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S’il suffisait d’un mot… Il suffira d’une Parole !
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Culte de Noël du vendredi 25 décembre 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Textes bibliques : Jean 1,1-5,14 ; Hébreux 1,1-6
S’il suffisait d’un mot… Si Noël n’était qu’un mot, alors les dernières semaines auraient été plus faciles pour tout le monde. Les mots peuvent circuler même si nous ne le pouvons pas, soit à cause des restrictions qui limitent les sorties hors du domicile ou du lieu de travail, soit parce que les déplacements sont devenus complexes du fait de corps qui se sont affaiblis ou qui ont perdu de leur mobilité. On peut se parler sans se voir, et ce depuis des millénaires, à condition d’être quand même assez proches physiquement. Et encore… J’ai beaucoup aimé lire les romans de Jules Verne, et dans Voyage au centre de la Terre, l’un des membres de l’expédition qui descend en effet dans les profondeurs de notre planète se retrouve à un moment séparé de ses deux compagnons. Mais un phénomène acoustique particulier, que je ne pourrais pas vous expliquer, leur permet de s’entendre malgré des dizaines de mètres de roche entre eux, avant de se retrouver. Revenons au réel. On peut aussi se faire des signes ou s’écrire, là aussi depuis des siècles. Les mots ne voyagent-ils pas ainsi ? Plus récemment, l’électricité, puis la radio, puis la télévision, et enfin Internet ont considérablement facilité la circulation des mots, des phrases, des discours, des conversations. Oui, si Noël n’était qu’un mot, s’il suffisait d’un mot, les gouvernements auraient probablement été moins embarrassé dans l’équilibre à trouver entre mesures de protection sanitaire et besoin d’allègement des contraintes.
Mais Noël n’est pas qu’un mot. Pour rester dans la singularité de cette année, Noël, ce sont aussi des semaines cruciales pour nombre de commerces et pour une part non négligeable de l’économie de nos sociétés. Surtout, Noël constitue un repère civilisationnel majeur. Retrouvailles des familles plus ou moins dispersées le reste de l’année, repas de fêtes, rituels des cadeaux et des célébrations religieuses… Or ces différents éléments : retrouvailles, repas, cadeaux, messes de minuit et autres cultes, tous ces éléments ont un point commun : il s’agit de partager des activités ensemble, entre êtres présents simultanément dans un même lieu. Il s’agit, ainsi, d’échanger, et pas seulement des paquets cadeaux. Noël, ce sont donc des paroles qui sont associées à un espace et un temps partagé, Noël, dans l’imaginaire collectif, y compris celui des non-chrétiens, Noël ne peut pas avoir vraiment lieu dans la solitude.
Mais chaque année, et en 2020 encore davantage, cette belle idée se fracasse contre le réel. La réalité, pour trop de monde, c’est une certaine solitude, un certain isolement. Certains se désolent de ne se réunir qu’à quelques personnes, à la place de grands rassemblements de plusieurs générations. Le réconfort d’être entouré de proches plus ou moins nombreux est précieux, et beaucoup en sont privés, plus que d’habitude encore. Car oui, d’habitude, il y a des exclus de ces réjouissances. D’habitude, en particulier pour ceux qui peuvent difficilement se déplacer ou recevoir chez eux, pour ceux qui ne pouvaient compter que que les repas de Noël des anciens prévus par la municipalité ou des associations, d’habitude, Noël est aussi un mot associé à une souffrance, à un manque, à une absence.
Que nous dit l’évangéliste Jean ? Il écrit que la Parole est venue dans le monde, qu’elle est devenue chair. Jean raconte Noël avec ces mots : Jésus est la Parole devenue un homme, qui a habité parmi nous. Une parole, mieux, la Parole, celle qui se confond avec Dieu, et une présence, là encore une présence « augmentée », puisqu’il s’agit d’une présence humaine, que les sens de nos ancêtres ont pu percevoir, et d’une présence divine, mêlées dans un « en même temps » authentique et mystérieux.
Oui, mais nous ne sommes plus en Palestine, il y a deux mille ans. Pour celui ou celle qui est aujourd’hui seul chez lui, pour celui ou celle qui souffre profondément de son isolement, de ce manque de relations et de proximité, les mots de l’évangéliste pourraient n’être, justement, que des mots, des mots vides, désincarnés, qui ne comblent pas l’espace béant disponible. Dieu est venu rencontrer l’humanité dans sa chair, mais tous n’ont pas pu être au rendez-vous – et d’ailleurs, beaucoup de ceux qui l’ont croisé n’ont pas pu ou su apprécier cet événement. Certes, les Douze et plein d’autres ont été appelés et ont rencontré Jésus, ils ont cheminé avec lui, mais moi, je ne peux pas le voir, l’écouter, me placer à sa suite…
Pourtant, depuis des générations, la venue de Jésus dans le monde constitue une Bonne nouvelle personnelle pour chacune, chacun. Dans le début de la lettre aux Hébreux, son auteur écrit :
« Autrefois, Dieu a parlé à nos ancêtres, à bien des reprises et de bien des manières, par les prophètes ; mais maintenant […] il nous a parlé par son Fils. C’est par lui que Dieu a créé l’univers, et c’est lui qu’il a établi héritier de toutes choses. »
Quelques pistes de réflexion à partir de ce début de l’épître aux Hébreux et les versets qui suivent immédiatement.
