Nos temples, patrimoines durables ?

Patrimoine durable. C’est le thème de ces Journées européennes du patrimoine, et c’est dans ce cadre que cet après-midi, avec la mobilisation des Amis de l’orgue, notre temple sera ouvert pendant un moment. Ce thème de patrimoine durable permettra de mettre en avant les démarches pour préserver et entretenir de façon responsable certains édifices. Ce matin, je vous propose de nous demander si nos temples constituent un patrimoine durable, mais en comprenant « durable » un peu plus largement que sur le plan environnemental. La question est la suivante : qu’est-ce qui, dans la foi chrétienne, traverse les générations ?

Nous allons nous livrer à une petite enquête, et pour cela, selon nos habitudes protestantes, nous commençons par un parcours biblique. Comme la question de la maison de Dieu, du Temple, est abordée dans de très nombreux textes, ce parcours ne sera qu’un survol. Après ce panorama, nous consacrerons quelques instants à approfondir ce que nous aurons perçu. Commençons donc notre voyage dans la Bible, autour de la maison de Dieu. Du temps des patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, ce sont des autels qui sont érigés pour marquer une rencontre avec Dieu. Les tribus, plus ou moins nomades, ne sont pas établies durablement dans des villes, et Dieu ne demande pas à être installé quelque part. Tout change après la sortie d’Égypte, la libération de l’esclavage, et surtout, l’Alliance que Dieu propose à son peuple. En effet, dans les paroles que Moïse reçoit du Seigneur sur la montagne, il y a des indications précises concernant ce qu’on appelle la Demeure, la Tente de la rencontre, il y a encore d’autres noms. Comme le code civil ou le code pénal, un code est donné pour organiser un espace sacré, avec un mobilier, des objets et des vêtements rituels. Tout cela est décrit dans les chapitres 25 et suivants du livre de l’Exode.

¹Le SEIGNEUR dit à Moïse : ²Parle aux Israélites. Qu’ils prennent un prélèvement pour moi. Vous prendrez mon prélèvement de tous les hommes au cœur généreux. ³Voici le prélèvement que vous prendrez sur ce qui leur appartient : de l’or, de l’argent et du bronze ; ⁴de la pourpre violette et rouge, de l’écarlate, du fin lin et du poil de chèvre ; ⁵des peaux de béliers teintes en rouge et des peaux de dauphins ; du bois d’acacia ; ⁶de l’huile pour le luminaire, des essences odoriférantes pour l’huile d’onction et pour l’encens aromatique ; ⁷des pierres d’onyx et d’autres pierres pour la garniture de l’éphod et du pectoral. ⁸Ils me feront un sanctuaire, et je demeurerai au milieu d’eux. ⁹Vous vous conformerez exactement au modèle de la Demeure et au modèle de tous ses ustensiles, tels que je vais te les montrer.

Exode 25,1-9. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

En voici une reconstitution à partir des indications que nous avons dans le livre de l’Exode, dont nous n’avons lu qu’un court extrait.

Il est très important de noter que tous ces éléments sont mobiles et transportables. En effet, le peuple n’est pas encore arrivé sur la terre qui lui a été promise pour vivre et prospérer. Non seulement les descendants des douze fils de Jacob vont cheminer pendant 40 années dans le désert, mais ensuite, il y aura le temps de la conquête, et encore plusieurs générations avant que le royaume soit suffisamment stable et mûr pour envisager une autre étape. Le projet de construire un temple qui reflète la gloire de Dieu, ce projet est attribué au roi David, qui en parle notamment au prophète Nathan, en 2 Samuel 7.

¹Lorsque le roi fut installé dans sa maison, et que le SEIGNEUR lui eut accordé le repos en le délivrant de tous les ennemis qui l’entouraient, ²le roi dit à Nathan, le prophète : Regarde, je te prie : j’habite une maison de cèdre, alors que le coffre de Dieu habite dans une toile de tente. ³Nathan répondit au roi : Va, fais tout ce que tu as dans le cœur, car le SEIGNEUR est avec toi.

⁴Cette nuit-là, la parole du SEIGNEUR parvint à Nathan : ⁵Va dire à David, mon serviteur : Ainsi parle le SEIGNEUR : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? ⁶Pourtant, je n’ai pas habité dans une maison depuis le jour où j’ai fait monter d’Égypte les Israélites jusqu’à ce jour, mais je me suis déplacé avec une tente pour demeure. ⁷Partout où je me suis déplacé avec tous les Israélites, ai-je dit un seul mot à aucune des tribus d’Israël à qui j’avais ordonné de faire paître Israël, mon peuple ? Ai-je dit : « Pourquoi ne me bâtissez-vous pas une maison de cèdre ? » […]

¹²Quand tes jours seront accomplis et que tu te seras couché avec tes pères, je susciterai après toi ta descendance, celui qui sera sorti de toi, et j’affermirai son règne. ¹³C’est lui qui bâtira une maison pour mon nom, et j’affermirai pour toujours son trône royal.

