Culte du dimanche 15 janvier 2023 (culte commun avec l’Église évangélique libre d’Annonay)
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Jean 1,29-34
Culte du dimanche 15 janvier 2023 (culte commun avec l’Église évangélique libre d’Annonay)
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Jean 1,29-34
C’est une joie d’avoir cette habitude, chaque mi-janvier, de ce culte commun. Nous en avons parfois aussi d’autres pendant l’été ou à la Maison de retraite… Finalement, nous faisons connaissance les uns avec les autres, et, au bout de quelques années, nos visages sont familiers, que nous nous voyons tous les dimanches ou de façon plus espacée… mais ce sont des visages connus. « Il aurait été bien d’avoir des badges ou des étiquettes avec nos noms ! ».
Voici l’une des remarques échangées hier après-midi, au terme d’une journée proposée aux membres présents ou à venir des Conseils presbytéraux des églises réformées de la région. Cette journée se déroulait simultanément dans dix lieux. A Portes-les-Valence, nous étions plus de cinquante, d’une quinzaine de paroisses locales de Drôme et d’Ardèche, pour ce temps d’échanges et de formation.
Comme ce que je viens de dire au sujet de nos deux communautés qui se connaissent, pour les pasteurs qui sont sur le secteur depuis quelques années, la plupart des cinquante participants réunis hier à Portes-les-Valence étaient connus, au moins de visage. Par contre, pour celles et ceux qui viennent juste d’avoir accepté de découvrir le fonctionnement des instances de notre église, en revanche, cela faisait beaucoup de monde à identifier et à situer.
Vous le savez, dans ce genre d’exercice, certains sont très performants pour associer à un visage, un nom et bien davantage, et ce, dès la première présentation. D’autres, dont je suis, reconnaissent bien les visages déjà rencontrés, mais éprouvent des difficultés à se souvenir du nom de la personne… Nos mémoires ne fonctionnent en effet pas toutes de la même façon, pas toutes avec les mêmes mécanismes. Parfois, même après avoir fait connaissance, il peut être rassurant d’avoir une aide pour nous rappeler qui est qui. Nous ne voulons pas donner l’impression que nous n’accordons pas d’importance à la relation. Le développement de la technique est tel que je suppose que dans quelques années, nos smartphones ou leurs successeurs, avec les outils de reconnaissance faciale, pourront nous souffler le nom ou le prénom de la personne qui se trouve en face de nous. Je ne suis pas sûr que de telles béquilles soient réellement un progrès pour nos relations humaines, mais nous verrons. Avant cela, certains déploient des trésors d’imagination pour éviter d’être embarrassés en se trompant de nom ou de devoir redemander pour la énième fois le nom de leur interlocuteur. J’ai lu quelque part que l’une de ces astuces consiste à venir accompagné de quelqu’un que les autres invités ne connaissent pas : on profite alors des présentations de chacun pour rafraîchir sa mémoire ! Mais une telle ruse ne peut fonctionner que de façon anecdotique dans des contextes limités.
Présentation. Se présenter. Cela évoque une première rencontre, un commencement. Dans la Bible, il y a plusieurs commencements. Ceux de la Genèse, bien sûr, avec les deux récits que nous avons récemment relus lors de nos partages de la Parole. Mais il y a aussi un commencement, au tout début de l’évangile de Jean. Là, il est question de Verbe, de Parole, et je ne vais pas reprendre l’ensemble de ces 18 versets que nous appelons le Prologue. Néanmoins, cette première partie a été rédigée pour les lecteurs, bien après le ministère terrestre du Christ. Quand l’évangéliste Jean fait s’ouvrir son récit, après son prologue, il met en scène une séquence de quatre journées, durant lesquels il y a un véritable passage de témoin, jusqu’à ce qu’une bonne demi-douzaine d’hommes se mettent à suivre Jésus.
Le texte proposé pour aujourd’hui concerne la deuxième de ces quatre journées. Auparavant, Jean le Baptiste avait dialogué avec des responsables religieux qui voulaient savoir qui il était ; était-il le Christ, le Messie attendu ? Celui qui administrait un baptême de purification et de conversion leur avait répondu qu’il était celui qui précédait le Messie, et que ce dernier était déjà « au milieu » de ceux qui étaient présents.
Le jour suivant donc, nous ne savons pas exactement qui entoure Jean, mais pour la première fois dans ce quatrième évangile, l’homme Jésus apparaît, ou, plus exactement, il « vient à Jean. » Oui, le premier verbe décrivant ce que fait Jésus est celui-ci : il vient. C’est court par rapport à nos récits de la Nativité, et pourtant, cela suffit, tout est dit. Dans le passage, Jésus ne prononce pas un seul mot. S’il s’avance donc vers Jean, tant le contexte que les autres évangiles nous permettent de comprendre qu’il vient se faire baptiser. Mais l’évangéliste ne juge pas utile de nous décrire le baptême. Ce qui compte encore, peut-être surtout, ce sont les paroles que prononce Jean. Ce jour-là, il précise que sa mission est à l’égard du peuple d’Israël. Nous garderons cela à l’esprit, car ce que va dire Jean s’insère dans les compréhensions juives de ce qui a pu se jouer à cette occasion.
