Est-il permis de payer l’impôt à César ?

Prédication du culte du 22 octobre 23

Notre première lecture se situe dans le livre du prophète Esaïe qui annonce ou plutôt énonce, car le prophète qui écrit les chapitres 40 à 55 du livre d’Esaïe semble avoir écrit au moment où se déroulent les faits, et ses écrits ont été regroupés avec ceux d’Esaïe. Ce qu’il énonce c’est la réponse de Dieu aux prières et aux cris des exilés. L’empire babylonien qui avait pris la domination sur les Assyriens, ceux-là même qui ont détruit Jérusalem et le Temple et emmené l’élite israélienne en exil, tombe sous les coups des Perses. Le premier empereur des Perses s’appelle Cyrus. Nous lisons donc Esaïe 44 v 26 – 45 v 6

L’Eternel dit de Jérusalem : Elle sera habitée, et des villes de Juda : elles seront rebâties, Et je relèverai leurs ruines.
Je dis à l’eau profonde : dessèche–toi, je tarirai tes fleuves.
Je dis à Cyrus : Mon berger !
Il accomplira tous mes désirs,
Il dira de Jérusalem : qu’elle soit rebâtie ! Et du temple : qu’il soit fondé !
Ainsi parle l’Éternel à son messie, à Cyrus, qu’il saisit par la main droite,
Pour terrasser les nations devant lui et pour déboucler la ceinture des rois,
Pour ouvrir devant lui les deux battants, et que les portes ne soient plus fermées :
Je marcherai devant toi, j’aplanirai les pentes, je briserai les portes de bronze
Et je mettrai en pièces les verrous de fer.
Je te donnerai des trésors enfouis, des richesses dissimulées,
Afin que tu reconnaisses que je suis l’Éternel, le Dieu d’Israël, qui t’appelle par ton nom,
A cause de mon serviteur Jacob Et d’Israël, mon élu,
Je t’ai appelé par ton nom, Je t’ai paré d’un titre, sans que tu me connaisses.
Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre,
A part moi il n’y a point de Dieu ;
Je t’ai pourvu d’une ceinture, sans que tu me connaisses.
C’est afin que l’on reconnaisse, du soleil levant au couchant,
Qu’en dehors de moi il n’y a que néant : je suis l’Éternel,
Et il n’y en a point d’autre.

C’est un texte inouï : voyez plutôt : Dieu choisit l’empereur le plus puissant du proche et Moyen-Orient, un non-juif, pour libérer son peuple ! Dieu lui met au cœur le choix de déclarer que les remparts de Jérusalem doivent être rebâtis et que le Temple d’un Dieu qu’il ne connait pas et n’honore pas doit être reconstruit ! Quel chef d’une armée victorieuse dirait à son ennemi battu : va reconstruire tes remparts ! Dieu le fait, il appelle Cyrus son Messie, son oint, car Dieu est maître du choix des pouvoirs de ce monde, son peuple en a terminé avec l’exil, il a compris que Dieu n’est pas enfermé dans le Temple mais qu’il est là où on est, les hébreux ont aussi admis qu’ils avaient arrêté de servir Dieu pour lui-même et non pour eux-mêmes et ils se sont repentis.
Lorsque Pilate dit à Jésus : « Tu ne dis rien ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te libérer ou de te faire crucifier », Jésus répond : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait été donné d’en-haut. » En effet c’est Dieu qui confie le pouvoir à tel ou tel selon sa sagesse. Ce qui nous amène à l’Evangile d’aujourd’hui que nous lisons maintenant : Matthieu 22 v 15 – 21
Alors les Pharisiens allèrent se consulter sur les moyens de prendre Jésus au piège de ses propres paroles.
Ils envoyèrent auprès de lui leurs disciples avec les Hérodiens : Maître, lui dirent–ils, nous savons que tu es véridique, et que tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité, sans redouter personne, car tu ne regardes pas à l’apparence des hommes.
Dis–nous donc ce que tu en penses : Est–il permis, ou non, de payer le tribut à César ?
Mais Jésus qui connaissait leur malice répondit : Pourquoi me mettez–vous à l’épreuve, hypocrites ?
Montrez–moi la monnaie avec laquelle on paie le tribut. Et ils lui présentèrent un denier.
Il leur demanda : De qui sont cette effigie et cette inscription ?
De César, lui répondirent–ils. Alors il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
Étonnés de ce qu’ils entendaient, ils le quittèrent et s’en allèrent.

