Méditation du 12 mai 2024

Pasteur Philippe Girodet Texte ; LUC 18/35-43 19/1-10

Nous sommes en chemin. Sur le chemin traversant Jéricho, en direc-tion de Jérusalem. Comme souvent, beaucoup de gens suive Jésus. Car, ce qu’il fait et dit est non seulement intéressant, mais plus encore, captivant. *Donc un chemin et 2 foules qui accompagnent Jésus. Celle du en chemin et celle de Jéricho. Sont-ce les mêmes ? peut-être ? mais cela n’a pas d’impor tance, car les 2 réagissent pratiquement de la même manière et pensent souvent la même chose ! « On ne sait jamais avec lui ? Va-t-il nous faire participer à un miracle pour regonfler notre foi, parfois chancelante ou nous faire oublier l’occupation romaine. » En tout cas, la foule se presse autour de lui et le précède. Elle commence par faire obstacle à ceux qui veulent le rencontrer et qui ne rentrent pas dans leurs normes sociales, avant de s’ouvrir face à l’action ou, à la parole de Jésus.

*Un chemin, 2 foules et 3 hommes.

-1- Jésus trace sa route à travers la Palestine de son temps. Il prêche beaucoup. Il mange beaucoup et partout chez des gens de toute classe sociale. Ceci est plus ou moins bien apprécié par les gens biens.

-2- un aveugle qui mendie. C’est normal. C’est la seule façon pour cet homme de survivre.

-3-Zachée, homme très riche de Jéricho. Il est chef des collecteurs d’impôts du secteur pour les occupants romains.

*Un chemin, 2 foules, 3 hommes, mais 2 rencontres. Jésus et l’aveugle, Jésus et Zachée. Ces 2 hommes veulent et vont le rencontrer. Chacun à sa manière, pour des raisons différentes. Chacun va trouver le moyen de satisfaire sa demande et son envie.

La 1ière rencontre est plutôt du genre opportuniste. Un aveugle mendie au bord d’un chemin. Il entend un bruit de foule et questionne « que se passe-t-il ? » Réponse : c’est Jésus qui passe. L’homme en devient hystérique, s’écriant « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Comme il n’est pas une personne bien sous tout rapport, on lui demande de faire profil bas. Mais il ne s’en laisse pas compter, reprenant de plus belle et de toutes ses forces. Il oblige Jésus à intervenir et demander ce qu’il peut faire pour lui ? La réponse semble évidente « ben que je vois à nouveau !  Ce qui suit l’est moins, puisque Jésus lui dit « vois à nouveau, ta foi t’a sauvé ! » Ici, pas de catéchisme, ni d’enseignement religieux, avec question et réponse. Le résultat : à l’instant, il vit de nouveau. Sa réaction : il suit Jésus en glorifiant Dieu ! entraînant la foule dans cette louange.

La 2ième rencontre est certainement plus classique. Un homme cherche à voir Jésus. Jusque là pas de problème. Mais, il y a une difficulté. La foule masque et cache Jésus car l’homme est de petite taille. Alors, Zachée court et grimpe dans un arbre où il se  cache dans son feuillage pour voir Jésus. Pour un homme de son importance, courir ce n’est déjà pas rien, mais, grimper dans un arbre, fallait-il qu’il veuille voir Jésus !

*Or, arrivé à la hauteur de l’arbre, Jésus l’interpelle « Je dois loger chez toi aujourd’hui. » Cela n’était pas prévu au programme de Zachée. Jésus s’invite chez lui, le pécheur, celui qui fricotte avec l’occupant, considéré ainsi comme un homme impur par tous ces concitoyens, à surtout ne pas fréquenter. Un homme avec qui on ne doit avoir aucune relation.

Ici, c’est Jésus qui provoque la rencontre par sa demande de loger chez Zachée, au grand dam de ceux qui étaient autour de lui. Et Zachée, emporté par la grande joie de l’invitation de Jésus, se met à décliner tout se qu’il va faire, de son avoir, de ce qu’il a accumulé, mais aussi pour tous ceux qu’il a lésé depuis qu’il s’est mis au service des Romains.

*Le seul lien entre ces 2 rencontres : le chemin suivit par Jésus. Ces 2 hommes sont très différents et pourtant très proches l’un de l’autre, puis-qu’ils veulent voir Jésus.

-Le 1er est exclu de la société, de par son handicap.

Le 2nde est exclu de la société, de par sa fonction. Proches, mais différents. Ils n’ont pas la même surface sociale, comme l’on dit aujourd’hui.

-Le mendiant est supporté, tant qu’il ne fait pas trop de bruit. Le collecteur d’impôt lui, est haï.

-Le 1er est considéré avec bonne conscience car, d’après la loi de Moïse, en lui faisant l’aumône, on fait un acte méritoire. Le 2nd, on est bien obligé de le supporter car on doit lui verser sa part d’impôt que lui réclame l’occupant romain, même si on ne fait que râler après ses demandes toujours plus importantes.

