Culte du dimanche 19 juillet 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Matthieu 13,24-30 et 36-43
N’est-il pas difficile de résister à l’envie pressante d’arracher les mauvaises herbes qui apparaissent dans votre jardin ? Oui, même moi, qui ne suis qu’un jardinier débutant, à peine un jardinier du dimanche, j’ai envie que le bout de terre que j’entretiens fasse pousser ce que j’ai planté, peut-être qu’il me réserve quelques bonnes surprises, mais surtout qu’il reste propre, sans espèces parasites.
Dans la parabole que raconte Jésus, et qu’il explique ensuite à ses disciples, le Fils de l’homme arrête le geste de ses serviteurs : non, n’arrachez pas la mauvaise herbe, de peur d’arracher aussi la bonne semence qui doit encore fructifier. En fait, il y a deux gestes que Jésus interrompt ici. D’abord, dans la parabole même, cette volonté de faire place nette, de trier tout de suite, de rejeter ce qui n’a pas été voulu. Ensuite, et cela concerne la partie « explicative », c’est de nous prendre pour les serviteurs ou les moissonneurs. Jésus précise que les moissonneurs sont en fait les anges, ou les messagers, les envoyés. A d’autres moments dans le Nouveau Testament, les croyants sont comparés à des moissonneurs. Ce n’est pas le cas ici, ni dans la parabole du semeur et des graines qui tombent sur différents terrains, que Jésus raconte au début de ce même chapitre 13. Dans la parabole du semeur, comme dans celle de l’ivraie, que nous écoutons ce matin, les êtres humains sont plutôt la terre et ce qu’elle peut produire avec de la semence. Ces petites images décrivent un monde tel que nous le connaissons, constitués d’éléments sains, féconds et nourrissants, mais aussi d’autres fruits, parasites, inutiles voire nocifs.
La parabole ne décrit pas seulement notre monde, ni le Royaume que nous espérons. Avec l’explication de Jésus, nous sommes mis en garde : ne nous précipitons pas pour arracher le mal que nous discernons de peur de faire mourir du bien que nous ne voyons pas, ne prenons pas la place des moissonneurs, d’ailleurs l’heure de la moisson n’a pas encore sonnée.
Dans leur très grande majorité, celle de ce matin constituant une exception, les paraboles racontées par Jésus et rapportées par les évangiles ne sont pas suivies d’un manuel pour « bien » les interpréter. Ce n’est probablement pas un oubli, mais plutôt une invitation ouverte à questionner nos certitudes ou nos habitudes de pensée. Je crois fermement que l’on peut interpréter différemment les paraboles sans être dans l’erreur ; je crois que ce type de petites histoires, et ce qu’elles décrivent, bien souvent le Royaume de Dieu, ne peuvent rester enfermées dans un seul schéma d’explications. Je pense que les paraboles sont en fait comme le champ dans lequel le Fils de l’Homme est venu semer ; nos compréhensions de ces paraboles sont les fruits de cette semence, la plupart sont vivants et féconds, d’autres sont vains voire dangereux, mais gardons-nous de juger nous-mêmes, gardons-nous de juger maintenant ce qui doit rester et ce qui doit être arraché, car ce n’est ni le moment, ni notre rôle !
Au début du texte, il est écrit que Jésus propose une parabole. J’aime ce verbe, cette proposition, cette invitation, cette ouverture, sans contrainte. Quand ses disciples le questionnent, Jésus donne une réponse, que nous pourrions croire comme la seule possible. C’est celle selon laquelle le champ serait le monde, et finalement, dans ce champ, pousseraient côte à côte la bonne semence et la mauvaise herbe, qui seront triées au moment de la récolte. Jésus parle des « fils du Royaume » et des « fils du diable », finalement comme si nous étions, nous, chacun une de ces herbes, bonne ou mauvaise. Cette interprétation me trouble, car elle est un peu manichéenne, binaire. Ma vie est plus à l’image du champ entier que d’une seule de ses plantes ou herbes ! Ma vie est comme le monde, avec des bons fruits et des éléments mauvais. Comment faire la part des choses ? Dans tous les cas, nous voudrions que puissent encore fructifier ce qui est beau, bon et bien. Pour cela, peut-être faut-il accepter la coexistence d’éléments moins beaux, moins bons, peut-être faut-il accepter de patienter pour que la moisson soit encore meilleure…
Quand nous sommes tentés d’évaluer la vie et peut-être la foi de ceux qui sont autour de nous, quand nous sentons monter en nous l’empressement du jardinier méticuleux découvrant des mauvaises herbes sur son terrain, rappelons-nous qu’une telle logique nous conduit, en toute honnêteté, à devoir examiner également les fruits de nos gestes, de nos paroles, et même de nos pensées. Soudainement, le désherbage nous apparaît moins urgent ou en tous cas infiniment plus délicat. Avec un vocabulaire plus religieux, plus théologique, nous pouvons réfléchir à la notion de purification. Notre mission n’est pas de purifier le monde en détruisant, chez l’autre, ce qui nous semble impur. Essayons plutôt de faire fructifier la bonne semence que le Christ a jeté et que l’Esprit a fait germer en chacun de nous. Que ces fruits soient abondants, nourrissants pour le monde. Quand ils viendront, les anges du Fils de l’homme opéreront le tri, au plus près ; ils « arracheront de son royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ». Nous, nous avons été justifiés par le Christ ; et à l’heure de la moisson, nos vies seront celles de justes devant Dieu, seuls subsisteront nos bons fruits. Jésus nous promet que nous serons transfigurés, revêtus de lumière : « les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. » Amen.