La tentation de Jésus

Méditation du 18 février par le pasteur Nicolas Mourgues Texte Matthieu 4 / 1 à 11

Chers amis, n’avez-vous pas remarqué que nous parlons toujours ou presque toujours, au conditionnel. Que nous mettons souvent des conditions à ce que nous devrions faire ou croire. Que nos engagements sont généralement freinés comme par un gros élastique reliant un pilier de béton à notre taille. Vous êtes-vous rendu compte que dans nos relations avec les autres, nous utilisons trop souvent de “SI”. “Si tu fais ceci ou cela ; si j’étais riche… je donnerais ; si les gens étaient honnêtes ; si l’église était ; Le “si” est, dans le fond, la vieille convoitise originelle : c’est le refus des autres, du monde et parfois de soi-même, souvent de Dieu, tels qu’ils nous sont donnés et se donnent à nous. Le “si” est très souvent diabolique. Il fait que nous préférons nos idées, nos rêves… à la réalité, à mon vrai conjoint, à ma vrai paroisse, au vrai Dieu. Le “Si” peut avoir des conséquences désastreuses et nos prières résonnent souvent comme des tentations à Dieu. “Seigneur, si tu existes vraiment, tu ferais en sorte… Si tu nous aimais vraiment ; si tu étais celui que tu dois être… tu ferais ceci ou cela : les pierres du désert deviendraient des pains, tu montrerais ton existence, tu nous convaincrais….. Si tu étais vraiment le fils de Dieu tu descendrais de ta croix !”

Mais c’est exactement ce que le diable demande au Christ par sa deuxième tentation : ”Epate le monde, mets-lui en plein la vue : qu’il voit, qu’il sache que tu es le Fils de Dieu. Ne te limite plus à dire, mais montre-le et démontre-le aux yeux ébahis des hommes. Ils seront si content de voir tes prouesses, ils saurant sans hésiter que tu es vraiment le Fils de Dieu. Les hommes aiment ça : le spectacle, les miracles extraordinaires. Ca nous ferais du bien à nous aussi, “si” nous ne rencontrions que des gens qui n’hésitent pas sur toi. Il n’y aurait plus de doutes, plus d’incrédules, plus d’indifférents, donc nous n’aurions plus à annoncer la bonne nouvelle. Dieu se démontrerais par lui-même sans ambiguïté, sans problème. Plus de théologie plus ou moins bonne, plus de catéchisme plus ou moins efficace, plus d’études bibliques plus ou moins vaseuses, ni de traductions hésitantes. “Seigneur, on ira te voir tous les dimanches… sans faute. Allez ! Saute ! Et là avouez que les choses auraient été plus simples. Avouons que nous aimerions bien le rôle de parfait spectateur qui admire du fond de son fauteuil, mais ne fait rien d’autre que regarder, fasciné par le spectacle d‘un monde parfais. Jésus Superstar, Jésus le Clown. Le pasteur Maillot appelle cette tentation “la tentation du cirque”.

En fait le diable dit à Jésus : “Bon si tu ne le fais pas, moi, je sais y faire. Donne-moi le commandement… du monde”. En te laissant mourir, en ne montrant pas ta puissance, non seulement tu vas souffrir mais tu vas les laisser souffrir. En les laissant sur leur faim, sur leurs hésitations, dans leurs doutes, dans leurs méchancetés, tu ne les aimes pas bien, comme le dira le Grand Inquisiteur. Tu compliques tout. Avec moi ça va marcher, que dis-je, ça va courir, rouler, voler. Avec le diable ça va marcher, au pas … de la loi.

Jésus ne tombe pas dans le piège…. Avec nous également. Il n’y tombe pas car il accepte le dialogue même si nos comportements, nos demandes de preuves de son existence nous apparentes au diable lui-même. Je dirais même que quelque part il est rassurant parce que le Seigneur accepte que nos engagements soient réfléchis et compris. Il désire que nous désirions comprendre les choses, nos engagements au lieu de foncer droit dans le mur. Il aime que nous soyons en recherche pour peser mûrement nos décisions. Dieu accepte que nous ayons le comportement du diable qui veut se mettre à sa place pour cheminer et en venir à notre juste place par rapport à lui.
Oui, Dieu respecte nos réflexions, nos questionnements, et même…. jusqu’à la remise en cause de son existence. C’est légitime. Seulement il attend que l’on se décide, car il y a des moments cruciaux de notre vie où il faut savoir se lancer, se décider, prendre la ou les décisions importantes qui vont orienter notre vie, parfois celles des autres, de son église également.

Chers amis, il y a des “Si” dans la vie qui peuvent prendre des proportions considérables, voir même inquiétantes. Notre dialogue avec le Seigneur peut aller très loin, comme notre incrédulité mène aussi très loin. Mais ce n’est pas pour autant que Dieu n’accepte pas “nos pourquoi”, nos “comment”, nos demandes de preuves même de son existence. « Pour les doutes les plus profonds Dieu sonne sa plus grosse cloche » Pagnol. Parfois même il cède à se rendre manifeste, parce qu’il y a des situations où nous avons besoin de certitudes.
Cependant le diable tente Jésus pour nous faire entrer, non pas dans le monde des remises en questions, mais dans celui des certitudes en béton, le monde des assurances-tous- risques et sans risques ; le monde où tout sera clair. Noir ou Blanc. Et la Bible évidente (et périmée).
Le monde du diable, c’est le monde de l’Ordre, un monde figé, glacé, sans problèmes, sans déchirures, sans inquiétudes, (le monde des sectes) où il n’est plus besoin de se décider, de prendre des risques. Quel rêve que celui d’un monde parfait et d’une communauté idéale ou d’un pasteur sans défauts.

Finalement, si le Christ avait cédé au diable, quels soucis et quelles angoisses il nous aurait évités !

Oui mais, j’ai oublié de vous dire une chose. C’est ce que nous aurions perdu.

Tout d’abord le vrai Christ, le Christ crucifié. Et avec Lui, la liberté et l’amour.
Rien que ça.

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