Culte du dimanche 15 novembre 2020,
commun avec l’Église évangélique libre d’Annonay
Prédication par le pasteur Eric Denimal
Texte biblique : 1 Thessaloniciens 5,1-6
La première lettre de Paul aux Thessaloniciens est aussi le premier écrit d’un auteur du Nouveau Testament qui surgit dans l’Église naissante. C’est ce que nous disent les spécialistes et les théologiens.
En effet, au moment où Paul rédige sa lettre aux chrétiens de Thessalonique qu’il a déjà rencontré et conduit au Seigneur quelques temps plus tôt, aucun autre document entant dans la composition du Nouveau Testament n’a encore été écrit. Pas même un Évangile.
C’est dans le livre des Actes, au chapitre 17, que Luc raconte comment Paul et Silas sont arrivés pour la première fois à Thessalonique. C’était à l’occasion du deuxième voyage missionnaire de l’apôtre.
La rédaction de cette lettre, qui est donc ultérieure au passage de Paul et Silas dans cette ville, date des années 50-51.
Ce sont les tout débuts de l’histoire de l’Église dont les structures sont encore inexistantes.
Dans le livre des Actes, Luc donne des détails sur le type de message prononcé, par Paul :
« Ils arrivèrent à Thessalonique où les Juifs avaient une synagogue. Selon son habitude, Paul s’y rendit. Trois sabbats de suite, il discuta des Écritures avec les gens qui se trouvaient là ; il les leur expliquait et montrait que, d’après elles, le Messie devait souffrir et être relevé d’entre les morts. Il leur disait : « Ce Jésus que je vous annonce, c’est lui le Messie. » Quelques-uns des auditeurs furent convaincus et se joignirent à Paul et Silas. C’est ce que firent aussi un grand nombre de Grecs qui adoraient Dieu, et beaucoup de femmes influentes. »
Plus tard, l’apôtre reprend donc contact avec les chrétiens de Thessalonique pour préciser certaines choses et, comme à cette époque-là, on pensait que le Christ allait bientôt revenir, l’apôtre décide d’aborder le sujet. Cet épisode attendu serait ce que l’Ancien Testament annonce comme étant le « Jour du Seigneur ».
Pour les Juifs, qui ont lu les prophètes, le Jour du Seigneur, c’est celui du jugement, voire du jugement dernier.
Pour les Chrétiens, le Jour du Seigneur, c’est celui du retour du Messie.
À chaque fois, le Jour du Seigneur est associé à la Fin des temps, et donc au Jugement. De là à avoir un discours apocalyptique, il n’y a qu’un pas.
Un pas que certains franchissent aujourd’hui, analysant notre époque comme étant décadente et surtout, frappée par des plaies souvent évoquées par les prophètes, et même par Jésus ou par Jean dans son apocalypse. Ces malheurs sont présentés comme étant des signes précurseurs du Jour du Seigneur : guerres, déséquilibres divers, perversion du genre humain, cataclysmes divers, et bien-sûr, pandémie.
Mais il faut demeurer prudent autant quand il s’agit d’interpréter la Bible d’hier, que lorsqu’il s’agit d’interpréter les événements contemporains.
Il est facile de les confondre avec des signes, mais il serait imprudent de ne pas voir, dans certaines circonstances, des messages d’alertes venant d’ailleurs. Car, il ne faut pas l’oublier, Dieu est toujours là, et l’histoire que nous traversons est aussi habitée par lui.
Faisons un rapide petit point sur la croyance en la fin du monde selon la Bible.
Les textes de l’Ancien Testament rédigés avant l’an – 600 (environ) ne développent pas l’idée d’une fin du monde. Ils s’arrêtent à un futur plus ou moins proche avec des événements attendus selon une lecture du plan divin pour le peuple d’Israël.
