Méditation dimanche 19 mai

Par la pasteure Nicole Roulland Rupp Lectures bibliques : Jean 15, 26-26 ; 16, 12-15 Actes 2, 1-11

Mais que faisaient-ils donc là tous ces Parthes, Mèdes, Élamites, ces habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie, de Phrygie, de Pamphylie, d’Égypte, de Libye cyrénaïque, ces citoyens romains, ces Juifs et prosélytes, ces Crétois et ces Arabes? Étaient-ils présents parce qu’ils pressentaient que quelque chose d’important allait advenir?

Non, toutes ces personnes présentes n’avaient pas prévu d’assister au spectacle des disciples témoignant dans un nombre impressionnant de langues, de dialectes, qu’à la base ils ne parlaient pas.

Non, si ils étaient tous là, c’était pour un autre événement, la fête de Pentecôte certes, mais pas celle que nous célébrons dans le christianisme : la Pentecôte juive, 50 jours après la Pâque juive. Pentecôte (50) en grec, Chavouot (ou encore Shavouôth, semaines) en hébreu. Et oui, car 50 jours après la Pâque juive a lieu une fête et cette fête est bien antérieure à la Pentecôte chrétienne.

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Cette fête de Chavouot, avec les années a petit à petit changé de signification comme nous le rappelle Antoine Nouis, pasteur de l’EPUdF, dans son Nouveau Testament – commentaire intégral : « Le sens de la fête de la Pentecôte a évolué avec le temps. Initialement, il s’agissait d’une fête des moissons. L’offrande des prémices était un signe de gratitude pour la récolte. Progressivement, cette fête a évolué vers la fête de l’alliance conclue par Dieu avec Noé qui intègre la promesse de la fécondité de la nature. Cette fête de l’alliance a elle-même évolué vers la célébration de l’Alliance avec un grand A : le don de la Torah. C’était une fête qui clôturait le temps inauguré à Pâque. »

 

Pour information, la fête de Pentecôte telle que nous la connaissons aujourd’hui n’a été « instituée » qu’au 4ème siècle comme fête du don de l’Esprit. Auparavant, et ce dès le début du 2ème siècle, le terme de Pentecôte s’appliquait totalement aux 50 jours qui suivaient Pâques et ce temps liturgique comportait en son sein l’ascension et la venue de l’Esprit.

 

Mais revenons à cette foule hétéroclite présente ce jour-là, pour Chavouot, à Jérusalem. Ils sont tous là pour un événement particulier, mais ils sont si différents les uns des autres de par leurs origines, leurs langues, leurs dialectes.

Il y a la foule à l’extérieur et les disciples à l’intérieur. On ne sait pas très bien de quel groupe de disciples il est ici question : les 12 ou les 120 (Actes 1, 15)? Combien sont-ils à être présents dans cette pièce? Toujours est-il que, même si s’ils sont très nombreux, ils sont groupés autour du noyau des 12, Matthias ayant pris la place laissée vacante par Judas.

Tous, autant qu’ils sont, sont ENSEMBLE, dans un MÊME lieu. L’unité, l’union du groupe fait la communauté, pourtant, par la suite, chacun va s’individualiser. Ils sont ENSEMBLE, mais CHACUN va être concerné personnellement.

 

Que se passe-t-il dans cette péricope? C’est le don de l’Esprit, bien évidemment. Pourtant, cet Esprit, ce Défenseur, le Paraclet annoncé dans l’Evangile de Jean que nous avons entendu, va être à l’origine de bruit, de beaucoup de bruit, de paroles et ce sont bien tous ces signes auditifs qui remplissent ce récit, comme une joyeuse, bien qu’étonnante, cacophonie.

Le mot Esprit n’est utilisé que 2 fois. Celui de bruit aussi, même si en grec, ce sont 2 termes différents qui sont utilisés. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui parlent, qui proclament, par 6 fois et enfin, il y a des langues qui sont vues et entendues par 5 fois. Comme en français, le mot langue signifie à la fois l’organe et la langue, le dialecte parlé.