2 Samuel 7,1-7.12-13. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Nathan transmet donc à David un message de la part de Dieu. Ce n’est pas à lui, le roi David, qu’il appartient de bâtir un tel édifice, mais son fils et successeur sur le trône, Salomon, pourra en être responsable. Les textes bibliques nous informent alors de tous les préparatifs effectués par David pour faciliter l’accomplissement de ce projet par Salomon. Les plans sont établis, les ouvriers les plus qualifiés sont recrutés, les matériaux précieux sont rassemblés et importés… Rien n’est laissé au hasard. Nous lisons en 1 Chroniques 28 une partie de ces descriptions.

¹¹David donna à Salomon, son fils, un modèle du vestibule et de ses maisons, des salles du trésor, des chambres à l’étage, des salles intérieures et de la maison de l’expiatoire ; ¹²il lui donna un modèle de tout ce qu’il avait dans l’esprit concernant les cours de la maison du SEIGNEUR, toutes les salles de l’enceinte pour les trésors de la maison de Dieu et les trésors sacrés, ¹³les classes des prêtres et des lévites, toutes les fonctions du service de la maison du SEIGNEUR et tous les objets pour le service de la maison du SEIGNEUR ; ¹⁴pour l’or, le poids de ce qui devait être d’or, c’est-à-dire, de tous les objets destinés à chaque service ; pour tous les objets d’argent, le poids de tous les objets destinés à chaque service ; ¹⁵le poids des porte-lampes d’or et de leurs lampes d’or, avec le poids de chaque porte-lampes et de ses lampes ; ainsi que celui des porte-lampes d’argent, avec le poids de chaque porte-lampes et de ses lampes, selon l’usage de chaque porte-lampes ; ¹⁶le poids de l’or pour les tables des pains exposés, pour chacune des tables, et de l’argent pour les tables d’argent ; ¹⁷pour les fourchettes, les calices et les aiguières d’or pur, les coupes d’or, avec le poids de chaque coupe, et les coupes d’argent, avec le poids de chaque coupe ; ¹⁸pour l’autel de l’encens en or épuré, avec le poids. Il lui donna le modèle du char, des keroubim d’or qui étendent leurs ailes et couvrent le coffre de l’alliance du SEIGNEUR. ¹⁹C’est par un écrit de sa main, dit David, que le SEIGNEUR m’a donné de comprendre tout cela, tout ce qui est à faire selon le modèle.

²⁰David dit à Salomon, son fils : Sois fort et courageux, et agis ; n’aie pas peur, ne sois pas terrifié. Car le SEIGNEUR Dieu, mon Dieu, sera avec toi ; il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas, jusqu’à ce que soit achevé tout l’ouvrage pour le service de la maison du SEIGNEUR. ²¹Voici les classes des prêtres et des lévites pour tout le service de la maison de Dieu. Auprès de toi, pour tout l’ouvrage, il y a tous les volontaires habiles pour toutes sortes de services, les chefs et tout le peuple, prêts à exécuter tous tes ordres.

1 Chroniques 28,11-21. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Quand Salomon arrive sur le trône, le temple est construit puis consacré.

Selon la Bible, la construction du temple de Salomon intervient au dixième siècle avant notre ère, il y a donc trois mille ans. Mais le peuple et ses dirigeants ne respectent pas longtemps l’Alliance, et le royaume se divise, entre Israël au Nord et Juda, au Sud. Le temple, bâti à Jérusalem donc dans le royaume de Juda, est soumis à l’histoire, aux variations du peuple : délaissé, maltraité ou dégradé pendant des années, puis réparé pendant une période de repentance, par exemple pendant les règnes de Joas ou d’Ezéchias, avant que le cycle ne recommence. Les empires voisins menacent régulièrement ce qu’il reste du royaume ; jusqu’à ce que Nabuchodosor attaque la ville puis déporte les habitants, après avoir pillé puis brûlé le Temple, cela se passe à la toute fin du deuxième livre des Chroniques :

¹⁵Le SEIGNEUR, le Dieu de leurs pères, leur avait envoyé, inlassablement, ses messagers, car il voulait épargner son peuple et son propre séjour. ¹⁶Mais ils se moquaient des messagers de Dieu, ils méprisaient ses paroles et raillaient ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur du SEIGNEUR monte contre son peuple et soit sans remède.

