Méditation de Noël

25 décembre 2023 temple d'Annonay Prédication sur Esaïe 52, 7-10 et Jean 1 (versets 9-14.18) par le pasteur Thierry Ziegler

Le beau texte d’Esaïe 52 nous invite à sortir de la morosité, de l’abattement, dans lesquels l’avalanche quotidienne de mauvaises nouvelles nous fait sombrer. En 2023, nos espoirs de paix, de justice entre les riches et les pauvres, se sont encore un peu plus éloignés.

Et ne parlons pas de la sauvegarde de la création : plus que jamais soumise à la vanité, comme l’écrit Paul aux Romains (Rm 8, 20), à ce qui est « vide de sens », du fait des impasses dans lesquelles se fourvoie l’humanité, elle ne peut qu’ « attendre avec impatience la révélation des fils et des filles de Dieu » !

En donnant la parole et une âme aux ruines de JERUSALEM, et à la création elle-même, / que nous regardons comme des choses inanimées, / la pensée biblique nous surprend à la manière des poètes surréalistes. Elle projette sur le monde extérieur ce qui se passe à l’intérieur de nous, ce que produit sur nous l’environnement dans lequel nous sommes et les évènements qui arrivent sur nous.

Paul insiste, toujours dans l’épître aux Romains (8, 22) :
« Nous le savons, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Bien plus, nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption filiale, la délivrance pour notre corps » .
Je pense que Paul avait déjà tout compris de l’Anthropocène : littéralement « l’ère de l’humain », l’ère où l’être humain devient la mesure de toutes choses, pour le meilleur ou pour le pire !

Mais je reviens à Esaïe: c’est d’abord la vue d’un messager, au loin, courant par-dessus les montagnes, qui fait sortir de leur torpeur les guetteurs de JERUSALEM en ruines. Ils ne savent pas au départ de quel genre de nouvelle va être porteur ce messager, et doivent se préparer au meilleur comme au pire. Mais le messager approche, et ils captent maintenant le message : « Ton Dieu est roi !»

Alors la voix des guetteurs s’élève à son tour pour avertir les habitants de la ville. Depuis le siège de la ville par les Babyloniens, la destruction du Temple, et la déportation des élites à Babylone (en 596 av. notre ère), la population était comme dans un deuil dont on ne peut se relever. Elle avait perdu son espérance, sa joie de vivre, et pensait même avoir perdu son Dieu !

Mais cette fois, le message est celui qu’on n’attendait plus… un message de paix, de salut ! Que du bon !… « Ton Dieu règne. Il revient à Sion avec le cortège des exilés, il ouvre et ferme la marche derrière son peuple, comme jadis au désert… Le SEIGNEUR console son peuple, il rachète JERUSALEM… Il a dévoilé son bras de sainteté aux yeux de toutes les nations… Les confins de la terre verront le salut de notre Dieu ! »

Bref, une bonne nouvelle, une vraie… puisque elle réactive la joie, l’enthousiasme des guetteurs et des habitants restés enfouis si longtemps sous les gravats du temple et des murs de la ville, anéantis par Nabuchodonosor.

Cela, c’est l’expérience d’ISRAEL: ce peuple promu pour témoigner de sa vocation par le Dieu vivant, le Dieu UN, qui n’est pas une idole et qui manifeste sa gloire par des faits éclatants, comme l’Exode (la sortie d’Egypte) et le retour de l’Exil. A chaque fois, c’est une libération, un acte de délivrance proclamé à la face des autres peuples… non pour marquer la différence d’Israël avec les autres peuples, /mais pour montrer la différence entre « Yahvé », le SEIGNEUR, et les autres dieux, qui ne sont que des marionnettes ou des épouvantails !

« Yahvé », un Dieu capable de redonner corps à l’espérance de son peuple, de le consoler et de lui parler de paix ! Un Dieu qui VIENT carrément dans l’histoire de son peuple : voilà ce que nous chrétiens avons hérité d’ISRAEL, le peuple de Dieu, sur le tronc duquel nous avons été greffés selon l’apôtre Paul (Rm 11).

Or, dans le Prologue de l’Evangile de Jean, c’est dans les mêmes termes qu’est présentée la naissance de JESUS, le futur Sauveur du monde.

Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme. Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu dans son propre bien, et les siens ne l’ont pas accueilli.

