Méditation dimanche 16 février

Culte présidé par Brigitte Rouby. Texte : 1 Corinthiens 2, 1 à 5 et Matthieu 5, 13 à 16 (Prédication de la Pasteure Isabelle ALVES - 09.02.20 Coordination nationale-Evangélisation-Formation)

C’est vous qui êtes le sel de la terre.

C’est vous qui êtes la lumière du monde.

Quelle responsabilité ces paroles de Jésus nous mettent sur les épaules !

On se sentirait facilement écrasé sous ce poids là.

Parce que lorsqu’on lit la fin, afin qu’ils voient vos belles œuvres, on se dit qu’on ne fait jamais assez et jamais d’assez belles choses, pour que la lumière brille devant tous ceux qui sont dans le monde.

Je voudrais cependant pointer quelque chose : Jésus ne dit pas :  « Vous êtes des phares qui doivent éclairer le monde entier ». Non il compare la lumière du monde que nous sommes aux lampes qu’on voit aux fenêtres des maisons d’une ville située en hauteur, il compare la lumière que nous diffusons à celle d’une lampe qu’on met sur le porte lampe, et qui brille pour tous ceux qui sont dans la maison. La lampe ne brille pas pour tout le monde entier, elle brille pour les gens qui sont proches d’elle. Les lumières des maisons de la ville de montagne n’éclairent pas le chemin des gens du monde entier, elles permettent à ceux qui les voient, non pas de voir où ils mettent les pieds, mais de voir quelle est leur destination, et de chercher le chemin qui les mènera sans perdre leur cap.

 

Oui, parce qu’une lampe dans une maison, qui éclairerait le monde entier, éblouirait ceux qui sont dans la maison… elle les éblouirait, c’est-à-dire qu’elle les rendrait aveugles à tout, y compris elle-même.

Quant au sel, nous le savons, s’il est absent tout est fade, s’il y en a trop c’est immangeable, pas juste parce que c’est mauvais, mais parce que çà rend malade.

Et voilà… ce n’est pas un hasard si Jésus choisit comme exemple de choses que nous pouvons être pour le monde… deux choses dont la quantité doit être mesurée, pas trop faible, pas trop forte.

 

Il nous est demandé de briller devant les gens, pas de les aveugler ni par notre absence, ni par notre présence trop forte.

  • Nous sommes facilement fades, comme du sel qui perdrait sa saveur, quand nous nous mettons à vivre comme le monde. C’est-à-dire, vraiment comme le monde nous y pousserait, sans nous soucier de ce qui nous entoure, de celles et ceux qui nous entourent, en cherchant sans cesse notre propre intérêt. Cela prend racine dans l’instinct de survie, ce comportement.
  • Nous pouvons, tout aussi facilement être aveuglants, si nous décidons d’asséner nos croyances à coups de grand discours que personne ne comprend, à coup de grands principes auxquels il faudrait que les autres se conforment… même quand nous n’y arrivons pas… comme les pharisiens du temps de Jésus, qui menaient les autres au désespoir avec leurs exigences de respect plus que scrupuleux de la loi.
  • Nous brillons juste assez, nous participons juste assez à la saveur du monde, quand nous savons témoigner de l’amour de Dieu, de la bonne nouvelle de cet amour inconditionnel du Père manifesté dans le fils, avec juste les bonnes paroles, avec des actes qui transmettent juste la bonne dose de cet amour, celle qui ne demande pas de retour, celle qui n’en attend même pas.

Ah.. mais çà n’est pas évident de trouver le bon dosage, n’est-ce pas ? On dirait l’histoire de Boucle d’Or dans la maison des 3 ours…

Alors comment faire ?

Le but fixé à cette présence agissante dans le monde des disciples de Jésus que nous sommes est écrit là… à la fin de ces quelques versets de l’Evangile selon Matthieu : « Que votre lumière brille ainsi devant les gens, afin qu’ils voient vos belles œuvres, dit Jésus et glorifient votre Père dans les cieux »

Le but ultime, la ville sur la montagne, la lumière sur le porte-lampe,  çà n’est pas la lampe, c’est ce qui lui donne d’éclairer. Le chemin que montrent les lumières, c’est celui qui mène au Père, celui qui mène à entrer en relation avec le Père et à le connaitre, c’est cette relation qui le glorifie, qui le montre dans toute sa gloire. C’est au moment où on rencontre Dieu, après avoir suivi tout ce chemin guidé par l’étoile, diraient les rois mages, qu’on est surpris par ce qu’on trouve. Parce que la gloire de Dieu est d’autant plus grande qu’elle est manifestée dans un petit enfant dans une mangeoire, plus faible et impuissant même que les autres enfants dont on peut espérer qu’il ont une place dans la maison de leurs parents, ou dans une bonne hôtellerie. Et là, on tient peut-être une des raisons pour lesquelles ce que Matthieu raconte de la naissance de Jésus, c’est cette histoire des mages venus de si loin guidés par une Etoile, une étoile, une étoile qui ne leur dit pas comment faire leurs provisions de voyage, qui ne leur dit pas comment éviter les embûches du chemin, une étoile qui simplement est là, obstinément, sans vaciller, pour leur montrer le but ultime du chemin.