Jean qualifie Jésus d’ « agneau de Dieu. » En quelque sorte, Jean présente cet homme qui se tient devant lui. Il le présente, et ce matin, nous allons nous intéresser tant à ce qui est dit de Jésus qu’à la façon dont ces « étiquettes » sont apposées. Jésus, comme chacun de nous, ne pourra jamais être résumé à une étiquette, ni même à un nom ou à ses qualificatifs, qui, vous le savez, sont multiples. Des livres entiers ne peuvent suffire : le Seigneur est au-delà de tout ce que nous pouvons dire sur lui. Mais nos mots ont cependant leur utilité. Quelles expressions, quels mots sont ici employés, et pour commencer le premier qui est placé dans la bouche de Jean-Baptiste, celui d’agneau ?
Vous le savez, l’agneau est l’un des animaux les plus vulnérables, car il ne dispose d’aucun moyen de défense, et il n’est pas non plus capable de fuir avec une vitesse significative. Parler d’agneau, cela place immédiatement dans le registre de la non-puissance, à distinguer de l’impuissance. La non-puissance, c’est pouvoir faire et faire le choix de ne pas exercer cette puissance. L’agneau est donc loin de l’image de force du lion, du cheval, de l’aigle, tant d’animaux mentionnés dans le Premier Testament… Mais l’agneau, c’est aussi dans le Premier Testament cet animal symbole de la sortie d’Égypte. Les linteaux de porte des Hébreux badigeonnées de sang de l’agneau pour que la mort ne frappe pas les premiers-nés des Israélites. Le repas pris avant de prendre la route de la liberté comprenait de la viande d’agneau. Et puis il a été institué que pour se souvenir de cette libération décisive, à chaque Pâque, de la viande d’agneau est consommée. L’agneau est donc libérateur, délivreur du peuple de Dieu. Enfin, l’agneau fait partie des animaux qui peuvent être employés pour des sacrifices, plus spécifiquement les « holocaustes », pour faire plaisir à Dieu, pour louer le Seigneur, plutôt que pour demander pardon.
Jean précise que Jésus est l’agneau qui « enlève le péché du monde. » C’est une expression forte et qui n’est pas développée. Je le disais, Jean pratiquait un baptême symbole de conversion et d’une certaine purification, mais rien n’indique en quoi le baptême que Jésus a pu recevoir pourrait faire disparaître le péché, tout ce qui éloigne les humains de Dieu… Bien sûr, quand nous connaissons la suite, le « sang » de l’agneau prend du sens, mais à ce moment-là de l’évangile, l’affirmation est « gratuite. » Continuant à présenter Jésus, le Baptiste reprend des paroles qu’il avait prononcées auparavant, plaçant Jésus « après » et « au-dessus » de son ministère.
Il a ensuite une phrase étonnante : « Je ne le connaissais pas. » Si vous vous rappelez l’évangile de Luc, vous savez que Jésus et Jean étaient cousins. Jean le Baptiste suggère peut-être que ce qu’il connaissait de Jésus de Nazareth n’est pas du même ordre de ce qu’il connaît de ce Jésus qui vient. Il lui a été donné de comprendre, et il va nous dire comment, que le Jésus qui se présente alors devant lui est bien au-delà de ce que nous pouvons connaître humainement de lui, bien au-delà de l’étiquette « Jésus de Nazareth ».
Car oui, Jean a eu une vision. Probablement alors qu’il baptisait Jésus, comme dans les autres évangiles, mais avec deux petites nuances. La première, c’est que l’Esprit est descendu et est demeuré avec Jésus. Dans l’évangile de Jean, le verbe « demeurer » est fondamental. Il nous est demandé à de nombreuses reprises de « demeurer unis » avec le Christ… Le baptême d’Esprit saint reçu par Jésus n’est pas un événement éphémère, ponctuel, sans durée ; au contraire, Jésus est en permanence porté et ressourcé par l’Esprit. Deuxième distinction entre la vision de Jean et les récits du baptême chez les autres évangélistes: les paroles entendues. Jean comprend que Jésus est le Fils de Dieu mais cela n’a pas été dit par Dieu ; ce que Dieu a dit est que Jean reconnaîtra celui qui baptise dans l’Esprit : c’est celui sur lequel l’Esprit sera descendu et demeurera.
Jean, en effet, n’aurait pas connu vraiment Jésus, le Messie, si Dieu ne lui avait pas accordé une révélation sous la forme d’une vision et de paroles. Dès lors, la mission de Jean est de rendre témoignage pour que le peuple d’Israël, lui aussi, discerne en Jésus l’agneau libérateur. Nous nous souvenons souvent, et d’ailleurs c’est comme cela que nous l’appelons, de la mission de Jean, comme étant de donner le baptême. Mais dans l’évangile de Jean, ce qui nous est dit de la mission de Jean est de rendre témoignage pour que le peuple d’Israël connaisse le Messie.
