Culte du dimanche 27 novembre 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Textes bibliques : Ésaïe 2,2-5 ; Romains 13,11-14 ; Matthieu 24,37-44
Culte du dimanche 27 novembre 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Textes bibliques : Ésaïe 2,2-5 ; Romains 13,11-14 ; Matthieu 24,37-44
Chers amis,
En ce début de l’Avent, il nous est proposé de relire des paroles de Jésus, prononcées à la fin de son ministère, peu avant son arrestation, à propos des temps à venir, ce qu’on appelle les « temps derniers » ou eschatologiques. Le lien entre ce sujet et l’Avent n’est pas forcément évident, alors explicitons-le. Noël, c’est la commémoration d’un événement incroyable : Dieu est venu dans notre humanité. Pour saisir au mieux pourquoi nous nous souvenons de cet événement, la personne croyante est invitée à se préparer, et pour cela, quatre semaines sont « mises à part » dans le calendrier de l’Église. Dans notre vie quotidienne, tellement influencée par l’économie de marché et la société de consommation, la fête aussi s’anticipe, ce qui serait moins problématique si nous ne courrions pas toujours après la fête suivante : comment les rayons ont été préparés pour Noël dès octobre et comment la galette des rois va certainement arriver maintenant alors que nous sommes encore à quatre semaines de Noël, six de l’Épiphanie ! Bref, l’Avent devrait être un temps orienté vers Noël, un temps de préparation, d’attente, de veille. Attente et veille. Voici deux mots-clés de la période.
Des mots que nous pouvons retrouver dans ce que dit Jésus. Mais Jésus ne dit pas à ses disciples de se préparer à commémorer sa naissance… Il leur recommande fortement de veiller. Mais pour quoi doivent-ils donc veiller, que doivent-ils donc attendre activement ? Cette question est celle que je vous propose d’examiner ensemble ce matin, en l’élargissant bien sûr aux disciples que nous sommes nous-mêmes aujourd’hui. Que peut-on espérer au terme de notre attente, de notre veille ?
Commençons peut-être par nous rappeler, simplement, quelles ont pu être les attentes du peuple de Dieu jusqu’à Jésus. Pour Abraham, l’un des enjeux des bénédictions qu’il reçoit concerne sa descendance. Autrement dit, il est important pour cet homme – et pour tant d’êtres humains – d’avoir des éléments lui permettant de croire que ce qu’il a construit ne disparaîtra pas avec lui. Nous le savons, une génération ne peut pas être certaine de ce que fera une génération plus jeune de l’héritage qui lui sera confié, mais connaître une telle génération plus jeune, être en mesure de lui transmettre quelque chose, c’est une façon, certainement, de se rassurer : nous avons existé et nos efforts seront d’autant plus justifiés qu’ils nous semble qu’ils pourront profiter aussi à d’autres…
Pour le peuple hébreu au temps de Moïse, les attentes sont certainement multiples. La première est certainement la fin de l’esclavage, et donc l’attente d’une émancipation, d’une libération. Mais pouvoir revenir et vivre dans la Terre Promise doit aussi faire partie de ce qui est espéré. Ce sont déjà deux choses distinctes : sortir de l’esclavage, et occuper et vivre pleinement la Terre promise. Et Moïse va être l’instrument de Dieu pour répondre à cette attente de libération, mais aussi d’une liberté possible après, grâce à l’Alliance, grâce aux Paroles données, ces « Dix Meilleures Façons » pour vivre bien, devant Dieu et entre nous. Ré-investir la Terre promise sera la mission de Josué, bien évidemment conduit par Dieu.
