La voix des petits

Prédication du dimanche 9 octobre 2022 au temple d'Annonay, avec baptême.

Culte du dimanche 9 octobre 2022

Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : 2 Rois 5,1-19


 

Chers amis,

 

C’est l’histoire d’une petite fille, dans une région du monde habituée des conflits. Cet enfant d’origine Israélite, qui connaît et prie le Dieu des Juifs, cet enfant a été faite prisonnière par des groupes armés syriens. Elle est devenue la servante de l’épouse d’un général, du chef de l’armée du roi de Syrie. Vous l’avez entendu, alors que ce général, Naaman, était lépreux, c’est cette jeune fille qui a parlé à sa maîtresse pour lui conseiller une rencontre avec le prophète Élisée. Sans cette intervention, Naaman ne serait pas allé voir le prophète. Sans cette intervention, Naaman serait toujours lépreux. Sans cette intervention, la vie de Naaman n’aurait pas été changée, il ne se serait pas rendu compte que le Dieu des Juifs était le seul Dieu…

 

Il est dommage que la Bible ne nous donne pas le nom de cette jeune fille, alors que son rôle a été si important ! Dans les Écritures, elle n’est pas la seule enfant dont la présence ou les paroles sont décisives pour que les adultes comprennent quelque chose de Dieu. Rappelez-vous : pour Abraham et Sarah, la naissance de leur fils était tellement improbable, à leurs âges, qu’ils se sont rendus compte, ou cela les a confirmé dans leur confiance, que ce que Dieu avait promis, il l’accomplissait. Il y a aussi le jeune Samuel, confié au prêtre Élie, qui lui transmet des messages importants de la part du Seigneur. Il y en a d’autres, anonymes, que leurs parents voulaient rapprocher de Jésus, et que les adultes voulaient écarter. Jésus a placé un enfant au centre du cercle des adultes, il l’a donné en exemple pour entrer en relation avec Dieu, pour entrer dans le Royaume qui nous est promis, et Jésus a béni ces garçons et ces filles qui étaient devant lui. Oui, frères et sœurs, je me réjouis qu’un extrait de ce chapitre était proposé à la lecture ce dimanche, alors que nous venons d’être les témoins du baptême d’Inès. Saviez-vous que les chercheurs montrent, depuis quelques dizaines d’années, que les enfants ont une spiritualité très riche, en-dehors même de tout éveil à la foi ? En fait, les plus jeunes ne sont pas ceux que nous devons enseigner, mais ceux qui peuvent nous aider sur nos chemins de foi. Les enfants dans les églises ne sont pas celles et ceux qui perpétueront nos communautés. Ce sont ceux qui les font vivre, qui les enrichissent, si nous leur faisons une place, si nous nous plaçons à leur écoute. Bien sûr, cela nécessite quelques dispositifs, quelques efforts. Sommes-nous si différents du général Naaman, le lépreux ?

 

Car oui, cette histoire d’une petite fille est aussi l’histoire de ce chef de la puissante armée du roi de Syrie. Mesurons bien qui était Naaman : en haut de la hiérarchie militaire, il est celui qui donne des ordres, des ordres qui sont exécutés sans discuter. C’est aussi celui qui a obtenu des victoires pour son roi ; il est donc très bien considéré par le roi, et on peut penser qu’il est assez sûr de lui, grâce aux succès remportés dans les combats. Bref, Naaman est quelqu’un d’influent, de puissant, quelqu’un que l’on écoute et que l’on craint. Mais un jour, il devient lépreux. Vous le savez peut-être, à l’époque, de nombreuses maladies de peau étaient appelées lèpre, même s’il ne s’agissait pas exactement de la maladie que nous connaissons aujourd’hui ; et dans la pensée juive, et certainement plus largement, de telles maladies étaient perçues comme des marques d’une punition divine. Le texte que nous avons entendu, s’il parle de purification, ne développe pas, il ne confirme pas cette idée que les problèmes de santé ou les souffrances sont des conséquences de ce que nous aurions fait de mal.

 

Notre général syrien est donc lépreux. Par son épouse, il prend connaissance de la suggestion de la fillette, et il va en parler à son roi. Rappelez-vous, ce roi était particulièrement reconnaissant à Naaman pour les victoires obtenues ; et non seulement il accepte que son chef d’armée parte en voyage pour aller rencontrer ce prophète, mais il va lui donner une lettre à l’attention du roi d’Israël. Ce dernier n’est pas en confiance et il ne comprend pas que la guérison est attendue d’un autre que lui. Il craint qu’en ne guérissant pas Naaman, cela crée un prétexte pour une nouvelle guerre… Heureusement, la méprise ne dure pas trop, Élisée lui transmet un message pour que lui soit envoyé le dignitaire étranger. Vous vous en souvenez, dans un premier temps, les deux hommes ne se rencontrent pas directement, c’est un serviteur qui donne des instructions à Naaman, et ce dernier, qui jusqu’à présent avait fait preuve d’une impressionnante humilité, d’une impressionnante disponibilité, ce dernier résiste. Devoir se laver dans un fleuve étranger, sans que le prophète ne s’occupe directement de lui, c’est trop lui demander. Il exprime sa colère mais à nouveau, ce sont de ses subordonnés, ici ses serviteurs, qui vont le ramener à la raison : que risque-t-il à essayer ? Et en effet, ces sept plongées dans le Jourdain, comme un baptême, vont purifier sa peau, qui va, nous dit le texte, être « de nouveau comme celle d’un petit enfant. » L’enfant, encore…