¹⁷Alors il les fit attaquer par le roi des Chaldéens ; il tua par l’épée leurs jeunes gens dans leur sanctuaire ; il n’épargna ni le jeune homme, ni la jeune fille, ni le vieillard, ni l’homme aux cheveux blancs. Il lui livra tout. ¹⁸Il emporta à Babylone tous les objets de la maison de Dieu, grands et petits, les trésors de la maison du SEIGNEUR et les trésors du roi et de ses princes. ¹⁹Ils brûlèrent la maison de Dieu, ils démolirent la muraille de Jérusalem ; ils mirent le feu à tous ses palais et détruisirent tous les objets précieux.

2 Chroniques 36,15-19. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Les historiens situent cet événement, la prise de Jérusalem, la destruction du Temple en -586. Ce premier Temple que nous avons vu là aurait donc duré environ 400 ans, de -1000 à -600 pour faire simple. Cinquante années plus tard, après avoir vaincu Babylone, le perse Cyrus autorise certains déportés à regagner leurs terres d’origine. Esdras et Néhémie sont les maîtres d’œuvre du projet de reconstruction de ce qu’on appelle le deuxième Temple de Jérusalem, et qui sera achevé vers -515. A nouveau un passage, dans le livre d’Esdras :

¹⁴Et les anciens des Judéens bâtirent avec succès, selon la parole prophétique d’Aggée, le prophète, et de Zacharie, fils d’Iddo ; ils bâtirent et restaurèrent, d’après l’ordre du Dieu d’Israël, et d’après l’ordre de Cyrus, de Darius et d’Artaxerxès, roi de Perse. ¹⁵La maison fut achevée le troisième jour du mois d’Adar, dans la sixième année du règne du roi Darius. ¹⁶Les Israélites, les prêtres et les lévites, et le reste des exilés firent l’inauguration de cette maison de Dieu dans la joie. ¹⁷Ils offrirent, pour l’inauguration de cette maison de Dieu, 100 taureaux, 200 béliers, 400 agneaux et, pour le péché de tout Israël, 12 boucs, d’après le nombre des tribus d’Israël. ¹⁸Ils installèrent les prêtres selon leurs divisions et les lévites selon leurs classes pour le service de Dieu à Jérusalem, comme il est écrit dans le livre de Moïse.

¹⁹Les exilés célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du premier mois. ²⁰Les prêtres et les lévites s’étaient purifiés tous ensemble, ils étaient tous purs ; ils immolèrent la Pâque pour tous les exilés, pour leurs frères les prêtres, et pour eux-mêmes. ²¹Les Israélites qui étaient revenus de l’exil mangèrent avec tous ceux qui s’étaient séparés de l’impureté des nations du pays et qui se joignirent à eux pour chercher le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël. ²²Ils célébrèrent la fête des Pains sans levain pendant sept jours, dans la joie, car le SEIGNEUR les avait réjouis en inclinant vers eux le cœur du roi d’Assyrie pour les soutenir dans l’œuvre de la maison de Dieu, du Dieu d’Israël.

Esdras 6,14-22. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Deuxième temple donc, le peuple juif cependant ne retrouve pas complètement son indépendance dans les siècles suivants. Quand la Judée est soumise à l’empire romain, le roi Hérode le Grand organise l’agrandissement du Temple et son embellissement, parce qu’il y avait maintenant des Juifs dispersés dans de nombreux pays, et pour les grandes fêtes, ils venaient en pélerinage. Il fallait donc agrandir le Temple. De plus, le roi Hérode avait besoin de se faire bien voir de ses concitoyens. Hérode le Grand meurt alors que Jésus naît, c’est en -4 à peu près. Mais les travaux de ce Temple amélioré ne seront achevés qu’en 63, donc trente ans après la crucifixion de Jésus. En voici une maquette de ce à quoi devait ressembler le temple d’Hérode, et dont il reste aujourd’hui le Mur des Lamentations.

Mais ce deuxième Temple, devenu temple de Hérode, sera détruit sept ans plus tard, en 70, quand l’armée romaine réprime la révolte juive. Les évangiles, ces textes qui nous font part de la vie et de l’enseignement de Jésus, et qui ont été rédigés dans la deuxième moitié du 1er siècle, les évangiles placent dans la bouche de Jésus une annonce de cette destruction à venir, notamment dans le chapitre 21 de l’évangile de Luc.

