- Accueil
- Actualités
- Non classé
- Où donc est passée mon espérance ?
Où donc est passée mon espérance ?
Partage
Culte du Dimanche 09 Août 2020
Prédication par Michelle RAYNAUD
Texte biblique: Job 17: 1 – 16
Le cri de Job est alors dit dans la confrontation à la plus réelle des morts : charnier et vermine sont convoqués comme des pères, des mères, des sœurs. Le désespoir est là dans des termes très crus : épouvante, chagrin, enfer, nuit, ténèbres : le champ lexical de l’anéantissement est impressionnant dans le vocabulaire de Job – Et c’est dans ce registre sombre qu’est posée cette question.
Aussi ce matin je voudrais avec vous entendre cette question pour peut-être y répondre ou tout au moins l’entendre.
Entendre cette question, c’est je crois entendre deux caractéristiques fortes de l’espérance pour Job : « Où donc est passée mon espérance ? »
– Cette question dit d’abord que l’espérance a un lieu : où est mon espérance ? L’espérance a un lieu, elle repose en un endroit
– l’espérance est quelque chose de localisé.
Cet aspect géographique de l’espérance
– qui du coup est une idée liée à un lieu
– m’a fait pensé au très beau poème d’Andrée Chedid intitulé très sobrement l’espérance :
« J’ai ancré l’espérance, Aux racines de la vie
Face aux ténèbres, J’ai dressé des clartés,
Planté des flambeaux A la lisière des nuits
Des clartés qui persistent Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries – Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent Sans jamais dépérir
J’enracine l’espérance Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance En son esprit frondeur. » (Andrée Chedid)
Où est mon espérance ? Demande Job :
L’espérance a un lieu. Pour la poétesse Andrée Chedid : « L’espérance est enracinée, elle est plantée
– le poème que j’ai lu donne l’impression de la plantation d’une haie de lumière pour faire front aux ténèbres, Une haie faite de clarté et de flambeaux
– comme d’autres sont faites de cyprès ou de thuya
– Et cette haie trace une limite aux ombres et à la barbarie
– Lisière des nuits !
L’espérance est un lieu frontière, un lieu de résistance de la vie – d’ou l’esprit frondeur : Nous avons là, quelque chose de localisé et d’enraciner pour faire front, pour s’opposer à une menace. « Où donc est passée mon espérance ? »
Cette question de Job dit d’abord un lieu de l’espérance
– un où
– Et ce qu’elle dit aussi, deuxième caractéristique de l’espérance pour Job, c’est que Job ne se pose pas la question de savoir « où donc est passée l’espérance ? » c’est une des différences à souligner d’avec Andrée Chedid qui parle de l’espérance en général, comme une belle idée. Job lui, parle lui de son espérance : « Où donc est passée mon espérance ? »
Le possessif est ici à entendre.
– Entendre que Job ne fait ici ni poésie ni philosophie
– il ne parle pas de l’espérance en général ou comme d’une idée abstraite
– Job parle de son espérance.
Cet homme qui a perdu son bétail, ses fils, puis sa santé avec une lèpre terrible, cet homme atteint dans sa famille, dans son corps, dans ses biens – cherche encore son espérance
– la sienne ! Alors qu’il n’a plus rien à lui, c’est le sens même de l’épreuve de l’Adversaire, telle qu’elle est dite dans les premiers chapitres du livre
– Job est dépossédé de tout ce qui est à lui : Bétail, enfants, santé : il n’a plus rien. Il n’est même presque plus rien…Et pourtant il cherche encore le lieu de son espérance.
–Ce possessif « mon espérance » dit je crois : l’audace de Job face à ses amis qui le prennent en pitié et qui l’accablent de leur bienveillance un peu dégoulinante.
Ses amis qui voudraient, sans doute avec beaucoup d’amour, qu’il voit le côté positif de ce qui lui arrive, alors que Job lui veut faire front, il veut faire face. Il veut non pas nier le malheur mais l’affronter et se confronter à lui avec son espérance. Il le dira avec force dans quelques versets :
« Je sais bien, moi, que mon rédempteur est vivant ». C’est L’audace de Job : où donc est passée mon espérance ?