 

Décidément, il y a quelque chose de décisif pour l’adulte qui écoute l’enfant, pour le responsable qui renonce à ses prétentions d’orgueil ou de puissance pour oser la confiance. Naaman n’a pas seulement écouté son épouse qui lui a transmis la suggestion de la fillette, il a fini par suivre le conseil de ses serviteurs qui lui disaient d’essayer ce que le messager d’Élisée avait indiqué. On le remarque, il y a ici des intermédiaires pour que la parole du faible ou des anonymes soit entendue et écoutée. Au-delà de l’efficacité, au-delà des résultats visibles pour celui que tous regardent, cette histoire met en valeur le rôle de chacune et de chacun ; c’est un vrai processus qui implique de nombreux personnages très différents pour qu’une vie soit purifiée, renouvelée, un peu comme une chaîne où chacun a sa tache, différente de celui qui le précède et de celui qui suit… Je le crois, cette histoire nous encourage, à écouter à certains moments et à prendre au sérieux la parole de celles et ceux qui sembleraient moins compétents que nous ; et ce récit nous invite aussi à oser cette même parole envers des hommes ou des femmes qui en ont besoin, qui dépendent de nous sur ce point précis, même si pour tout le reste, c’est peut-être nous qui dépendons d’eux. Les messages de Dieu, sa Bonne Nouvelle, s’appuient et se révèlent dans nos interdépendances mutuelles, entre enfants de Dieu.

 

Mais l’histoire de Naaman va plus loin que sa purification et le processus qui y a mené. Comme dans d’autres récits bibliques, comme dans le texte de l’évangile de Luc qui était également proposé pour ce matin, dans lequel Jésus envoie dix lépreux faire constater leur guérison, leur purification, et que seul l’un d’entre eux, l’étranger, revient vers lui pour lui dire merci, Naaman ne retourne donc pas tout de suite chez lui. Il fait d’abord demi-tour pour s’entretenir avec celui qui sert d’instrument au Seigneur, le prophète Élisée. Le général affirme alors sa foi : il croit au Dieu d’Israël.

 

Et alors que le prophète, comme Jésus, refuse tout cadeau, qui serait comme une contrepartie pour le renouvellement de la vie de l’homme, le chef d’armée demande d’avance pardon. Il le sait, quand il retournera dans son pays, il devra accompagner son maître, le roi, dans ses lieux de culte, dans des lieux où il devra s’incliner, comme s’il reconnaissait d’autres dieux que celui d’Israël. N’est-il donc pas étonnant, ce passage d’excuses par anticipation ? Bien sûr, les plus exigeants pourraient regretter que Naaman n’aille pas jusqu’au bout de sa confession de foi, c’est-à-dire qu’il s’engage à ne plus participer à des rituels envers des idoles. Mais il est tellement facile de donner des leçons aux autres quand nous ne sommes pas dans leur situation ! Peut-être même il nous arrive de manquer de hauteur de vue… Ce que je veux retenir de la démarche du général, c’est qu’il a compris non seulement qui est le dieu qu’il veut adorer, qui lui veut du bien, mais il a aussi compris que Dieu peut avoir besoin de lui à la place prestigieuse qui est la sienne. Oui, Naaman va certes reprendre ses activités et responsabilités habituelles, en tant que chef d’armée du roi de Syrie ; mais il sait aussi que c’est le Dieu du peuple d’Israël qui l’a guéri et purifié, alors qu’il était étranger et même un adversaire. Naaman est certainement resté un soldat courageux, mais j’aime à penser que sous son commandement, il n’y a pas eu de volonté de nuire au plus faible, il y a eu une retenue dans la démonstration de force, il y a eu respect et peut-être même protection de ce que nous appelons aujourd’hui les civils, les sans-armes.

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet épisode, qui d’ailleurs se poursuit quelques versets plus loin avec une intervention mal ajustée du serviteur du prophète Élisée. Mais je vous propose de rester avec ces quelques idées : si une enfant, si une femme, si des serviteurs n’avaient pas osé parler, Naaman serait resté prisonnier de son mal. Si le puissant responsable n’avait pas écouté la voix de ces petits, non seulement il serait resté impur, mais il n’aurait pas rencontré le vrai Dieu, qui l’a aimé alors qu’il n’était pas de son peuple. S’il ne s’était pas converti en voulant témoigner sa reconnaissance, il n’aurait pas compris le nouveau sens que sa vie et ses responsabilités pouvaient prendre. Alors oui, ne craignons pas de parler de notre chemin de foi, ne craignons pas de prendre au sérieux les plus petits. La Bonne Nouvelle et notre monde en ont besoin. Amen.

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