Méditation dimanche 23 février

Culte présidé par Jean-Luc Lutz en remplacement de Michelle Reynaud. Texte : Marc 1 / 40 à 45

L’évangile de Marc nous donne ce matin une image déroutante de Jésus et peu conforme à celle que nous aimons parce qu’elle nous apaise : Jésus est bon pour ceux qui souffrent…

Vous l’avez entendu Jésus est pris de colère devant cet homme malade de la lèpre qui vient tout près de Lui et qui, à genoux, l’appelle à l’aide…

Jésus « rudoie » cet homme après l’avoir délivré de son mal et le chasse aussitôt loin de Lui…Que Jésus agisse ainsi avec un lépreux, pauvre parmi les pauvres…exclu parmi les exclus… Nous ne comprenons pas !…

« D’après les explications relevées chez une bibliste des années 1982, Mme Simone Frutiger (Vice-présidente des équipes de recherche biblique) et suivi par beaucoup d’autres…je la cite :

« Nous ne sommes pas les premiers, il y a eu un très ancien copiste des manuscrits de l’Évangile de Marc, qui n’a pas supporté cette brutalité…il a cru sans doute à une erreur d’un confrère et a remplacé « Jésus en colère » par « Jésus pris pitié..

Ce dernier terme décrit à plusieurs reprises l’attitude de Jésus envers les foules malades et pauvres, exclues de toute décision et de tout pouvoir…on peut comprendre que le copiste l’ait repris – La quasi-totalité de nos Bibles l’ont suivi et n’ont pas osé redire la colère de Jésus (quitte à la signaler dans les notes) – Cette colère pourtant paraît bien fidèle à ce que l’évangéliste Marc voulait attester… »

Nous la retiendrons donc, quand bien même, elle nous déroute…C’est peut-être cela qu’elle veut : « Nous faire réfléchir plus profondément sur Jésus et ses actes, nous qui sommes « vaccinés » devant l’intolérable… devant des situations toutes proches d’exclusion et de détresse que nous ne voyons plus »…Et nos « saintes colères », comme on dit, s’il nous arrive d’en avoir, s’arrêtent aux paroles, sans que des actes en jaillissent ».

Jésus lui, n’est pas vacciné… Devant ce lépreux qui vient tout près de lui et le prie, sa colère éclate…Colère qui va être puissance de délivrance…irruption du Royaume de Dieu dans la vie de cet homme, vraie résurrection d’entre les morts…Pourquoi ?

– Parce que ce n’est pas contre le lépreux que la colère de Jésus s’élève…

C’est contre la condition qui lui est faite en tant que lépreux…- Cette condition était la pire de toutes :

– La lèpre était la maladie dont l’horreur résumait toutes les autres, sans doute parce qu’elle atteignait si visiblement un être dans son intégrité physique…

– Sous ce nom, on incluait, à côté de la lèpre proprement dite, toutes sortes d’affection de la peau dont le seul lien était leur aspect extérieur…Cet aspect extérieur assimilait toute lèpre à la moisissure, à la corruption et donc à une puissance de mort à éviter à tout prix… Toute moisissure, toute corruption devaient être bannies du peuple de Dieu et de la présence de Dieu…C’est cela l’impureté : ce qui provoque cette exclusion, radicale dans le cas du lépreux…

– Exclusion pour lui de toute parole…de toute vie sociale…affective…sexuelle ; exclusion du culte…de la prière communautaire…des fêtes religieuses et de toute communion avec Dieu… Sa vie est vraiment celle d’un mort…

(ce que signifiaient les habits déchirés qu’il était tenu de porter en signe de deuil…Le nom qui désigne, en hébreu, un lépreux est terrible = c’est le « frappé de Dieu »…

On pensait qu’il fallait avoir commis de bien grandes fautes pour être visiblement atteint dans sa chair et ses os et le Psaume 38 que nous avons lu le soulignait bien : « Seigneur, plus rien n’est en bon état dans mes os, c’est le résultat de ma faute…) »

– Nous sommes vite scandalisés par cette horreur antique de la lèpre et par la terrible explication que le peuple hébreu lui avait donnée…

– Mais nous connaissons tous…cette angoisse irrationnelle devant ce qui atteint l’intégrité d’un être vivant…devant certaines maladies qu’on a encore peine à nommer…devant les morts violentes…les handicapés physiques et mentaux etc. ..

– Nous connaissons cette angoisse devant ceux qui ne sont pas comme nous, qui ne vivent ni ne pensent comme nous : nous les appelons, pour les éloigner bien loin, « les marginaux », « les enragés »…

– Nous connaissons ce besoin instinctif de les fuir, de les enfermer, de les oublier, pour qu’ils ne nous mettent pas en cause…Nous n’osons pas dire les détruire !

Le mois de JANVIER, à l’occasion de la journée mondiale des lépreux, des affiches faisaient appel aux dons pour le développement de centres d’accueil et de guérison…Nous avions les corbeilles pour y déposer notre don, (car elle se guérit la lèpre prise à temps) — Nous avions eu une rencontre avec le responsable national…Mais Il reste encore des villages retirés des centres de guérison, où elle fait encore des ravages…

Les photos étaient significatives…ils sont encore exclus de tout….ces éloignés !

