Méditation du dimanche 10 novembre

Culte présidé par Eveline Charier. Texte : Marc 12, V. 38-43

Quel scandale !!

Un temple !

Drôle d’endroit pour cette rencontre !

Une rencontre fugitive, où le regard de Jésus se pose, dans le brouhaha de la vie religieuse du temple de Jérusalem de cette époque où se mêlent la vie sociale et commerciale avec la vie religieuse.

C’est là que Jésus va rejoindre ses contemporains. Là, il les observe, il remarque leur façon de vivre, et en tire une leçon spirituelle pour ses disciples.

Ouvertement, et sans aucune crainte, semble-t-il, il dénonce la conduite des scribes qui paradent dans leur vêtement de luxe, et se placent aux 1ers rangs pour prier. Jésus voit leur manège et ne s’y trompe pas. Tout n’est qu’apparence ! Sans détour, Jésus met ses disciples en garde contre la fréquentation des scribes. Ils sont dans la gloire d’eux-mêmes. Leur vie est faite de faux semblants. Nous aussi, en lisant ce texte, nous sommes choqués de leur orgueil et de leur hypocrisie.

Ce qui met Jésus en colère, c’est la façon dont ils se servent de leur pouvoir religieux, de leur savoir, pour en tirer bénéfice. Ils sont prêts à piétiner les faibles, les pauvres, les étrangers et les femmes. Ceux qui font donc partie de la catégorie sociale la moins enviée, justement celle que recherche Jésus car ceux-là sont dans l’authenticité, la vérité.

Nous avons lu les béatitudes, elles invitent ces « petits » :

* les pauvres de cœur, pauvre de biens, d’une place dans la société,

* ces authentiques, ceux qui ont le cœur pur,

* ces affamés et assoiffés de justice, celle d’ici-bas et d’être reconnus juste devant Dieu,

* ces doux, ces miséricordieux, ces artisans de paix qui aspirent à la réciproque

* ces souffrants qui pleurent et ne trouvent pas de lieu de consolation

* ces persécutés parce qu’ils croient en Jésus le Juste, ils croient en la justice de Dieu par la mort et la résurrection du Christ.

À se lever (autre sens du mot Heureux) et à aller vers l’avant : en route, ne restez pas accablés de votre petitesse, aux yeux de Dieu elle est un trésor de vie !

Jésus est là, portant un regard circulaire sur ce qui se passe sous ses yeux. Et dans cette foule, il sait voir ce qu’il y a à voir, ce qui est vrai, ce qui a de la valeur, ce qui est beau. Il voit une femme, une veuve, habillée sans doute misérablement, puisque l’auteur du texte insiste pour dire ‘une veuve pauvre’. Elle ne fait rien d’extraordinaire, elle arrive et dépose 2 leptes dans le tronc destiné aux dons. 2 leptes, c’est à dire 2 centimes d’euros. Lepte ça veut dire : pelure ou balle, cette fine protection qui a servi à la maturation des grains de blé. C’est dire si ça ne vaut rien !

C’est notre trésorière qui serait bien embarrassée si elle trouvait une si petite pièce en offrande au culte ! Mais j’invite les trésoriers de nos paroisses à considérer que les pièces jaunes peuvent être la seule chose que certaines personnes puissent donner.

Jésus est scandalisé aussi, par la demande financière des religieux, par le système qui veut que l’on donne la dîme de ses revenus. On le remarque par ce verset : ils dévorent les maisons des veuves. En effet, les veuves étaient à double titre très dépréciées, à cette époque. D’une part, parce qu’elles étaient des femmes, dans un monde où l’homme a le pouvoir, et d’autre part, lorsque leur mari mourrait, elles se retrouvaient sans revenu et sans protection. Elles étaient particulièrement pauvres et vulnérables. Pourtant elle devait comme tout le monde donnait la dîme, 10% de leur revenu. C’est ce système établi par une loi religieuse sans pitié que Jésus condamne sans ménagement. D’un don, on a fait une loi. Et une loi inéquitable, qui appauvrit les pauvres et met en valeur les riches.

Jésus a fait scandale en prenant en exemple cette femme pauvre. Il ne la plaint, pas. Il ne la vante pas non plus pour son geste. Il ne conseille pas aux disciples de lui rendre son argent. Il ne leur dit pas qu’elle n’est pas raisonnable. Il n’encourage pas à faire comme elle. En fait, Jésus ne porte pas de jugement moral sur la veuve.

Il ne dit pas si c’est bien ou pas bien. Il souligne le don de la veuve. C’est le don d’elle-même, de sa vie. Le texte dit qu’elle a mis de son manque, alors que les scribes ou les riches donnent de leur abondance. Elle donne ce qu’elle n’a pas. En fait, elle donne ce qu’elle est. Elle fait acte de foi. Elle ne cherche pas le regard des autres pour être louée, elle n’a pas honte de ce qu’elle donne.

Elle fait tout simplement. En offrant tout ce qu’elle a, c’est elle même qu’elle offre.

Elle serait sans doute passée inaperçue si Jésus ne l’avait remarquée.

Son geste dit sa confiance en Dieu. Le trésor, pour Jésus, il est là dans sa posture de foi.

En remarquant cette femme, ce don de sa personne, Jésus parle aussi du don de lui-même, lui dont les béatitudes sont le portrait, c’est une annonce du don de sa vie qu’il va offrir au monde peu de temps après cette rencontre. Il dit le vrai sens du don.

Lui aussi sera un scandale pour les juifs, scandale dans sa mort sur la croix, entre 2 brigands.

Pour qu’il ne soit pas scandale pour nous, il nous faut croire à cette folie de Dieu, en relisant le verset de Paul aux Corinthiens (1/23) : nous proclamons un messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

Et nous ? Ne sommes-nous pas aussi un scandale pour les humains que nous croisons et qui n’ont pas mis leur foi en Dieu ?

Et, est ce que ce ne serait pas aussi notre mission ? Non pas créer le scandale pour le scandale, mais cette mission de poser question. Nous sommes nous aussi une question par notre vie, notre foi. Nous plaçons les autres devant la question de l’existence de Dieu. Cette question est toujours actuelle, elle n’est pas périmée.

Le monde décrit par Marc ressemble beaucoup à celui dans lequel nous vivons. Les gens recherchent la 1ère place, désirent ce qu’il y a de plus beau, avoir de l’argent, dévorer les autres. Nous sommes bien conscients de la vanité de toutes ces choses, mais nous ne pouvons pas être indifférent à ce qui se vit dans notre monde, ni juger non plus. Nous ne prêchons pas une morale. Nous ne disons pas ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qui est bien ou mal.

Nous sommes présence du Christ au monde.

Cette présence pourra amener nos semblables à chercher où est notre trésor.

Et donner envie de le trouver.

Après tout, nous aussi, nous pouvons être « une drôle de rencontre », vous ne croyez pas ?

Amen.

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