Oui, à la fin de ce passage, il y a eu beaucoup de bruit. Nous sommes bien loin du souffle léger, du murmure de la brise dans le quel s’est présenté le Seigneur à Elie sur le Mont Horeb (1 Rois 19, 9-18). Dans cet épisode, Dieu n’était ni dans le vent violent, ni dans le feu. Mais les révélations divines se rendent disponibles et accessibles à la situation.

Ce jour-là, à Jérusalem, il fallait qu’un grand bruit se fasse entendre pour que la foule, à l’extérieur soit bouleversée, étonnée, stupéfaite. Ce jour-là, il fallait du feu, des langues de feu, du bruit et des paroles, beaucoup de paroles, dans toutes les langues pour marquer les esprits… en positif ou en négatif puisque certes 3000 personnes s’ajouteront au groupe des disciples, mais ces mêmes disciples auront été pris pour des ivrognes abusant un peu trop tôt de vin doux!

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Beaucoup de paroles… mais il ne s’agit pas de paroles en l’air, de mots prononcés pour ne rien dire. Il ne s’agit pas d’un don des langues pour impressionner. Car l’Esprit, ce jour-là leur donne d’annoncer, de proclamer. Et c’est effectivement ce qui arrive puisque les témoins de l’événement comprennent les proclamations dans leur dialecte, dans leur langue maternelle, celle qui touche au cœur.

Dans cette joyeuse cacophonie ressort un témoignage universel qui touche chacun au cœur.

 

Naturellement, ce passage est souvent mis en parallèle avec l’épisode de la tour de Babel (Genèse 11, 1-9) où les hommes, voulant atteindre le ciel pour se faire une renommée, se retrouvent à parler des langues différentes pour les empêcher de finir leur ouvrage. Si Pentecôte ne permet pas aux humains de parler à nouveau la même langue, ce don de l’Esprit permet cependant à chacun de comprendre le message divin dans sa propre langue. Il n’y a pas de langue divine, pas de langue sacrée. Chaque langue maternelle, chaque dialecte est vecteur de la parole de Dieu avec ses particularités, ses expressions, ses régionalismes. Chacun peut également s’adresser à Dieu sans sa propre langue, à partir de sa propre culture.

 

Il y a le groupe des disciples, réunis ENSEMBLE, mais c’est sur CHACUN que descend l’Esprit.

Il y a la foule dehors, ENSEMBLE pour la même fête, mais c’est CHACUN qui reçoit le témoignage des œuvres grandioses de Dieu dans sa langue.

Il y a NOUS et il y a JE. Il est important d’être NOUS tout comme il est important de savoir être JE.

Le NOUS porte chacun et le JE se mobilise pour la communauté, pour le témoignage.

 

Cette dernière année, nous avons tenté de vivre le NOUS tout en étant des JE dispersés, disséminés. Ce fut un temps difficile parfois, mais nous avons tenu bon. Aujourd’hui, petit à petit, nous allons pouvoir nous ressourcer en communauté, reprendre des forces par des partages, des rencontres. Mais le NOUS, la communauté va aussi reprendre des forces et se remobiliser.

C’est un peu ça le protestantisme au final : CHACUN face à Dieu, des JE qui pourraient se suffire à eux-mêmes dans leur relation à Dieu, mais qui ont besoin du NOUS pour grandir, s’édifier en communauté.

 

Si Chavouot symbolise le renouvellement de l’alliance noachique, la fête de Pentecôte avec l’irruption de l’Esprit scelle l’alliance renouvelée de Dieu avec son peuple. Nous sommes toujours au bénéfice de cette alliance et aujourd’hui, un bout de ce peuple est ici réuni, nous parlons tous plus ou moins la même langue, certains ont des accents, d’autres mettent des Y partout… mais nous sommes son peuple … et que ça fait du bien de vous retrouver ! Amen

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