Nous sautons quelques étapes, quelques siècles, et nous arrivons au temps des deux royaumes, Israël et Juda, qui sont menacés par les puissants empires voisins. Les rois et les autorités religieuses sont bien fragiles, les idoles ne sont jamais loin. Les règnes de David et Salomon deviennent progressivement comme un âge d’or regretté et que l’on espère voir revenir. C’est dans ce contexte notamment que les prophètes vont développer des discours alternant entre appels au changement et promesses d’un avenir différent. Les quelques versets que nous avons lu en Ésaïe 2 en font partie. Au-delà de la prospérité et de l’indépendance retrouvées pour Juda, il y a cette perspective d’une paix universelle et d’une foi elle aussi mondiale au Dieu du peuple juif… Qu’en pensaient donc celles et ceux qui entendaient de telles déclarations ? Qu’ils et elles espèrent des vies plus sereines, cela est compréhensible ; mais que faisaient-ils donc de ces hypothèses d’une communion universelle autour de leur Dieu ? Une telle vision appartenait-elle à leurs attentes pour leur vivant ? Pour un avenir proche peut-être ? Difficile de le savoir…
Mais vous le savez, les menaces vont se concrétiser, et le peuple juif va connaître l’exil, la déportation. Il soupire à nouveau après sa libération, son rassemblement alors qu’il avait été dispersé, son retour sur la Terre Promise autour du Temple, lieu par excellence de la proximité avec Dieu. Quand l’empereur perse Cyrus autorise une partie du peuple à retourner à Jérusalem, plusieurs écrits bibliques comparent cet étranger à un sauveur qui accomplit la promesse de restauration faite par Dieu. Ce retour partiel à Jérusalem ne s’accompagne cependant pas d’une réelle indépendance ni d’une grande prospérité ; de fait, les puissances et les oppresseurs se succèdent, les siècles s’écoulent, l’attente demeure, l’attente dure, elle grandit aussi, certainement. Là encore, ce sont les prophètes qui s’en font l’écho.
Nous arrivons maintenant à Jésus. Pour rester dans l’évangile de Matthieu, nous savons que Joseph avait été prévenu que son fils « adoptif » n’était pas ordinaire, que ce fils avait à voir avec le Sauveur attendu. Juste après sa naissance, ce sont des sages étrangers ainsi que le roi Hérode qui ont compris que le nourrisson pourrait bien venir bouleverser l’ordre et le monde existants.
Plus tard, Jean le Baptiste encourage ses contemporains à changer de vie maintenant, car, c’est ce qu’il proclame, le Royaume était proche. Oui, en effet, le peuple attend le Royaume. Mais il y a malentendu. Car le Royaume espéré avait à voir avec l’indépendance politique et religieuse, un rêve déjà considérable quand on pense à la puissance de l’empire romain. L’attente d’un Royaume universel dont Jérusalem serait le centre, un Royaume de paix, encore une fois en pleine communion avec le Seigneur, autour du Temple notamment, cette attente était-elle alors celle des contemporains de Jésus ? Là encore, difficile de le savoir… Il y a aussi la croyance, la perspective d’un jugement après la mort, d’un jugement ultime, que l’on qualifie parfois de dernier. Il s’agirait alors que la justice soit rendue selon Dieu. Mais, avec nos compréhensions humaines, l’illusion est peut-être de confondre la justice selon Dieu avec la récompense des bons et la punition des mauvais selon nos critères, la réparation des injustices de nos sociétés humaines…
Avant que Jésus ne parle, ces deux attentes, celle d’une libération politique, et celle d’un jugement dernier vraiment juste existaient. Puis Jésus a longuement enseigné sur le Royaume, sans qu’il soit possible de le « situer » dans notre histoire ou au-delà ; mais le point commun de ces paraboles du Royaume, dont certaines bouleversent notre sens commun de la justice, le point commun est celui de l’amour de Dieu, y compris envers celles et ceux considérés comme en étant le moins dignes. Bref, le Royaume est une espérance pour quiconque sait ses faiblesses et ses failles.
A l’approche de sa Passion, toujours dans l’évangile de Matthieu, Jésus va parler de choses à venir, dont beaucoup sont dures à entendre. Il va notamment expliquer que le Temple alors en reconstruction, motif de fierté, symbole de solidité, ce Temple va être détruit à brève échéance, c’est quelques versets avant le passage que nous avons lu. Quarante années plus tard en effet, en répression de la révolte juive, c’est ce que font les Romains… Jésus signale aussi à ses amis que les difficultés et les souffrances ne vont pas manquer. Bien sûr pour lui pendant la semaine de Pâques, mais aussi pour tous ceux qui lui font confiance, et ces épreuves, ces persécutions dureront. Au moment de notre extrait, Jésus a répondu longuement à la première partie d’une double question de ses disciples, une partie concernant la destruction du Temple et un certain nombre de difficultés : celles-ci sont ancrées dans l’histoire humaine et de nombreux chrétiens. La deuxième partie de la question des disciples relève d’une fin de certaines choses. S’agit-il de la fin du monde tels qu’ils le connaissent ? S’agit-il du jugement dernier ? S’agit-il du Royaume ? S’agit-il du retour de Jésus, à sa résurrection, donc quelques jours plus tard après la traversée de la mort, ou d’un retour de Jésus glorieux, dans un à-venir plus lointain et que nous attendons toujours ?
