Réflexion sur le pardon

Culte du dimanche 13 juin 2021
Prédication par Eric Deguilhaume

Texte biblique : Matthieu 18,21-35

Le mot pardon est beaucoup utilisé, comme synonyme d’excusez-moi. C’est une expression qui n’engage pas et qui n’attend aucune réponse. Il y a aussi le pardon qui requière une repentance, une demande d’absolution (nom commun tiré du verbe absoudre qui vient du latin « absolvere » : acquitter, déclarer non coupable).Il y a une prise de conscience, une notion de culpabilité. Et pourquoi une notion de culpabilité… Peut-être par peur de n’être plus considéré, plus aimé par l’autre, par le prochain. La puissance du mot pardon n’a d’égale que la puissance de l’Amour de Dieu.

Le pardon c’est un mot de deux syllabes : par et don. Mais ces deux syllabes sont aussi deux mots : par, autrement dit, avec, à travers l’action de, et le mot don du verbe donner (action vers un autre être vivant de dépossession de quelque chose) sans reprise. Mais entre ces deux mots il faut en glisser un autre qui est le mot amour. Autrement dit, parce que j’ai de l’amour pour toi je te donne l’exemption de la peine que tu devrais exécuter. En vérité ce n’est pas « par » mais « per » qui en latin signifie parfait, entier, total (définition trouvée dans un dictionnaire : employé pour intensifier, dans le sens de totalement). C’est donc un don complet, total, par amour, de fermer les yeux sur la faute, de ne plus tenir compte du passé.

Mais je ne peux t’exempter de cette peine que parce que tu me le demandes et tu me le demandes parce que tu te rends compte que c’est une faute, une erreur de conduite, quelque chose de mal et que j’ai subi un préjudice (je reviens à la notion de culpabilité vue plus haut). Et parce que tu te rends compte que j’ai subi un préjudice, tu te soumets à ma fantaisie. Oui je peux ou non te pardonner.

Mais pourquoi demander pardon et pourquoi pardonner.

Pourquoi demander pardon ?

Il faut un énorme courage pour demander pardon. Il faut être en capacité de reconnaître une faute préjudiciable et il faut être en capacité d’humilité pour oser aller vers l’autre pour lui dire :

Je reconnais avoir dit ou fait quelque chose qui t’a blessé et je m’en excuse et je te prie de bien vouloir par amour me délivrer de ma faute en ne me punissant pas. On demande pardon pour le respect de nous même (j’ai commis une faute en parole, en action ou en omission) et je ne peux pas vivre avec cela car Dieu me demande de pardonner comme je demande à être pardonner. On demande pardon pour le respect de « l’autre ». Comment peut-on le laisser dans sa blessure, dans sa souffrance. On demande pardon pour aussi renouveler des liens avec « l’autre ».

Et Dieu dans tout ça ?

Et bien Dieu, par amour pour nous il a donné son fils unique qui est mort pour racheter nos péchés, pour nous dire, soyez meilleurs maintenant et ne recommencez pas.

Et oui par amour il nous a fait un don. Voilà les trois mots : don par amour, ou par amour don ou par don.

Mais voilà ce n’est pas parce que nous avons trouvé la force ou le culot de demander grâce que nous devons recommencer. Il faut que la demande du « pardon » soir sincère.

Les deux parties sont actives dans le processus du pardon. L’auteur et la victime. L’auteur on l’a vu doit aller vers l’autre avec repentance c’est-à-dire avec sincérité et force de persuasion pour montrer qu’il regrette réellement et que cette prise de conscience va lui permettre de ne plus recommencer et peut-être de réparer sa faute mais ce n’est pas le sujet du jour.

Pourquoi pardonner ?

Pour pouvoir pardonner, il faut déjà reconnaître qu’on a été blessé, dire sa souffrance et cesser de jouer la victime. Il faut faire le deuil de la confiance perdue, de l’amour non reçu par tel ou tel parent par exemple. Une fois ce deuil fait la « victime » est en capacité de recevoir une telle demande et être en capacité de ne pas devenir auteur à son tour en exerçant un acte de vengeance envers l’autre. La victime doit ravaler son désir de vengeance et dire à celui qui lui a porté préjudice : je reconnais la sincérité de ton action de repentance et je renonce de ce fait à te poursuivre et à ce que tu exécutes une peine. Mais le pardon ne veux pas dire oubli ni obligation de renouer des liens. Le pardon ce n’est pas fermer les yeux sur l’offense, ce n’est pas faire comme si rien ne s’était passé : Dieu a pardonné au roi David mais ne l’a pas épargné des conséquences comme dit le livre 2 Samuel chapitre 12 verset 9 à 1 3 ; ils sont dans la Bible pour qu’on s’en souvienne encore.

Le pardon ce n’est pas non plus se laisser traiter injustement : c’est, par exemple, ne plus prêter à celui qui gaspille et ne rembourse pas l’argent que tu lui as prêté.

Dans ce mot « pardon » ce qui est extraordinaire, c’est que ce simple mot de six lettres va inverser la notion de distance. Je m’explique. Dans le cas d’une faute commise envers quelqu’un il est constaté un éloignement relationnel entre les deux personnes. Ce qui peut se concevoir. Mais ce mot de six lettres va changer radicalement la relation car au lieu d’un mouvement d’éloignement il y a un mouvement de rapprochement entre les deux protagonistes.

Et Dieu dans tout ça ?

Mon cœur s’ouvre à recevoir le don du pardon car le pardon ne nous appartiens pas. Waouw le sentiment de supériorité ! J’ai droit de pardon c’est-à-dire de vie ou de mort sur les autres (quelqu’un peut se suicider après un pardon non reçu). Non, le pardon n’est pas une propriété. Dieu est la source du pardon. C’est Dieu qui nous l’inspire, qui nous en rend capable. C’est par son amour que nous pouvons pardonner. On revient toujours à cette notion d’amour, mais si on peut aimer notre prochain c’est parce que Dieu nous aime. Quand la blessure est trop profonde ou trop ancienne et que notre Moi intérieur n’a plus la force de réparer les dégâts… Dieu est là. C’est ce que nous retrouvons dans les livres de Mathieu et de Luc. Dieu nous dit aussi : « venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous donnerais le repos ».

L’acte du pardon est difficile et quand Pierre demande à Jésus combien de fois il doit pardonner à un frère qui lui a causé du tort …  « serait-ce jusqu’à 7 fois ? » Jésus répond : « Je ne te dis pas jusqu’à 7 fois mais 77 fois ». Ce nombre symbolique signale la démesure du pardon et sa proximité avec l’amour absolu. C’est cet amour « désintéressé » qui est le fondement du vrai pardon. La puissance du mot « pardon » n’a d’égale que la puissance de l’amour de Dieu.

Amen.

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