Dans une de ses méditations le pasteur Charles Wagner écrivait :
« L’homme de foi, lui aussi, voit le chaos, l’injustice de la vie, l’impassible brutalité des lois naturelles. Mais il ne se résigne pas à la sentence de la fatalité aveugle. Les vestiges de l’esprit qu’il sent en lui, l’empêchent de s’abandonner et de se soumettre. S’il est plongé dans la nuit, assailli par la tourmente, la boussole l’empêche de se désorienter. Il n’admet pas que la cause soit jugée et reste sans appel. Sous le coup qui l’assomme et semble péremptoire, il dit je maintiendrai ».
Et le pasteur Wagner poursuit en disant : (au fond, la foi c’est l’audace poussée à l’infini : « notre Foi, c’est la victoire qui a vaincu le monde » (L’homme est une espérance de Dieu.)
OUI, La foi c’est l’audace poussée à l’infini, c’est la victoire qui a vaincu le monde, c’est l’espérance qui trace une limite aux ténèbres, au malheur, telle un rempart de lumière. Je maintiendrai, quoi qu’il arrive !!!
A la suite de la nuit des veilleurs de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, ce texte vient bien entendu comme une très belle orientation !
La Nuit des Veilleurs est une invitation qui revient chaque année pour nous éveiller ou nous réveiller. Ne pas ignorer la souffrance de l’autre et pour lui montrer que nous sommes fraternellement auprès de lui ou auprès d’elle. « La veille » exprime alors la solidarité face au malheur.
C’est donc est une démonstration, une manifestation d’espérance que nous donnons à voir, les uns pour les autres – chacun, balbutiant son espérance avec le peu d’audace qu’il peut avoir pour en témoigner. Ce texte vient également comme une lumière posée sur ce que nous venons tous de vivre !
Ce temps de confinement qui nous a été imposé, cette mise sous silence de la Parole, que toutes les églises ont bravement acceptée, la confrontation à l’instrumentalisation de la peur, à laquelle nous avons été confrontés dans un discours politico-médiatique.
Nous avons accepté que les églises, les temples, les écoles, etc.….soient fermés, mais que les supermarchés restent ouvert… !
Soumis au discours de peur, rythmé quotidiennement par la liturgie de l’annonce du nombre de morts, de contaminés, d’hospitalisés, en réanimation, macabre dénombrement résonnant comme une sentence sans aucune espérance.
Il faut résister à ce discours là. Il faut faire rempart aux ténèbres – Peu importe le charnier ou la vermine pour reprendre les mots de Job – La foi, audace poussée à l’infini, victoire qui a vaincu le monde, nous invite à ne pas laisser le dernier mot aux discours de peur et de fatalisme.
Notre espérance trace encore une limite aux ténèbres, au malheur, telle un rempart de lumière – Nous maintiendrons, encore, peu importe l’absence de vaccin : être vivant ce n’est pas être en bonne santé. Job sous la lèpre nous le rappelle. Etre vivant c’est être confiant dans les promesses de Dieu.
« Ne crains rien, crois seulement »
– « ta foi t’a sauvé »
– « le juste vivra par la foi » : toutes ces paroles ont-elles résonné pour rien dans la bouche du Christ ???…
Soyons clairs, je ne viens pas par là contester les gestes protecteurs qu’il faut tenir pour maintenir l’épidémie sous contrôle, mais quand même, Frères et Sœurs, quand même où est donc passée notre espérance ?
La bonne nouvelle nous interpelle pour éviter de nous enfermer dans la psychose et sous l’angoisse, pour ne pas cesser de vivre:
– pour nous ouvrir encore aux frères et aux sœurs, pour nous ouvrir encore à demain, pour nous ouvrir encore à la vie.
– ne pas avoir peur : L’avenir n’est pas sombre : il est entre les mains de Dieu ! Nous pouvons avoir l’audace de la confiance, risquer la foi, remettre nos vies sous les promesses de Dieu et oser aimer, encore et encore.
Au Christ crucifié seul soit la gloire. Il est vainqueur.
Amen.