Des formules chocs pour la Bonne Nouvelle

Culte du dimanche 26 juillet 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : Romains 8,28-39

Chers amis,

L’une des caractéristiques de la lettre que l’apôtre Paul a rédigé à l’intention des chrétiens de Rome est que la qualité de son argumentation théologique met en valeur les compétences oratoires de son auteur. On peut supposer que Paul a non seulement pris du temps pour construire l’exposé de ses idées, mais qu’il a aussi « testé », peut-être en prêchant dans d’autres communautés, plusieurs expressions et formules qu’il met alors par écrit. Parfois, les questions des croyants du premier siècle, et la perspective que l’apôtre emploie pour y répondre, nous demandent un effort d’attention. Avant le texte que nous avons entendu, l’apôtre a développé sa compréhension des notions de Loi et de péché à la lumière de la Bonne Nouvelle qu’il a reçu quand il a découvert le Christ. Avec le chapitre 8, l’exposé se poursuit en abordant la vie selon l’Esprit de Dieu.

En tous cas, dans le passage que nous avons entendu, Paul accumule les « formules chocs » et les figures de style. Cela rend cet extrait particulièrement adapté à la lecture orale, mais aussi à la mémorisation. C’est ainsi qu’au moins trois des phrases qu’il rédige dans cette douzaine de versets sont très connues de nombreux croyants. Il nous arrive d’ailleurs de les reprendre pour réconforter et rendre l’espoir à celles et ceux qui traversent des épreuves. Mais nous allons voir qu’il vaut peut-être mieux utiliser de telles expressions en respectant la dynamique d’ensemble de l’argumentation de l’apôtre. Faute de quoi, sorties de leurs contextes, ces phrases peuvent aggraver une situation de souffrance au lieu d’être porteuses de la Bonne Nouvelle.

Première formule mémorable : « Nous savons que toutes choses contribuent au bien de ceux et celles qui aiment Dieu. » (28). Si nous citons ce verset à un croyant qui souffre, que voulons-nous lui dire ? Nous souhaitons probablement l’encourager à tenir bon dans l’épreuve, à garder espoir que le mal subi aujourd’hui soit ensuite transformé en bien. Mais je crains que le résultat d’une telle phrase, hors contexte, soit problématique. Car elle pourrait suggérer que la souffrance présente, qu’elle soit physique, psychique, matérielle ou relationnelle, que cette souffrance fait partie du plan de Dieu, que Dieu a besoin de cette souffrance aujourd’hui pour que demain naisse du bien. Peut-on aimer et se confier en un tel Dieu ? Ce verset qui se veut consolateur peut accroître le mal de la victime en minimisant la violence de ce qu’elle subit. Tu es atteint d’une grave maladie ? Tu es agressé par un autre être humain ? Sache que Dieu transformera cela en bien. Sous-entendu : ce n’est pas si grave, et même, ne te plains pas, ou encore, pourquoi n’es-tu pas capable de surmonter cette souffrance grâce à ta foi ? Oui, un tel verset, hors contexte, peut augmenter un mal qui est probablement déjà insupportable. Ce verset peut être comparé à cet axiome de la philosophie grecque antique selon laquelle « ce qui ne te tue pas te rend plus fort. » Après avoir traversé l’épreuve, nous pouvons nous retrouver bien plus fragiles qu’avant, avec moins de ressources pour faire face à un nouvel événement. Alors que faire de cette phrase ? Poursuivons notre parcours dans l’argumentation de Paul pour articuler cette affirmation avec la vraie Bonne Nouvelle.

L’apôtre explique alors que Dieu a choisi d’avance des hommes et des femmes pour qu’ils et elles soient les frères et sœurs de Jésus, qu’ils et elles soient appelés, puis justifiés, et glorifiés. A priori, nous pourrions ne pas aimer cette idée de décision préalable concernant notre salut. Oui, nous préférerions que ce soit nos bonnes œuvres envers les autres ou envers Dieu qui déterminent l’amour de Dieu à notre égard. Nous préférerions mériter de nous approcher de Dieu. Mais le Christ n’a pas arrêté de montrer que Dieu nous accorde sa grâce et sa paix, sa réconciliation et son amour, tout cela indépendamment de notre passé. Soyons honnêtes, si cela dépendait de nos gestes, de nos actes, de nos pensées, il n’y aurait pas de Bonne Nouvelle, car nous serions trop souvent dans l’échec. En fait, cette décision avant que nous naissions est à notre bénéfice, pour notre joie.

Deuxième formule-choc, « si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (31b), une autre phrase qui peut devenir problématique si elle est sortie de son contexte. Elle constitue une terrible tentation dans un conflit ; en effet, chacun va vouloir dire qu’il est du côté de Dieu et donc que Dieu est avec lui ; et cela, afin de rejeter la partie adverse du côté des ennemis de Dieu, des indignes, des êtres destinés à disparaître. Paul a-t-il vraiment voulu dire cela ? Je pense plutôt que l’apôtre veut réconforter ceux qui traversent des épreuves, ceux qui sont accusés à cause de leur foi, ceux qui désespèrent de leur témoignage face à des autorités religieuses ou civiles menaçantes. Cette formule invite les chrétiens à se souvenir de ce qui est le plus précieux pour eux : la relation avec Dieu.

Arrive alors, en complément, et elle est répétée, la troisième et dernière phrase que beaucoup connaissent par cœur : « Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. » (38,39). Oui, l’amour et la justice de Dieu sont plus solides que toutes les pressions que peuvent exercer les forces du monde, les forces du mal. L’expression que Paul utilise constitue l’une des phrases qui résume le mieux le message principal du Nouveau Testament et de la Bible dans son entièreté. Cette dernière formule constitue peut-être bien l’objectif de l’argumentation qui précède. Dans la souffrance, se rappeler que Dieu est présent et qu’il nous aime. Face à des adversaires, face au mal, se rappeler que le Christ a été accusé et condamné alors qu’innocent, qu’il a été torturé, supplicié, abandonné de beaucoup de ses amis. Il sait donc ce que souffrir veut dire, il peut donc nous accompagner dans les passages les plus affreux de nos existences. Et si Jésus peut nous tenir la main dans ces traversées, c’est bien que rien ne peut nous séparer de l’amour de celui qui nous a donné la vie et nous veut du bien. C’est par le Christ que nous pouvons ressentir cet amour infini et d’une fidélité absolue de Dieu à notre égard. Oui, cet amour, c’est le bien qui résiste au mal qui nous oppresse, c’est l’allié qui survivra aux pires des combats, c’est la vraie Bonne Nouvelle susceptible de nous réconforter. Amen.

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