Jésus parle d’un événement qui surprendra autant que le déluge au temps de Noé, ou qu’un voleur s’attaquant à une maison, un événement qui surviendra en dérogeant à nos logiques habituelles, puisque hommes et femmes pourraient agir de façon identique et pourtant, ne pas connaître le même sort ; autrement dit, cet événement semblerait, à nos yeux humains, relever de l’arbitraire. Pourquoi l’un est emporté, et l’autre non ? Ce n’est pas ce que nous faisons qui ferait une différence. Quoi que nous fassions, nous serons surpris. Et pourtant, il faut veiller, être vigilants, attentifs… Si ces versets nous laissent sur notre faim sur ce qui nous permettrait d’être dans la bonne attitude, ils nous confirment cependant qu’il n’est pas nécessaire de perdre du temps à imaginer la forme de ce que Dieu fera advenir, que ce soit dans notre vie ou plus généralement dans l’histoire de l’humanité.
L’apôtre Paul, lui aussi, en s’adressant aux chrétiens de Rome, exhorte à la vigilance car le salut ne cesse de s’approcher, comparable à la lumière. Dans l’attente, il recommande un comportement « convenable », qui se fait à la lumière du jour justement… On mesure cependant que Paul a probablement évolué dans sa compréhension des « choses dernières », car par exemple dans sa correspondance avec les Thessaloniciens, qui est plus ancienne que cette lettre aux Romains, donc dans ses premiers écrits, il exhorte à la persévérance celles et ceux qui attendaient le retour du Christ en gloire, du vivant des apôtres. Il les encourage à la persévérance sans les détromper, comme si lui-même était dans cette espérance. Et dans ses écrits un peu plus tardifs, il semble être passé à une autre compréhension de ce retour attendu du Fils de l’homme.
Quel est donc l’objet de notre attente ? Quelle est notre espérance ? En 2022, les grandes idéologies comme le communisme appartiennent au passé ; quant au libéralisme, les réseaux sociaux et les infox le fragilisent toujours plus d’un point de vue politique ; et la course au profit est maintenant clairement considérée, à juste titre, comme coupable de dérèglements climatiques qui rendent insoutenables à court terme la persistance de notre mode de développement, de notre mode de vie. Nous le savons, nos futurs désirables sont bien complexes à formuler, modestes peut-être par leurs ambitions… Nous découvrons que la paix est fragile, nous découvrons que l’électricité ne pourrait pas être assurée 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 ! Cet hiver, nous en sommes presque à espérer ne pas être trop affectés dans notre confort… Voici parfois quels sont nos futurs désirables. Mais je l’ai dit, les projections que se faisaient nos ancêtres ne correspondent certainement pas à ce que Dieu prévoit !
Frères et sœurs, si nous pouvons regretter le flou, la modestie peut-être de nos futurs désirables, rassurons-nous : ce ne sont pas ces œuvres de nos imaginations et fantasmes qui vont advenir, mais ce que Dieu, dans sa sagesse et son amour, nous donnera. Il y a deux mille ans, c’est un nourrisson qui est venu. Adulte, il n’a été ni chef de guerre, ni homme de pouvoir, mais un compagnon compatissant et aimant de celles et ceux qu’il a rencontrés.
Comme les lecteurs et spectateurs de la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot, nous restons finalement dans l’interrogation de ce qui est attendu. Mais à la différence des personnages de cette pièce de théâtre, nous savons que Dieu est déjà venu, qu’il est amour, qu’il veut notre bien, qu’il tient ses promesses. Ce qu’il a fait et ce qu’il fait encore peut nous inspirer confiance. Et donc nous pouvons attendre avec espérance, car ce qui vient sera Bonne Nouvelle pour chacune et chacun. Amen.