JESUS est désigné par la métaphore (image) de la lumière, qui brille dans l’obscurité au bénéfice de toute l’humanité. Cela ne veut pas dire qu’elle est bien accueillie par les ténèbres, c’est hélas l’inverse qui est vrai. Et cependant, les ténèbres ne sauraient l’emporter sur elle ! C’est la lumière qui impose sa clarté aux ténèbres, et non l’inverse.

En posant ainsi l’irréductible supériorité de la lumière sur les ténèbres, l’auteur de l’Evangile de JN a eu le génie d’évoquer par une seule et même image tout à la fois le drame de la Croix, le mystère de l’Incarnation et la naissance de l’Eglise – l’émergence d’un peuple de Dieu régénéré, à la fois né de nouveau et né d’en haut.

• Le drame de la croix et de la résurrection : « la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise » ( v. 5) / La Parole était dans le monde, et le monde fut par elle, et le monde ne l’a pas reconnue. Elle est venue dans son propre bien, et les siens ne l’ont pas accueillie (v. 10-11)

• Le miracle de l’Incarnation : « Et la Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, elle tient du Père » (v. 14)

• La naissance de l’Eglise : « Mais à ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (v. 12-13).

Ainsi, l’important à retenir, la « bonne nouvelle » qui prolonge pour nous celle du livre d’Esaïe, c’est toujours que « Dieu VIENT ». Mais en JESUS, ce « Dieu VIENT » prend une tournure nouvelle, et une signification beaucoup plus profonde : s’agissant de la lumière qui brille au sein des ténèbres, il faut entendre que DIEU ne cesse de venir illuminer nos ténèbres.

En JESUS, à l’image de la résurrection / qui marque sa victoire sur les ténèbres de la mort, Dieu nous communique sa lumière, et elle dissipe les ténèbres à la fois en nous et autour de nous.

« Car, auprès de toi est la source de la vie; par ta lumière nous voyons la lumière », est-il écrit dans le Psaume 36. Comme dans le Prologue de JN, la vie est ici assimilée à la lumière, et réciproquement. Comme nous n’avons pas la vie en nous, nous n’avons pas non plus la lumière. Nous sommes donc tributaires d’une source de lumière, et de la source de la vie, qui ne peuvent être qu’en Dieu.

Avec JESUS, ou en JESUS, nous avons en même temps la vie et la lumière : Dieu nous donne le meilleur pour nous – qui est aussi le strict nécessaire pour pouvoir mener une vie d’être humain digne de ce nom !

Conclusion

Avec l’Evangile de JN, nous comprenons que nous ne sommes pas seuls dans un monde tout entier plongé dans les ténèbres. Oui, les ténèbres peuvent régner sur des pans entiers du monde dans lequel nous habitons. Nous ne sommes pas dans un monde de bisounours : la bêtise, la méchanceté, la peur, la cupidité, peuvent plonger des cœurs humains dans l’obscurité et aboutir à la mort de nombreux innocents ! (Cf. la guerre à Gaza et en Ukraine).

L’Evangile se définit comme la Bonne Nouvelle par excellence : celle qui nous dit aujourd’hui que Dieu VIENT, comme il est déjà venu, et il viendra encore. Il n’y a pas de contradiction à mettre le verbe  »venir » au présent, au passé ou au futur : c’est que
nous avons vu avec le Prologue de JN.

« Dieu vient », il est même au chevet de sa création en continu – même si cette action mystérieuse nous échappe en grande partie et si nous le croyons absent ou démissionnaire. Parce que « notre regard manque à la lumière », nous nous transformons souvent en défenseurs de l’injustice et de la violence, nous devenons porteurs de mort et non de vie !

L’acceptation de la Bonne Nouvelle suppose un renoncement, un choix personnel. La lumière est irréductible au ténèbres, et réciproquement… Nous voici donc « forcés » de choisir notre camp ! Si nous sommes touchés par la Bonne Nouvelle, nous ne pouvons que faire le choix de la lumière contre les ténèbres, de la vie contre toutes les forces de mort.

Que le SEIGNEUR, le Dieu vivant,
nous donne le courage de nous tenir à ce choix /
qui peut devenir un jour héroïque, /
en unissant nos forces
contre toutes les formes d’obscurantisme
qui menacent / aujourd’hui plus que jamais /
notre humanité…
qui a décidément trop tendance à confondre la vie
avec sa propre survie !

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