Cette fois les pharisiens envoient de leurs disciples mais pas seuls, avec des gens du parti d’Hérode le gouverneur nommé par les Romains donc des collabos ! Peut-être que les responsables des pharisiens n’ont pas voulu aller eux-mêmes avec des hérodiens… ! Jésus est dans le Temple. Et sûrement, quand Jésus les a vu s’approcher ensemble, il a dû bien penser que ce n’était pas pour une gentillesse !
Ils arrivent et une intro s’impose : flatterie criante après les enseignements de Jésus leur disant : hypocrites… race de vipères : tu parles en vérité, tu enseignes la voie de Dieu avec vérité…Jésus devait, si vous me laissez imaginer un peu, se dire : allez, venons-en au but, dites-moi quel est votre piège !
 « Dis-nous donc ce que tu en penses : est-il permis de payer l’impôt à César ? »
Question d’apparence anodine : quelle est ton idée sur une question banale…comme ça, en passant…
En demandant à ses interlocuteurs de lui présenter la monnaie avec laquelle on doit payer l’impôt à Rome, un denier romain, normalement interdit dans l’enceinte sacrée du Temple, Jésus contourne le piège.
De même il ne répondra pas directement à la question sur le tribut à César, ne disant
*ni le « oui » qui marquerait de la collaboration avec l’occupant…
*ni le « non » qui marquerait de la rébellion contre Rome,
Ce qu’on tentait alors de lui faire dire !
Jésus remet tout en place, il clarifie par une réponse qui respecte l’autorité publique, les Romains et pose des limites.
Jésus dit clairement qu’il sait leur hypocrisie et le piège subtil qui lui est tendu. Puis il les renvoie à leur attitude face à l’autorité romaine et leur attitude personnelle devant Dieu.
Remarquons que Jésus n’oppose pas César et Dieu, il ne met pas de « ou » mais un « et » : rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Nous devons avoir une vie civique, nous sommes invités par Paul à respecter nos autorités dans la mesure où elles se montrent respectables et à prier pour elles, quel que soit notre choix politique, Dieu a permis que telle autorité soit dans telle place, prions qu’elle soit guidée comme le fut Cyrus, que Dieu incline leur cœur au bien. Nommons les autorités locales comme nationales. Jésus précise à ses disciples, dans l’Evangile de Jean, avant sa passion qu’ils sont dans le monde mais pas du monde et à Pilate il dit « Je suis roi et mon Royaume n’est pas de ce monde ». Ainsi Jésus rappelle qu’ils sont dans le Temple et que leur véritable lieu qui donne sens à leur vie, est en Dieu.
Rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est prendre conscience et mettre en pratique ce verset de Paul aux Corinthiens (1 Corinthiens 3v 16-17) »Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » C’est se laisser visiter par le Seigneur et Lui laisser toute la place. C’est une invitation à discerner ce qui est le plus important dans chaque situation, en gardant bien en vue que dans certains cas exceptionnels ces « règnes » peuvent s’opposer et nous obliger à faire le choix de Dieu contre César.
Pour terminer, je voudrais revenir sur les paroles flatteuses dites par les piégeurs et qui les piège :
Maître, lui dirent–ils, nous savons que tu es véridique,
et que tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité,
sans redouter personne,
car tu ne regardes pas à l’apparence des hommes.

A l’instar de satan qui a la tentation de Jésus dit : Si tu es le Fils de Dieu…, ce qu’est bien Jésus, ici les questionneurs disent comment agit Jésus avant de distiller leur poison. De même que Jésus est le Fils de Dieu, il est véridique dans ses paroles, il enseigne comment marcher dans la voie de Dieu sans détour, droitement, selon la vérité, Jésus ne redoute personne, il accueille tous ceux qui viennent à lui droitement ou non. Car il est Dieu qui, comme le précise Dieu à Samuel lors de l’onction de David : « L’homme regarde à ce qui frappe les yeux mais l’Eternel, regarde au cœur. » Jésus regarde au cœur.
Voilà l’attitude de celui qui rend à Dieu ce qui est à Dieu.
Un homme a interrogé un sage sur la différence entre Dieu et César. Le sage a répondu que lorsque César veut montrer son effigie, il frappe une pièce de monnaie : toutes les pièces sont identiques. En revanche, lorsque Dieu veut révéler son image, il la dépose dur le visage de l’humain alors qu’il n’y a pas deux humains avec le même visage. Rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est reconnaître son image sur le visage de chacun de nos prochains.
Amen

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