Mais les choses changent à partir de l’Exil et le retour de Babylone (et là nous sommes entre – 550 et – 500 avant Jésus-Christ)
Les prophètes et avec eux les populations qui ont connu l’Exil à Babylone, ont été traumatisés par cette sanction divine, Cet événement, perçu comme un châtiment, les a conduits à penser autrement le sens de l’Histoire.
La disparition d’Israël, qui ne pouvait être envisagée par les Israélites, mais qui s’est pourtant produite, entraîne une vision nouvelle de la fin des temps.
Cette notion se développe progressivement jusqu’à évoquer une fin complète de l’Histoire du monde. Les théologiens nomment cette doctrine Eschatologie.
L’idée d’un temps final à venir s’inscrit dans une dimension où le salut n’est plus politique, mais d’une autre nature, survenant d’un ailleurs encore flou.
Le prophète Daniel, qui a connu l’exil, analyse l’histoire comme une décadence irréversible dont on ne se relèvera que par l’émergence du Messie, à qui on donne le titre de « Fils de l’Homme » ; un terme cher à Ézéchiel, notamment.
C’est lui, le Messie, qui mettra fin à cette décadence du monde en introduisant la victoire sur la mort.
Pour d’autres prophètes comme Joël et Zacharie, ce sera aussi le temps du châtiment pour les oppresseurs : une fin sans recommencement possible.
C’est ainsi que l’attente messianique se construit peu à peu dans la foi des Juifs.
Le profil du Messie à venir se dessine progressivement.
Chaque prophète reçoit une information nouvelle qui, toutes rassemblées, précisent ce qu’il en sera de cet envoyé très spécial.
On trouve ainsi des éléments concernant sa généalogie, le lieu et les conditions de sa naissance, sa vie, sa mort et même sa résurrection.
Avec l’Évangile surgit le Messie, mais non le temps de la fin.
Jésus est le prophète par excellence puisqu’il est plus que porte-parole, il est Parole incarnée.
S’il accomplit en partie les prophéties anciennes, il ne les réalise pas toutes.
Certaines sont encore en devenir.
Après l’épisode dramatique de Golgotha, et ensuite celui, plus positif, du tombeau vide, le discours des disciples se précise encore.
Les disciples, en effet, se fondent sur la résurrection du Christ pour confirmer une victoire définitive sur la mort, même si elle est encore à venir.
L’apôtre Paul, quant à lui, entre dans l’espérance d’un retour du Messie ; retour qui déclenchera la fin des temps.
Comme je le disais au début de mon intervention, la lettre de Paul aux Thessaloniciens est le premier écrit qui viendra constituer le Nouveau Testament. En ce temps-là, les apôtres, et Paul avec eux, étaient persuadés que Jésus allait revenir de leur vivant.
C’est aux Thessaloniciens que Paul signale qu’au moment où le Seigneur reviendra « Nous qui sommes vivants seront enlevés jusqu’à lui ». Nous qui sommes vivants, dit-il. C’est donc bien qu’il espère voir cet événement, de ses yeux.
Sauf que les années passent et que le Seigneur n’arrive pas.
Dans son expérience de témoin de l’Évangile, l’apôtre Paul rencontre parfois l’opposition et même la persécution. En certains endroits, on le met en prison, dans d’autres, on le lapide et on le laisse pour mort. Donc, l’apôtre, avec les années qui s’écoulent et parce qu’il se rend compte qu’il aurait déjà pu mourir plusieurs fois, revoit sa compréhension du dessein de Dieu et, dans les épîtres écrites plus tardivement, ne parle plus du retour du Christ, du Jour du Seigneur de la même manière. Ses propos sont plus mesurés. Il doit bien admettre que le « Jour du Seigneur » n’est peut-être pas pour tout de suite.
Nous sommes aujourd’hui au vingt-et-unième siècle, après la première venue de Jésus. Nous sommes toujours dans l’attente du retour du Seigneur, et nous devons user de la même prudence dont l’apôtre a dû se revêtir.