Et c’est au bout de ce chemin qu’ils rencontrent le roi du monde qu’il ont cherché : un petit enfant emmailloté.

La puissance de Dieu est d’autant plus grande, ils le comprennent, eux qui sont des mages, des sages, qu’elle se donne à voir dans ce qu’il y a de plus petit et de plus faible. Dieu est d’autant plus merveilleux, grand, glorieux, qu’il est capable de se rendre accessible à nous, là où nous-mêmes ne sommes pas capables d’aller à lui.

Ce Dieu de l’Enfant Jésus, que nous avons fêté il n‘y a pas si longtemps, c’est celui qui nous demande d’être du sel, de la lumière, pour les autres. C’est celui qui nous demande de rester mesurés, ni trop absents du monde, ni écrasants de notre savoir supposé.

C’est ce Dieu qui nous demande d’être là,  comme l’étoile des mages, sans vaciller, mais sans non plus éblouir ceux qui alors ne sauraient plus trouver leur chemin, et se détourneraient pour protéger leur vue, protéger leur vie.

« Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt » dit un dicton chinois très utilisé pour des tas de choses tout à fait contradictoires.

Si Dieu est la lune qu’il faut voir Jésus est le sage, nous sommes le doigt de Jésus.

Tout l’art est de faire en sorte que ceux à qui nous tentons d’indiquer Dieu ne nous regardent pas tant nous, mais plutôt qu’ils regardent dans la direction que nous pointons, nous qui sommes orientés par l’Evangile, par la bonne nouvelle que Jésus est venu annoncer.

C’est en fait ce que dit Paul quand il parle aux Corinthiens : « J’ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d’autre que Jésus-Christ – Jésus-Christ crucifié »

Pourquoi est-ce que Paul parle de Jésus crucifié, et non pas Jésus ressuscité, Jésus vivant, Jésus revenant en gloire ?

Parce que l’Evangile, la bonne nouvelle annoncée par la venue de Jésus parmi nous, c’est que Dieu se fait proche de nous, Dieu vient au cœur de notre humanité, jusque dans la souffrance et dans la mort qui nous semblent si éloignées de ce que nous pensons savoir de Dieu.

Comme Jésus était faible sur la croix, Paul quand il est venu à Corinthe, était faible – on ne sait pas à quel point de vue, s’il était malade ou s’il était ébranlé par sa rencontre, juste avant, avec  les Athéniens (Actes 17,16-34) qui s’étaient moqués de lui.

En tout cas, ce n’est pas l’éclat de son discours qui a pu les persuader de croire au Dieu de Jésus-Christ, il n’était pas en état.

Et la puissance de l’Evangile est d’autant plus évidente que Paul n’a pas été éloquent, tout comme la puissance de Dieu, déjà, s’exprimait d’autant plus fortement par l’intermédiaire du bègue qu’il avait choisi pour porter sa parole, ce bègue nommé Moïse !!!

 

Oui, Jésus nous désigne comme la lumière du monde, comme le sel de la terre. Mais çà n’est pas à nos forces et nos actes extraordinaires qu’il fait référence, en admettant que nous en soyons capables. C’est justement à notre faiblesse qu’il se réfère, notre faiblesse malgré laquelle, à cause de laquelle, Dieu nous choisit comme ses témoins. Parce que si nous pouvons, nous si faibles et imparfaits, être ses témoins, ce n’est pas avec notre propre lumière que nous pouvons indiquer le chemin vers lui,  mais seulement avec celle qu’il nous donne, gratuitement, sans mérite de notre part.

Paul écrit encore une autre fois aux Corinthiens, et leur raconte une conversation qu’il a eue avec Dieu :

« il m’a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi » (1Corinthiens ,9)

Oui, <jésus est venu parmi nous faible enfant dans une crèche, faible condamné sur une croix, et c’est ainsi que nous savons que Dieu agit au cœur de notre faiblesse humaine, que Dieu montre qui il est dans nos faiblesses et pas dans nos coups d’éclat.

Jésus nous dit que nous n’avons pas à être nous-mêmes le monde, mais à y trouver notre place, la place du sel qui en toute modération, en toute humilité, donne de la saveur à tout le reste, la place de la lumière qui, obstinément, humblement, paisiblement, brille pour éclairer le chemin de ceux qui s’en approchent, pour montrer le cap à ceux qui en sont plus éloignés.

Et en nous disant ces paroles, il ne nous charge pas d’un fardeau supplémentaire, non, ses paroles sont au présent : il nous décrit tels qu’il nous voit.

A nous qui ne savons pas quoi faire pour mériter cet immense amour que Dieu nous donne, il dit que nous sommes déjà ce qui est nécessaire au monde pour venir à lui et contempler et célébrer la gloire du Père : comme la faiblesse de l’Enfant Jésus, comme la faiblesse du Crucifié, notre faiblesse est le doigt qui montre qui est le Père.

Demeurons donc témoins, là où nous sommes, donnons de la saveur, éclairons les chemins, à notre faible mesure, qui est celle, à la puissance discrète et irrépressible, de l’Evangile.

Amen

Contact