⁵Comme quelques-uns parlaient du temple en évoquant les belles pierres et les offrandes dont il était orné, il dit : ⁶Les jours viendront où, de ce que vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée.

Luc 21,5-6. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

C’est une façon de confirmer que l’histoire de la relation entre Dieu et l’humanité ne s’arrête pas avec la disparition du Temple de Jérusalem. D’ailleurs, quand Jean met par écrit les visions d’espérance qui lui ont été révélées, ce qui est promis aux chrétiens quand il évoque la nouvelle Jérusalem, dans les derniers paragraphes de nos bibles, dans le livre de l’Apocalypse, il est fait mention de cette cité céleste, cet endroit où Dieu règne, et cette cité n’a pas de Temple.

⁹Puis un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept derniers fléaux vint parler avec moi. Il me dit : Viens, je te montrerai la mariée, l’épouse de l’agneau. ¹⁰Il me transporta, par l’Esprit, sur une grande et haute montagne, et il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu. ¹¹Elle avait la gloire de Dieu ; son éclat ressemblait à celui d’une pierre précieuse, une pierre de jaspe transparente comme du cristal. ¹²Elle avait une grande et haute muraille. Elle avait douze portes, et sur les portes douze anges. Des noms y étaient inscrits, ceux des douze tribus des Israélites : ¹³à l’est trois portes, au nord trois portes, au sud trois portes et à l’ouest trois portes. ¹⁴La muraille de la ville avait douze fondations ; elles portaient les douze noms des douze apôtres de l’agneau. […]

²²Je n’y vis pas de sanctuaire, car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, est son sanctuaire, ainsi que l’agneau.

Apocalypse 21,9-14.22. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Et voici une image d’un temple, d’un temple non chrétien, celui d’Apollon. Finalement, s’il n’y a plus besoin de temple, ceux-ci peuvent tomber en désuétude, il ne peut en rester que des ruines.

S’il fallait donc résumer ce rapide parcours biblique concernant les temples de pierre, on observe que ces bâtiments ont été centraux pendant un millénaire, ce qui n’est pas rien, mais ce qui n’est finalement pas la norme quand on pense à l’histoire de l’humanité. Pendant ce millénaire, le Temple a été profondément humain ; à la fois un lieu pour que Dieu y habite, mais quand même un lieu très humain. Dans les intentions, le bâtiment est grandiose, majestueux, il témoigne de l’honneur que le peuple veut rendre au Seigneur. Dans les faits, le Temple est victime de nos réalités, c’est-à-dire de nos faiblesses, de nos fragilités, de nos échecs. Il est pensé comme un lieu particulier pour se repentir, obtenir le pardon, chercher la volonté de Dieu ; c’est pour cela qu’il a été bâti. Mais il devient un espace où le rituel devient prioritaire, au risque d’être privé de sincérité et donc de sens. Un temple de pierre ne résume pas Dieu, mais la nature humaine le transforme rapidement en prison pour elle-même : nous pouvons nous enorgueillir de son architecture, de son aménagement, ou des traditions qui y sont perpétuées ; nous pouvons juger les autres en fonction de leur fréquentation de ce lieu ; bref, nous pouvons nous servir de ses murs pour opposer un dedans, meilleur, et un dehors, moins bon. Frères et sœurs, une communauté de croyants doit être très vigilante quant aux murs de ses lieux de culte : ils doivent être porteurs de l’Évangile, être donc accueillants et ouverts à tous ; mais ils ne doivent jamais enfermer, ni aveugler. Ils doivent être propices à la vie et à l’amour, sans devenir des fins.

[Interlude musical]

Si nous croyons que Dieu est partout où nous lui sommes attentifs, c’est aussi parce que les écritures bibliques nous disent clairement que ce qui compte, c’est ce qui est partagé, c’est ce qui est relation. Après le survol historique et biblique de la maison de Dieu, voici quelques autres passages, parmi beaucoup d’autres, qui soulignent à quel point la foi est un patrimoine immatériel… mais un patrimoine bien réel, car « incarné », c’est-à-dire inscrit dans nos chairs, nos esprits, nos relations humaines. En fait, à la même époque que les indications concernant la Tente de la rencontre étaient fournies, Dieu faisait savoir au peuple, par l’intermédiaire de Moïse, comment cette Alliance de liberté et d’amour allait traverser les générations. Lisons Deutéronome 6,4-9.

