, croyant ou non, et j’en prend pour preuve quelques exemples dans notre actualité de ce jour, 16 juin 2024.

“ Le Royaume de Dieu est comme un entraineur qui accompagne son équipe pour les jeux olympiques..
Vient la compétition, il est sur le banc de touche, il observe mais ne joue pas.
L’équipe entre dans le stade, elle perd ou gagne en sorte qu’elle ne sait pas comment.
Les joueurs se passent le ballon : d’abord une passe, puis une autre et une troisième
et quand la mi-temps est sifflée, l’entraineur rassemble ses gars dans le vestiaire et donne de nouvelles consignes

“ Ou encore le Royaume de Dieu est comme un candidat aux élections qui tracte sur les marchés ;
Le vendredi soir, il rentre chez lui. Il dort ou il veille, peu importe.
Les gens lisent les tracts, réfléchissent de telle manière qu’il ne sait pas comment.
D’eux-même les électeurs vont voter. d’abord la carte d’électeur puis l’isoloir, puis l’urne dans laquelle on glisse le bulletin;
et quand 20h sonne, immédiatement les premiers résultats tombent, et le député peut ou non se mettre au travail.”

“ ou encore Le Royaume de Dieu est comme un conseil presbytéral qui est à la recherche d’un pasteur et qui envoie des lettres à différents candidats possibles
La nuit, les membres du conseil dorment. Au matin, les lettres et autres courriels arrivent dans les boites. On les lit ou on le jette, on se les passe, on donne ou on ne donne pas suite à la proposition en sorte que le conseil ne sait pas comment.
Finalement, la nouvelle porte du fruit : un pasteur lit la lettre et décide d ‘y donner suite.
Il prend contact avec le conseil, décide de répondre à l’appel et s’installe au presbytère, car c’est le moment.”

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Ces exemples illustrent que les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’une première lecture de la parabole peut le laisser entendre. Quand le paysan se repose, la plante est en pleine germination puis en croissance. Quand l’entraineur devient spectateur, les joueurs suent et se font mal. Les électeurs se déplacent quand le candidat se repose. Les uns prennent le relai de l’autre, de celui qui ne fait rien ou paraît ne rien faire.
Mais il y a plus. Il y a que, dans la bouche de Jésus, cette histoire prend une autre dimension.
Elle parle aussi de Dieu et Jésus parle de lui-même.

On peut ainsi la comprendre comme un résumé de la création. Au commencement Dieu donne la vie et crée, lit-on dans la Genèse des arbres portant en eux-même de la semence d’arbre, des vivants ayant en eux-même la capacité de donner la vie. Et c’est ce qu’ils font. Et Dieu voit la vie s’épanouir – ou non – sur la terre. S’épanouir ou non. Car donner la vie, c’est aussi risquer de la voir s’éteindre. Et le semeur verra certaines de ses graines mangées par les oiseaux ou étouffées par les ronces, et écrasées sous des pierres. Dieu verra ses enfants dévorés par les conflits, étouffés par la peur, écrasés par la souffrance. Mais il verra aussi la semence germer et l’amitié fleurir. Il verra les humains se réconcilier et réinventer l’amour. Et quand tout cela sera mûr, viendra la récolte, le jugement, la reprise en mains par Dieu de ce monde qui est le sien.

On peut enfin penser que Jésus parle aussi de lui-même. Il est ce semeur qui distribue des gestes et des mots que les gens retiennent ou oublient, qu’ils transmettent ou qu’ils transforment. Depuis l’ascension, est venu le temps de l’Église et l’évangile nous est confié. Il germe et pousse et fleurit dans le monde. Vous êtes le jardin dans lequel poussent les fleurs et les légumes de l’évangile. C’est vous, c’est nous qui le faisons croître. C’est lui qui nous pousse en dedans jusqu’à ce qu’un jour il vienne lui-même récolter nos vies pour en faire une jardinière de légumes, ou une grande salade de fruits, pour transformer nos espérances en Royaume.

Alors c’est vrai Jésus ne fait pas tout dans l’Église. Dieu ne fait pas tout dans le monde. Inutile aussi d’accuser Dieu de tout ce qui ne va pas dans le monde ou d’accuser le Christ de tout ce qui ne va pas dans l’Église. Il y a des ronces, des oiseaux, des mauvaises herbes et des pierres dans le jardin et, et si ce dernier n’est pas saturé de pesticide et autre insecticide chaque plante, chaque animal y trouve sa place à côté des radis, des carottes, des fraises rhubarbe et cerises. A nous de savoir différencier la fraise du cailloux et de rendre grâce pour l’une comme pour l’autre.

S’asseoir tranquillement, ne rien faire
vient le printemps
et l’herbe
pousse d’elle-même.

Dans la Bible ce printemps de Dieu s’appelle le Shabbat. Il revient chaque semaine. Dieu s’y repose et appelle l’être humain à en faire de même. Dieu n’a pas voulu tout faire lui-même. Que chacun puisse donc trouver le temps de vivre à l’image de Dieu et se laisser reposer, recréer, respirer jusqu’à la prochaine récolte.

amen

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