Et dans la Bible expliquée, j’ai relevé :

« Le lépreux, en s’approchant de Jésus, et Jésus en le touchant, enfreignent tous les deux, la loi, c’est dans (Lévitiques 13 verset 45)…qu’il est dit : 

« Il faut que l’homme atteint de la lèpre, porte des vêtements déchirés, ne se coiffe pas, se couvre le bas du visage ; il doit crier Impur, Impur ! Il est impur aussi longtemps qu’il est atteint de son mal ; c’est pourquoi il doit avoir sa demeure à l’écart des autres gens en dehors du camp. »…Quelle souffrance pour tous ces lépreux !!!

Jésus dit aussi au lépreux :

« Ecoutes bien ne parle de cela à personne mais va te faire examiner par le prêtre, puis offre le sacrifice que Moïse a ordonné pour prouver à tous que, tu es guéri. ».

En le guérissant Jésus rend au lépreux une vie sociale et une relation avec Dieu en l’envoyant vers le prêtre.

Nous aussi, au plus profond de nous, ce besoin de nous rassurer en trouvant à tout prix une explication à l’inexplicable, fût-ce et c’est le plus terrible, Dieu lui-même…

– Dieu, le bouche-trou de nos peurs, Dieu l’explication de l’intolérable…

Comme nous avons besoin de la colère de Jésus pour nous arracher à ces angoisses… ainsi qu’elle a arraché le lépreux à son exclusion, et à son impureté !…

Comme la bonne nouvelle de ce matin, c’est d’abord cette colère de Jésus, pour le lépreux et pour nous.

Le lépreux de notre récit ose faire ce qui lui était interdit, s’approchait tout près de Jésus…lui adresser la parole et demander son aide : « Si tu veux, tu peux me purifier… ». C’est là, le premier miracle…cet homme ose risquer la lapidation, la mort, pour s’approcher de Jésus et pour parler, parce qu’il a pressenti que Jésus est de son côté, que le royaume de Dieu est aussi…est d’abord, pour les hommes et les femmes tels que lui.

En colère, Jésus étendit la main, le toucha et dit : « Je veux, sois purifié. » Jésus ne bouge pas d’un pouce lorsque le lépreux vint tout près de lui. Bien plus il le touche délibérément de sa main… Par ce geste, il sort cet homme de son exclusion, et rétablit avec lui la communion. Guéri et purifié (car la lèpre s’est éloigné de lui), cet homme est neuf…libre, rendu à toutes les dimensions de la vie…C’est là ce que Jésus a voulu, ce qu’il veut : « abattre les barrières, tous les murs d’exclusion »…De toute sa force, de tout son amour, il refuse qu’il y ait dans le monde des exclus de la vie, des marginaux, des oubliés…

– Mais par ce même geste, Jésus désobéit à son tour à la LOI qui lui interdisait de s’approcher, bien plus de toucher un lépreux…Par cette désobéissance, il se met lui-même en situation d’impureté et d’exclusion…Il accepte de prendre la place du lépreuxLa vie et le royaume ne se donnent pas sans risque pour Jésus.

Notre étonnement rebondit : car Jésus « rudoie » celui qu’il vient de guérir et de purifier et « aussitôt le chasse » loin de lui…Rendu aux autres, cet homme ne peut rester là, seul avec Jésus. Il a quelque chose à faire, en particulier aller à Jérusalem, dans le plus grand silence sur ce qui est arrivé, se montrer au prêtre, offrir les sacrifices prescrits par la Loi de Moïse qui le réintègreront dans la foi de son peuple et servir de témoignage aux experts de la purification.

Mais l’homme ne s’en soucie pas – Et voilà, lui qui était interdit de parole, (sinon celle par laquelle il devait signaler son mal pour qu’on le fuie)…le voilà débordant de paroles ; comme cet homme est guéri, comme il est purifié, rendu aux autres !

Comme il est imprévisible et neuf…Plus rien n’existe pour lui que de « commencer à proclamer bien fort et à parler à droite et à gauche de la bonne nouvelle.»

On ne sait pas au juste ce qu’il a dit…Mais les termes choisis par l’évangéliste pour décrire sa proclamation, sont les mêmes que ceux qu’il a déjà utilisés pour décrire la proclamation de Jésus…Cela suggère que le « lépreux purifié » n’a pas beaucoup parlé de lui et de ce « qui est arrivé »…obéissant bien, en cela, à Jésus…

C’est l’évangile qu’il proclame, le royaume ouvert à tous par Jésus…la vie nouvelle dont il est vivant, le jaillissant témoin.

C’est là le vrai miracle raconté ce matin : « Que cet homme, exclu parmi les exclus, devienne le premier missionnaire de Celui qui l’a rendu à sa vraie dimension d’homme ».

Cette parole, il la proclame tant et « si bien que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville…et il restait dehors, dans les lieux déserts. »…dans les lieux des exclus et des lépreux.

« Mais là, on ne cessait de venir près de Lui, et de partout »

C’est là, encore aujourd’hui, quiconque peut venir, tout près de Lui, et de partout.

Amen

« La lèpre est encore un fléau dans de nombreux pays, Remercions et soutenons Mission Lèpre dont Hervé est membre à l’Assemblée Générale ; et qui œuvre pour guérir ces personnes — (découverte tôt la lèpre se guérit) — l’Assemblée Générale a été repoussée, mais soyons attentifs quand elle aura lieu.

Amen

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