Certes, il y a aujourd’hui des signes troublants qui peuvent faire penser que le temps de la fin est proche.
Dans l’Évangile selon Matthieu, le chapitre 24 est parfois appelé : la petite apocalypse de Jésus. Le Seigneur parle d’un monde bien malade au moment de la fin des temps.
Vous vous souvenez sans doute de ces paroles dont voici quelques échos :
« Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Faites attention ! ne vous laissez pas effrayer, car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin.
On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume ; il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre.
Or tout cela n’est que le commencement des douleurs de l’enfantement.
Alors, vous serez livrés à la détresse, on vous tuera ; vous serez détestés de toutes les nations à cause de mon nom.
Alors, en effet, il y aura une grande détresse, telle qu’il n’y en a jamais eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et telle qu’il n’y en aura jamais plus.
Il surgira des faux messies et des faux prophètes, ils produiront des signes grandioses et des prodiges, au point d’égarer, si c’était possible, même les élus.
Aussitôt après la détresse de ces jours-là, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées.
Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine et verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel, avec puissance et grande gloire. »
Pourtant, au fur et à mesure que le Seigneur énonce ces catastrophes, il ponctue ses propos par une expression à entendre : « Mais ce ne sera pas encore la fin. »
Alors, où en sommes-nous ?
Dans une époque comme la nôtre où tout semble craquer de partout,
où les repères sont rejetés,
où le mensonge et les manipulations font perdre le sens de la vérité,
où non seulement l’Évangile, mais les valeurs de l’Évangile sont bafouées,
où les hommes sont devenus des apprentis sorciers et tripotent les cellules humaines comme si c’étaient des pièces de Lego,
où le terrorisme, le fanatisme, l’intégrisme tuent aveuglément,
où le climat est totalement déréglé,
où un virus grippe toutes les économies mondiales et dilue les relations humaines, … Dans ce temps qui est le nôtre, certains jouent à Jonas et prédisent la fin des temps.
Même si nous avons du mal à donner du crédit aux prophètes de malheurs, les réalités sont là : le monde est malade et les hommes marchent sur la tête.
Est-ce la décadente d’une civilisation, et allons-nous disparaître comme certaines se sont dissoutes dans le temps ?
Est-ce qu’un instinct de survie va venir remettre toutes les espérances en marche ?
Est-ce que nous allons nous enfoncer de plus en plus dans les ténèbres et nous qui sommes chrétiens, allons-nous nous replier dans une bulle et agoniser ?
Est-ce que nous sommes à l’aube du Jour du Seigneur ?
Je ne peux naturellement pas répondre à ces questions, souvent plus angoissantes les unes que les autres.
Je veux juste me souvenir de cette recommandation de l’apôtre :
« Mais vous, frères et sœurs, vous n’êtes pas dans les ténèbres, pour que le jour vous surprenne comme un voleur. Car vous êtes tous des fils de la lumière et des fils du jour. Nous ne sommes pas de la nuit, ni des ténèbres. »
Du coup, je suis obligé de me repositionner : moi qui me dis chrétien, appartenant à une église et m’agrippant au téléphone pour entendre, malgré la Covid, un culte : est-ce que je suis encore persuadé du message de l’Évangile et de toutes ses implications ?
Je peux, aujourd’hui, être inquiet dans un monde aussi malade, mais je ne dois pas être désespéré comme si Dieu était absent de cette histoire.
Dès lors, j’entends avec un certain soupir de soulagement, une certaine assurance, ces autres propos adressés aux Thessaloniciens, et que je veux recevoir aujourd’hui avec reconnaissance :
« Ainsi donc, ne dormons pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres.
Nous qui sommes du jour, soyons sobres, ayant revêtu la cuirasse de la foi et de l’amour, et [ayant] pour casque l’espérance du salut. »
« Ne dormons pas comme les autres ! »
Que le Seigneur soit notre aide !
Amen