Tout d’abord, Dieu parle aux humains de façon répétée et par différents moyens. Bien sûr, Jésus, le Christ, son Fils occupe une place à part dans ce « dispositif de communication ». C’est l’élément central, mais, comme l’image bien connue de la montagne, on peut distinguer la montagne d’endroits très éloignés les uns des autres ; et on peut partir à la recherche de son sommet en gravissant différents versants, par différents itinéraires. Aujourd’hui, le Jésus qui a arpenté la Galilée, la Judée, et les régions environnantes il y a deux mille ans, ce Jésus ne va pas sonner à votre portail ou frapper à votre porte, il ne va pas s’asseoir à votre table pour partager avec vous ce que vous avez prévu. Il ne va pas vous prendre dans ses bras. Et pourtant, Dieu est présent. Oui, Dieu est présent. Lui sait de quelle manière il se rendra perceptible, peut-être par ce culte, peut-être par un beau paysage ou par les paroles de personnes chères qui vous contacteront, par une attention inattendue d’un voisin…
Continuons. Que nous dit l’auteur de l’épître concernant Jésus ? Jésus, entré dans le monde en vrai être humain, a été appelé Fils de Dieu, héritier de Dieu ; il a parlé au monde de la part de Dieu ; par son existence, il a été associé à la création des mondes ; Dieu l’a considéré comme infiniment supérieur aux anges. Il y a là un message d’amour en actes. Souvenez-vous la Genèse : l’être humain créé semblable à Dieu. Et ici, Dieu qui considère qu’il n’y a aucune difficulté à ce qu’un humain soit aussi son enfant. Et encore, que l’humain est supérieur à ces créatures étonnantes des anges. Quel message d’amour et d’honneur pour l’être humain ! Deuxième facette concernant Jésus : l’auteur de l’épître explique que Jésus est l’acteur principal de la purification, c’est-à-dire du pardon des péchés, mais aussi qu’il participe à l’œuvre créatrice de Dieu. Jésus, vrai être humain, est associé à Dieu pour façonner le monde. Comme dans le récit de la Genèse, cette capacité de parler, de nommer, et donc de créer, de donner une existence, est partagée par Dieu avec l’humanité. Oui, aussi avec nous.
Déjà suggéré, voici un troisième axe important. Dans les premiers siècles du christianisme, les croyants se sont parfois divisés sur Jésus : pleinement humain, ou pleinement divin, ou plus l’un que l’autre ? Il est en effet difficile pour notre raison de tenir ensemble ces différentes affirmations. Dans un « en même temps » inédit, Jésus est porte-parole et Parole. Il est une rencontre et un mystère. Il suscite la discussion et les questions, et le silence de la contemplation. Certains cantiques de Noël évoquent les chants des anges, les instruments qui sonnent pour célébrer la joie de la naissance, alors que les paroles d’autres cantiques s’émerveillent de la douceur – du silence même – de la nuit de la Nativité. Il y a probablement eu des deux, dans les premières heures du nourrisson de Bethléem : des cris – sûrement ceux de Jésus lui-même – et les bruits des personnes présentes dans le village, mais aussi des chuchotements et des soupirs, peut-être même des prières. Avant de conclure sur la prière, rappelons-nous ce mystère de Jésus, venu de Dieu tout-puissant, mais qui ne s’impose jamais dans nos vies ; Jésus, venu nous offrir l’amour et la libération de la part de Dieu, mais qui ne se décourage pas de devoir sans cesse recommencer ; Jésus, venu nous proposer une réconciliation avec Dieu, mais qui ne nous demande rien en échange.
Frères et sœurs, Noël n’est donc pas qu’un mot. Noël, c’est Jésus, Parole et présence. A ceux qui se désespèrent de ne pas ressentir cette présence, je proposerais, simplement : s’il n’y avait que la parole, ne nous suffirait-elle pas pour nous adresser à Dieu, ne suffirait-elle pas aussi à Dieu, dans nos silences, pour venir soigner nos blessures ? Noël n’est pas qu’un mot. C’est Jésus, aussi simple qu’une parole humaine. Mais aussi infiniment plus présent et aimant que n’importe quel humain. Alors, s’il ne suffisait pas d’un mot, il suffira d’une Parole. Amen.