Histoire

Une découverte extraordinaire !
Fin 2016, des membres de l’atelier d’histoire et de généalogie de l’Association culturelle et de loisirs de Roiffieux (ARAM) sont autorisés par la famille Du Peloux à inventorier leurs archives privées. Surprise ! Au fond d’une malle, dans le grenier de la grande maison du Plantier à Saint-Alban d’Ay, une liasse de feuillets est accompagnée d’une note: « papiers offrant quelque intérêt… » Ce sont les transcriptions d’un procès fait en 1533 à l’encontre de luthériens d’Annonay. Ce document, exceptionnel pour la connaissance de l’histoire locale, apporte beaucoup de précisions et quelques modifications sur des points essentiels au canevas écrit par Théodore de Bèze. L’ensemble de ces documents décryptés, traduits et annotés fait l’objet d’une publication en octobre 2017 (500 ans après que Martin Luther ait affiché ses 95 thèses à Wittemberg).

 

1528-1685

Quelque 50 années après les faits, Théodore de Bèze mentionne que la prédication de la Réforme se fit très tôt à Annonay, dès 1528 (soit 11 ans après le début de la diffusion des idées de Luther), grâce à un docteur en théologie qui avait entendu au pays de Saxe la prédication du Réformateur Martin Luther. Le moine cordelier d’Annonay Etienne Machopolis (ou Etienne Rénier) fut ainsi condamné par le tribunal ecclésiastique de Vienne. D’autres prédicateurs audacieux lui succédèrent. Ils furent souvent arrêtés et parfois brûlés vifs à Vienne ou à Annonay même. Dès 1559, on signale que des prédicateurs de passage tiennent des assemblées religieuses au quartier du Champ. En 1561, les protestants d’Annonay demandent un pasteur et sont représentés au synode provincial de Die puis de Peyraud. Ils se réunissent dans l’église de Trachin (qui sera rendue aux catholiques conformément aux accords de l’Édit de Nantes en 1598) puis entreprennent vers 1576 la construction d’un temple près de l’actuelle « rue de la Réforme » (il sera démoli en 1685).

Alors que la ville devint peu à peu à majorité protestante au point d’être parfois appelée « la petite Genève du Vivarais », les guerres de religion de 1562 à 1598 voient les troupes catholiques et protestantes se disputer le contrôle de la ville, tuant leurs adversaires et souvent leurs familles, détruisant les édifices religieux et les habitations. Du coup, il ne reste presque plus rien de ces temps troublés, tant documents que bâtiments. Hasard de l’histoire, nous savons que la famille Du Peloux, propriétaire catholique d’une maison forte à Annonay, abrita des protestants pendant ces guerres de religion ; de même, à d’autres occasions, ce sont des protestants qui ont protégé des catholiques.

1685-1808

A la révocation de l’Édit de Nantes, les « dragons » sévissent à Annonay. Les protestants se cachent, choisissent l’exil ou font semblant de se convertir. Ils se réunissent alors clandestinement à Ghilhoc ou Devesset. L’usure des persécutions se manifeste par un lent démantèlement du protestantisme annonéen, marqué par un grand isolement. On ne compte plus en 1768 que 95 familles protestantes dans la ville. Celles-ci, ayant repris courage grâce à une tolérance accrue, demandent un pasteur. Le synode en nomme un : Chiron de Châtauneuf. Les cultes, désormais tolérés, ont lieu à l’Auvergnat, dehors ou dans une grange.

Avec la Révolution, l’église protestante d’Annonay s’organise. Le consistoire nomme le pasteur Georges Chaponnière qui restera dans la paroisse de 1803 à 1831. Il écrira un grand nombre de lettres à Boissy d’Anglas concernant le désir des protestants de la ville de retrouver un temple. Leur ténacité finit par aboutir. Avec l’approbation ministérielle, l’église de l’Aumône, dans l’actuelle rue Franki Kramer, est attribuée en 1808 à l’Église réformée, devenue en 2012 l’Église protestante unie avec l’association des réformés et des luthériens français.

 

Quelques protestants célèbres d’Annonay

Le protestant d’Annonay le plus célèbre est certainement Boissy d’Anglas. Cet ardéchois est élu député du Tiers-État aux États Généraux de 1789. Il a 33 ans. Comme homme politique, il combat l’absolutisme et défend les libertés, dont la liberté de culte pour les protestants. Il prend la défense des hommes libres de couleur. L’acte qui lui vaut la célébrité est représenté dans plusieurs tableaux dont celui peint par Vinchon et installé dans la salle des mariages de la mairie d’Annonay. Le 20 mai 1795, il est président de la Convention ; des insurgés envahissent la salle, décapitent un député et brandissent sa tête devant lui ; calmement et très dignement, il salue la tête de son collègue. Boissy d’Anglas est un modéré. Il traverse ainsi cette tumultueuse époque, occupant des postes à responsabilité tant au service de Bonaparte que de Louis XVIII. Chez les protestants, il fut vice-président de la Société biblique et membre d’instances nationales de l’Église réformée de France, de 1803 à 1826.

De nombreux chefs d’entreprise étaient protestants. Citons ceux qui apportèrent l’industrie papetière à Annonay : les frères Mathieu et Barthélémy Johannot. Ils viennent d’Ambert, achètent en 1634 un moulin à blé à Faya et le transforment en moulin à papier. Près de 300 ans après, la société porte encore leur nom… en petits caractères !

 

Ce texte est une compilation d’une « Brève histoire de l’Église réformée d’Annonay », rédigée par Jacques Vernier à l’occasion du Bicentenaire du temple (2008), et de panneaux créés par une équipe de l’Église protestante unie d’Annonay (composée de Jean-Philippe Lechevallier, Paul Schweckler, David Veldhuizen, et Janine Vincent) en complément de l’exposition « Luther ouvre les portes à la modernité » à l’occasion des 500 ans de la Réforme (2017).

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