De la souffrance au bonheur, par la grâce

Culte du dimanche 17 mai 2020
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Texte biblique : 1 Pierre 3,10-18

Chers amis,

Voulez-vous « aimer la vie » ? La formule est étonnante… et d’ailleurs, elle ne se retrouve pas telle quelle dans le texte que nous avons entendu. Mais elle est suggérée, tant par Pierre que par le Psaume 34, dont il cite quelques versets. En effet, quand il est question de l’attitude à adopter pour « celui qui aspire à aimer la vie et à connaître des jours heureux », cela sous-entend que d’autres ne partageraient pas de tels désirs. Mais on comprend alors que personne ne peut véritablement rechercher une vie désagréable, détestable même, que personne ne peut préférer le malheur au bonheur. On comprend alors que tant le psalmiste que l’apôtre convoquent ici, discrètement, l’humanité toute entière, rassemblée derrière la quête d’un certain bonheur. Cette unité inattendue prend de l’importance, car les conseils qui vont suivre vont donc s’adresser à tous, quelle que soit leur situation, ils vont être destinés aux hommes et aux femmes, aux adultes et aux enfants, aux faibles et aux forts, aux pauvres et aux riches, aux bien-portants comme aux souffrants. Oui, le Psaume puis l’apôtre dessinent un chemin du bonheur pour tous.

Ceci dit, l’itinéraire en question semble additionner des sentences consensuelles de morale très banales. Pourtant, il n’est pas question d’un comportement théorique, dont l’on discuterait tranquillement entre sages dans un cadre confortable. Non, Pierre écrit sa lettre à des chrétiens qui doivent faire face à une forte hostilité de leurs contemporains, ils sont victimes de calomnies et de persécutions. Réécoutons le début du verset 14 : « Même si vous aviez à souffrir parce que vous faites ce qui est juste, vous êtes heureux ! » Oui, nous voilà devant ces apparents paradoxes caractéristiques des Béatitudes !

Juste avant, l’apôtre semblait interroger les croyants : « Qui vous fera du mal si vous êtes pleins de zèle pour le bien ? » Mais cette question qui relève plutôt de la rhétorique ouvre néanmoins une nouvelle distinction : d’un côté, un monde dans lequel les injustices existent, les chrétiens notamment en sont victimes, et d’un autre côté, un monde dans lequel la justice sans défaut est rendue. Les enjeux, en effet, semblent juridiques. Il est question de rendre compte, de se défendre. Si le Seigneur est le seul juge vraiment juste, l’être humain dans le monde ne peut pas échapper à une multitude de procès plus ou moins formels, d’accusations plus ou moins explicites, de condamnations plus ou moins légitimes…

En effet, individuellement et collectivement, nous évaluons et jaugeons les individus, nous jugeons sans cesse nos semblables. Qui est digne de faire partie de tel ensemble, qui mérite d’être aidé, qui est le plus apte à exercer telle fonction, qui est le plus aimable… Les critères sont innombrables, et souvent relatifs et discutables. On est rarement conscient à quel point les conséquences pour chacun sont importantes. Ce n’est pas par hasard qu’une telle mise en garde est faite au sujet des médisances.

Au premier siècle, confesser le Christ expose aussi à de nombreux examens et procès, souvent menés à charge. La conversion au christianisme, comme toute conversion, comprend bien souvent le rejet d’une appartenance religieuse et d’une identité sociale donnée pour en adopter d’autres. Un tel changement dans les loyautés suscite logiquement des réactions, de l’incompréhension, de l’hostilité. C’est en ayant à l’esprit ce contexte que Pierre demande à ses interlocuteurs de faire de leur mieux pour défendre l’espérance qui est la leur.

Bien sûr, hier comme aujourd’hui, il est recommandé aux chrétiens de vivre selon les principes qu’ils prêchent : la cohérence et la logique sont des composantes pour qu’un témoignage soit possible, crédible, fécond. Et ces principes, ce sont ceux de l’amour, ceux de l’évitement du mal, ceux donc de la douceur et du respect de l’autre. C’est une non-violence à l’image du comportement de Jésus pendant la Semaine Sainte. Éviter de faire le mal, ce n’est déjà pas toujours facile, mais nous pourrions alors être tentés de rester inactifs, neutres, de prendre le moins de risques possibles. Or l’appel est plus exigeant : il s’agit de « faire le bien », même si cela ne nous préserve pas de la souffrance. Ce n’est pas la première fois que cette épître de Pierre nous rappelle que notre foi ne nous protège ni des douleurs, ni des adversités ; mais ici, nous sommes appelés à ne pas être à l’origine de la souffrance ou du mal subi par notre prochain.

Oui, nous avons des adversaires, oui, nous devons défendre l’espérance qui est la nôtre, mais non, nous ne pouvons pas, pour cela, recourir aux armes si faciles de la violence, de la haine ou du mépris. Nos armes, ce sont notre cohérence entre nos vies et nos discours, et surtout, cet amour fraternel qui doit aussi être dirigé vers nos ennemis. Jésus lui-même nous interpelle : « Aimez vos ennemis ! » Comme celles du Christ, nos armes peuvent ne pas suffire aux yeux du monde, nous pouvons être blessés ou mourir. Mais comme le Christ aussi, l’Esprit nous rend à la vie devant Dieu mais aussi devant nos frères et nos sœurs en humanité.

Nous pourrions donc résumer l’exhortation principale de ce passage en quelques mots. Dans nos difficultés, nos épreuves, nos détresses, cédons-nous à la facilité de nos moyens humains ou demandons-nous à Dieu de nous aider à nous défendre avec l’amour qu’il nous donne ? Nous ne pouvons pas témoigner seuls de ce qui nous fait vivre, nous avons besoin de l’Esprit pour cela. Essayons donc, aussi souvent que possible, de prier pour faire les bons choix. Essayons donc de temporiser, avant de réagir. Non pas pour accepter le mal, mais pour lui résister par le bien.

Recherchons la paix, laissons-nous conduire par l’amour qui nous fait vivre. Saisissons bien, frères et sœurs, ce qui est en jeu. Ces passages de l’apôtre Pierre ne sont pas de simples injonctions morales, qu’il faudrait essayer d’appliquer parce que l’on est chrétien. Ces efforts de recherche de la paix et de la sainteté nous ouvrent certainement à être heureux devant Dieu ; mais ils sont aussi des itinéraires de fraternité avec toutes celles et tous ceux avec lesquels nous cheminons sur cette terre. Le bonheur n’est pas synonyme d’une vie sans souffrance ou sans mal. Le bonheur, c’est une grâce reçue et une grâce que nous partageons, avec l’aide de Dieu. Amen.

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