Deux mots sur la colombe, qui rend visible l’Esprit, dans la vision que Jean a eu et dont il nous fait part. Dans la Genèse, cet oiseau est le symbole de la Création nouvelle après le Déluge. C’est aussi un animal prévu pour les sacrifices dans le judaïsme, y compris pour la purification et l’expiation, en particulier pour les personnes avec peu de moyens. La colombe est donc pour que même le pauvre puisse être réconcilié avec Dieu. L’Esprit, finalement, n’est-il pas aussi comme un facilitateur, celui qui nous rend accessible le Seigneur ?
Quel programme, donc, en ces quelques versets ! C’est un condensé de théologie chrétienne, avec des éléments qui permettront plus tard de formuler la Trinité. Ici, nous avons un Dieu qui parle, qui se fait proche en Jésus, qui se donne à voir et à ressentir par l’Esprit…. Nous avons un Sauveur qui vient, caractérisé par son refus d’employer la puissance, par sa mission de libération ultime. Il enlève le péché du monde, pas une partie ! En parallèle, l’être humain n’a finalement qu’à être disponible à la révélation. De son côté, alors même que c’est l’un des éléments centraux de son ministère, Jean est conscient que le baptême est secondaire. Lui, le dernier prophète, qui n’a pas été un disciple de Jésus, contribue au plan de Dieu par son témoignage. Ce témoignage ne consiste pas à convertir les autres, car c’est Dieu qui se dévoile. Son témoignage consiste à parler du Christ, pour donner du sens à une expérience particulière, extraordinaire. Dans les versets suivants, certains des disciples de Jean vont se mettre à la suite du Christ, librement, sans que Jean ne leur ait donné d’ordre, il s’est contenté de leur dire : « voici l’agneau ». Ce dernier va les inviter à venir et à voir la vie qu’il propose. Ils resteront et d’autres les rejoindront. Et l’histoire se poursuit… Jean passe alors à l’arrière-plan, comme il l’avait annoncé.
En ce qui nous concerne, nous arrivons bien après Jésus, et peut-être que pour certains d’entre nous, notre mission n’est pas fondamentalement différente de celle de Jean Baptiste. Certains sont peut-être appelés à composer des Psaumes, d’autres à accompagner des gens d’une certaine façon ; en tous cas, la priorité n’est probablement plus de faire connaître le Christ au peuple d’Israël. Celles et ceux qui sont autour de nous peuvent avoir besoin que nous leur présentions, dans un langage et avec des images qui leur soient accessibles et qui correspondent à leurs univers de pensée, qui est celui que nous suivons, qui est venu à notre rencontre, et qui nous a envoyé.
Parler du Christ, le montrer présent dans nos vies, cela donne à nos interlocuteurs des éléments pour réfléchir et décider des suites qu’ils vont donner à nos paroles. C’est par exemple l’objectif d’une catéchèse qui respecte la liberté de conscience, qu’elle soit pour des enfants ou des adultes. Nous n’avons pas à multiplier nos efforts pour que des connaissances intellectuelles soient apprises et récitées, comme cela se faisait au temps de la Réforme, où l’on croyait qu’apprendre des questions et des réponses indiquait si l’on était un bon croyant. On se rend compte que c’est un peu plus complexe que cela. Comme la suite de l’évangile de Jean nous l’indique, nous pouvons aujourd’hui espérer que notre témoignage orientera quelques personnes vers le Christ, qu’elles le suivront en cherchant à en savoir davantage, au point de devenir des disciples. Oui, c’est notre espérance. Quand nous comprenons les choses ainsi, nous n’avons pas à tenir une comptabilité des âmes que nous aurions gagné à Christ, mais, plus modestement peut-être, à signaler la présence et la proximité du Sauveur. Nous avons même à chercher à imiter la mise en retrait de Jean Baptiste, pour que nous ne soyons pas tentés de flatter notre ego ou de faire valoir nos mérites de « bons » disciples devant Dieu ou devant nos frères et sœurs.
Il s’agit en fait de chercher toujours à placer le Christ au centre. Dans quelques jours s’ouvrira la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Une occasion encore pour nous rappeler ce que nous avons en commun, ce qui nous unit, et de montrer l’unité possible, au-delà des étiquettes humaines, une unité en Christ. Au-delà de l’œcuménisme, car cela concerne tous les aspects de notre vie, n’oublions pas que présenter le Christ, l’agneau de Dieu, ne doit pas constituer. un fardeau. Elle doit demeurer la conséquence d’une révélation, elle doit demeurer une source de liberté, pour les autres comme pour nous. C’est là l’essentiel. Amen.