Ces 2 rencontres vont faire apparaître 2 éléments auxquels nous ne prêtons parfois pas beaucoup attention.                       Le 1er élément : la perte. Dans leur rencontre avec Jésus, ces 2 hommes vont commencer par perdre. L’ex aveugle perd tout d’abord son gagne pain. Aveugle, il pouvait mendier tranquillement, devenu clairvoyant il lui faut trouver un autre moyen de gagner sa vie. Perdant son identité de mendiant il lui faut se reconstruire humainement et socialement.  Zachée va perdre énormément, déjà sa dignité en courant et en grimpant,  puis, dans l’enthousiasme de la rencontre, il s’engage à verser la moitié de sa fortune aux pauvres, et «si j’ai pris trop d’argent à quelqu’un, je vais lui rendre 4 fois autant. » il va se retrouver ruiner…

Le 2nd élément : Jésus ne demande rien en contre partie. Il accueille les réactions des 2 hommes, en disant à l’unta foi t’a guéri et à l’autre : le salut est entré dans cette maison.  Je disais plus haut que Jésus ne ren-tre pas dans le cycle enseignement catéchétique obligatoire, Ici, pas d’in-terrogatoire plus ou moins inquisitorial, comme parfois l’on fait quand une personne demande notre intervention, comme nous avons parfois l’habitude de pratiquer dans nos groupes ou paroisses d’église. Jésus ne demande rien en échange. Seule, la réaction de la personne  l’intéresse.               *N’ayant pas la science infuse, pour connaître une personne, il nous faut recueillir quelques renseignements sur elle, sa vie, son passé. Il faut la fré quenter, la rencontrer autant que faire se peut. Tout cela est important. Nous ne sommes pas comme Jésus qui, croisant la personne, ne lui dit que  « que veux-tu que je fasse pour toi ; ou descend de ton arbre. »  *Pourtant ce genre de rencontre se vit parfois dans nos groupes ou asso-ciations. C’est ce que j’ai vécu à la C.B. ou j’ai eu ce genre de dialogue dans la rencontre avec une personne en difficulté avec l’alcool. Cette rencontre en fut facilitée, les obstacles à la communication tombaient, cette person-ne est devenue un membre actif de l’association (cela s’est fait autour d’un repas). *En général, le groupe ou l’association essaye toujours de s’inscrire dans le temps, la durée. S’il veut perdurer, il est important qu’il puisse renouveler ses membres. On ne peut lui en vouloir de bétonner le terrain.

Jésus, lui, parle d’immédiateté «Aujourd’hui ! Que veux-tu que je fasse pour toi » et non pas que pourrais-je faire ? Jésus ne parle ni de demain, ni des mois à venir. C’est bien aujourd’hui dont il parle. Le dialogue entre les 2 hommes est des plus simples. On peut s’étonner de sa brièveté et prag-matisme. La demande « que veux-tu que je fasse pour toi ? » La réponse « que je vois à nouveau ! » Pas de fioritures, c’est tout simple !

Nous, nous aurions tendance à ajouter : est-ce que tu crois en Dieu ? vien-dras-tu régulièrement au temple, à la synagogue? liras-tu la Thora, la Bible régulièrement en respectant tous ses commandements ? Non, rien de tout cela avec Jésus.

*Une parole, une seule  «vas, ta foi t’a sauvé. » Et l’aveugle se met à louer Dieu de telle façon qu’il entraîne la foule qui accompagne Jésus alors qu’elle était prête à le faire taire. J’espère qu’il a pu continuer de louer Dieu, au long du chemin vers Jéricho !

*Quand à Zachée, la foule qui faisait certainement exprès de faire écran entre Jésus et lui, cette foule va être décontenancée. Certainement, elle se disait à mi-voix : vient-il faire ici ? On est bien entre nous, on n’a pas besoin de voir la tête de ces pourris de collabos. Or Jésus s’arrête sous son arbre et lui dit « il faut que je loge chez toi, aujourd’hui ? » Là, cela ne va plus, que fait-il de notre pureté religieuse ?

Cela n’a pas du faire plaisir aux religieux officiels de la ville. Que se passe-t-il ? Nous enseignons la pratique de la pureté rituelle et voilà que ce Jé-sus va à l’encontre de notre enseignement ! Ce rabbi se permet d’aller man-ger et loger chez un tel individu ? Jésus enfonce un peu plus le clou, ajou- tant « le salut est entré dans la maison, parce que lui aussi est un fils d’Abraham ! » et pan sur le bec !!

En attendant, Jésus réintègre ces 2 hommes, dans la société civile (il voit), mais aussi religieuse (il est aussi fils d’Abraham).

Alors, faut-il le suivre ? Chacune et chacun d’entre nous a sa réponse ! Ce qui est sûr, la perte a été importante pour les 2 hommes. Mais ce qu’ils y ont gagné n’a pas d’équivalent. Une nouvelle dignité de vie. La joie transparaît au travers de leurs réactions. Une grande liberté et, ou, une nouvelle manière d’aborder la vie. Je ne suis plus obligé de tendre la main et de geindre pour attendrir le passant. Je ne suis plus obligé de me consi-dérer et d’être considéré comme une pourriture de collabo. Jésus ne lui a pas demandé de changer de métier, mais plutôt de s’approprier les paroles de J-Baptiste : ne prendre que ce qui est nécessaire au bon déroulement de la collecte des impôts, en un mot : ne pas pressurer ses concitoyens.       Pour gagner cette nouvelle liberté de vivre notre foi devons nous ne devons pas nous enfermer dans une règle. Cela a été le dilemme des pre-miers chrétiens à partir du moment où les païens se convertiront au Dieu de Jésus-Christ. C’est parfois notre propre dilemme quand nous entrons dans un groupe où l’on nous demande de suivre un règlement pour pouvoir s’y intégrer au mieux…

Notre réponse ne dépend que de nous. Nous avons toutes et tous la liberté de répondre par oui ou non. Si nous sommes ici, c’est que pour nous,  la loi et les commandements ne sont pas des carcans mais bien des moyens pour mieux vivre en société, réguler au mieux les relations sociales. C’est ce que Jésus nous dit à travers ses 2 paroles  « va ta foi t’a sauvé ! le salut est entré dans cette maison. »        Amen

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