Des exemples pour la foi ?

Culte du dimanche 27 décembre 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Textes bibliques: Genèse 15,1-6 et 21,1-3 ; Hébreux 11,8-19

Frères et sœurs,

Que pensez-vous des exemples, des modèles ? Ils sont bien pratiques parfois pour apprendre à faire quelque chose que l’on n’a jamais eu l’occasion de faire auparavant. Dans l’enfance, nous avons tous eu besoin de modèles. Le mimétisme est bien souvent nécessaire à l’apprentissage, et permet ensuite à une certaine créativité de se déployer. En tant qu’adultes, nous sommes conscients que notre société nous propose, parfois nous impose, des modèles, des exemples, des normes à atteindre, qui ne visent pas à notre épanouissement personnel ou collectif. Pensons aux « canons de beauté » que voudraient imposer certaines industries, avec le projet de provoquer des désirs, et bien sûr des actes de consommation. Et pour créer ces désirs, on va idéaliser un autre inatteignable, dévaloriser la différence, entretenir l’illusion que le mieux ne dépend que d’une discipline personnelle encadrée par un usage frénétique de la carte bancaire. Les conséquences sont nombreuses et graves, on peut évoquer les troubles alimentaires et les surendettements. Les modèles peuvent aussi être destructeurs dans le monde du travail. Quand un manager prend pour outil de mesure de la performance des employés, de la valeur des êtres humains, le rendement économique du ou de la meilleur(e) d’entre eux, il multiplie les risques de mal-être, notamment de ce qu’on appelle le burn-out. On le voit, l’utilisation de figures de modèles peut à la fois constituer un moteur pour faire progresser les individus, mais aussi un véritable fléau pour nos sociétés. Le mimétisme fait partie de nos apprentissages, à raison, mais il peut aussi être destructeur et mortifère.

Pourquoi vous parler de cela, alors que nous venons de fêter Noël, que nous venons de nous réjouir de ce symbole de l’irruption d’une possibilité de vie nouvelle dans notre quotidien ? Pourquoi vous parler des dangers des modèles, alors que nous venons de raviver la flamme de notre espérance, que nous cherchons à nous convaincre que dans un monde aussi sombre que celui que nous connaissons, que dans un tel monde, l’espérance vient, encore et toujours, d’un être fragile et presque insignifiant ? Pour deux raisons. D’abord parce que notre foi nous conduit en effet à choisir d’autres exemples que ceux que la société nous propose. S’il nous est difficile de nous identifier au Christ en croix, nous pouvons peut-être plus facilement nous inspirer de la petitesse et de la fragilité de Jésus dans sa mangeoire, pour nous mettre en route vers Dieu. La deuxième raison, c’est que le texte de l’épître aux Hébreux nous propose en effet de nous trouver des exemples pour notre foi.

Une précision avant d’aller plus loin. Dans les évangiles, Jésus invite ses disciples à le suivre, ce qui se rapproche de l’imitation mais s’en distingue aussi, puisque celui qui est devant peut abattre des obstacles qui ne seront plus à franchir par ceux qui le suivent. C’est ce qu’il a fait, et c’est pourquoi Jésus ne se définit jamais comme un modèle que nous devrions imiter scrupuleusement. Il n’est donc pas attendu de nous l’impossible.

L’auteur de l’épître aux Hébreux nous propose, dans ce chapitre 11, de relire les récits de l’Ancien Testament non pas pour y trouver des modèles auxquels essayer de se conformer, mais pour réfléchir aux dynamiques suscitées par la foi. Intéressons-nous à ces mises en mouvement. Commençons par chercher ce que nous pourrions faire, et qui nous pourrions être, du fait de cette confiance que Dieu nous donne et que nous plaçons en lui. Quelles seraient ces attitudes que nous ne pouvons pas oser seuls, mais que l’amour et les promesses de Dieu pourraient nous donner l’audace d’adopter ?

Quelles seraient donc de telles attitudes, qui pourraient nous inspirer ? La première d’entre elles, c’est d’accepter de se mettre en route parce que quelqu’un d’autre nous l’a demandé. Il ne s’agit pas de se soumettre aveuglément aux recommandations ou conseils d’un inconnu ou même d’un proche, mais de chercher à discerner si la parole d’un autre peut me faire avancer, donner un sens plus fécond à mon existence. Il ne s’agit pas, je le répète, de renoncer à sa liberté, qui est un don et une volonté de Dieu pour nous, mais de vouloir percevoir, lors de chaque rencontre, ce que l’échange avec mon prochain peut m’apporter dans ma relation avec Dieu. L’auteur de l’épître aux Hébreux le rappelle, Abraham et ses descendants ont consenti à devenir des étrangers sur un territoire qui certes leur était promis, mais leur était aussi inconnu.

Cela me conduit à la deuxième attitude que des exemples de foi peuvent nous encourager à adopter, cette attitude est celle de repenser à nos habitudes et à nos déplacements hors de notre « zone de confort ». En janvier dernier, la liberté de nous déplacer sur toute la planète était pour nous un acquis. Un virus nous a rappelé que cela pouvait aussi être un danger. Mais depuis neuf mois, la liberté d’aller et venir à 100 kilomètres, 20 kilomètres ou même 1 kilomètre de chez soi est devenue un sujet de reconnaissance… Par réaction, après un tel mouvement de repli, nous aspirons à voyager à nouveau. N’oublions pas ceux que la violence ou la pauvreté conduit à l’exil ! C’est bien dans la figure de l’étranger, du précaire, qu’Abraham accepte de se placer. Et Jésus ! Jésus lui-même est né dans un contexte que les évangiles nous décrivent comme fragile, précaire, lors d’un voyage. Alors, que nos déplacements soient physiques ou plus symboliques, ne craignons pas de prendre la route. Dieu se révèle hors de notre « zone de confort. »

Et, en conséquence, et c’est une troisième attitude du croyant que le texte encourage, apprenons à voir en l’étranger une présence de Dieu dans notre quotidien. Le contexte social et politique nous entraîne à nouveau, nous chrétiens, à faire de la résistance à l’esprit du temps qui voudrait que l’étranger soit potentiellement dangereux, que ce soit pour notre sécurité physique ou économique. Non ! L’étranger chez nous – mais ne sommes-nous pas tous des étrangers de passage sur cette terre ? – l’étranger chez nous aspire à une vie digne, comme chacun de nous. Il ne veut pas nous dépouiller. N’avons-nous pas en fait des souhaits et des espérances similaires ? La foi des personnes éprouvées, des étrangers fragilisés, des précaires, cette foi vient à la rencontre de nos timidités, de nos tiédeurs, de nos hésitations. Cette foi n’est pas une menace, c’est une chance pour nous, qui pouvons nous y ressourcer. Oui, Dieu accompagne nos déplacements, Dieu les rend féconds, Dieu y accomplit ses promesses pour nous.

Selon l’auteur de l’épître donc, les récits de l’Ancien Testament peuvent servir d’arguments pour (1) se mettre en route à l’appel d’un autre ; (2) accepter d’être placé dans la précarité de l’étranger, car la fragilité peut nous rapprocher de Dieu ; et (3) accueillir justement les autres, les étrangers, comme porteurs d’un message de Dieu pour nous et notre monde.

En d’autres termes, je pense que ce texte nous interpelle sur deux questions. Tout d’abord, alors que nous avons besoin des autres pour avancer, qu’est-ce qui, ou qui, est une référence pour moi en terme de foi ? Quel récit, quel personnage biblique, mais surtout quels proches, quels amis, quelles figures publiques sont des sources de développement et d’approfondissement de ma relation avec Dieu ?

Deuxième question, si d’autres peuvent m’être nécessaires pour vivifier ma foi, ne suis-je pas moi-même appelé à être un témoin de ce chemin avec Dieu ? Bien sûr, ma foi est vacillante, je doute, j’ai de multiples défauts et faiblesses. Mais justement, Christ peut s’y révéler, car il connaît la fragilité, en fait bien mieux que moi-même. En quoi donc puis-je être un témoin de cette relation de vie et d’amour ?

Ô Seigneur, nous t’en prions, fais-nous rencontrer des repères pour notre foi, et donne-nous d’être nous-même des témoins féconds de ta Bonne Nouvelle. Amen !

Écoutez ci-dessus ou en cliquant ici (PodCloud) l’enregistrement de la prédication.

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