⁴Ecoute, Israël ! Le SEIGNEUR, notre Dieu, le SEIGNEUR est un. ⁵Tu aimeras le SEIGNEUR, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. ⁶Ces paroles que j’institue pour toi aujourd’hui seront sur ton cœur. ⁷Tu les inculqueras à tes fils et tu en parleras quand tu seras chez toi et quand tu seras en chemin, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. ⁸Tu les attacheras comme un signe sur ta main, et elles seront un fronteau entre tes yeux. ⁹Tu les écriras sur les montants de la porte de ta maison et aux portes de tes villes.

Deutéronome 6,4-9. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Si les paroles de Dieu ont été mises par écrit, sur les tables de la Loi, transportées dans l’Arche d’Alliance, qui elle-même sera au centre de la Tente de la Rencontre et du Temple, oui, si ces paroles sont sauvegardées précieusement dans un lieu donné, elles ont surtout vocation à s’inscrire dans le quotidien de ceux auxquelles elles sont destinées. « Ces paroles seront sur ton cœur », et, surtout, « Tu les inculqueras à tes fils et tu en parleras quand tu seras chez toi et quand tu seras en chemin, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. » Même si nous avons compris que la foi ne s’apprend pas, qu’elle ne se transmet pas comme on apprend une langue, la relation à Dieu est faite pour être partagée, rendue visible à celles et ceux qui nous entourent et pour qui nous pouvons faire référence. Ce cadeau de pouvoir parler à Dieu et de nous placer à son écoute pour faire les meilleurs choix pour nous et pour notre monde, ce cadeau ne doit pas être enfermé entre quatre murs, nous devons le prendre avec nous, y compris dans nos déplacements, que ces voyages soient physiques ou symboliques. Si nos ancêtres dans la foi avaient gardé leur espérance envers Dieu secrète, nous ne pourrions pas croire, aujourd’hui. Mais ce patrimoine, vous l’avez compris, ne correspond pas du tout à un bâtiment. Ce trésor n’est pas matériel, mais nous pouvons quand même le faire ressentir à nos contemporains, par notre témoignage, qu’il s’agisse de paroles ou de gestes. Au-delà de nos faiblesses individuelles et collectives, au-delà de la fragilité de nos constructions, il nous est proposé des fondations solides. Jésus lui-même l’a expliqué, avec cette parabole de la maison bâtie sur le roc, que nous trouvons dans l’évangile de Luc.

⁴⁶Pourquoi m’appelez-vous « Seigneur ! Seigneur ! » et ne faites-vous pas ce que je dis ?

⁴⁷Quiconque vient à moi, entend mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il est semblable : ⁴⁸il est semblable à un homme qui construit une maison. Il a creusé profondément et posé les fondations sur le roc. Une inondation est venue, et le torrent s’est rué contre cette maison, sans être capable de l’ébranler, parce qu’elle avait été bien construite. ⁴⁹Mais celui qui entend et ne met pas en pratique est semblable à un homme qui a construit une maison sur la terre, sans fondations. Le torrent s’est rué contre elle : aussitôt elle s’est écroulée, et la ruine de cette maison a été grande.

Luc 6,46-49. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Un tout petit peu après, Jésus, en reprenant le Psaume 118 et son verset 22, Jésus propose également à ses interlocuteurs de le percevoir, lui Jésus, comme étant la pierre d’angle, déterminante pour tout l’édifice bien qu’elle ait d’abord été rejetée par d’autres bâtisseurs. Lisons en Luc 20.

¹⁷Il les regarda et dit : Que signifie donc ce qui est écrit :

C’est la pierre que les constructeurs ont rejetée qui est devenue la principale, celle de l’angle.

¹⁸Quiconque tombera sur cette pierre s’y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera.

Luc 20,17-18. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

Si donc la fondation de notre foi et de notre vie, c’est Jésus, le Christ, nous comprenons que nos temples sont secondaires. Ce qui est premier, c’est l’enseignement de Jésus, le salut qu’il a apporté, ce pardon infini de Dieu qui dépasse les frontières, y compris cette frontière qui sépare la mort de la vie. Mais justement, si Jésus est fondation, cela veut dire qu’il y a quelque chose au-dessus ! Ce quelque chose, c’est l’Église, c’est la communauté des croyantes et des croyants, c’est aussi chacune et chacun d’entre nous. L’apôtre Paul, qui est l’un des principaux acteurs de ce qui se construit juste après Jésus, l’apôtre Paul se compare à l’ouvrier qui a apporté la première pierre, la Bonne Nouvelle du Christ, et, en effet, cela a été le cas à plusieurs occasions. Il développe ce thème, notamment dans la correspondance qu’il entretient avec les chrétiens de Corinthe. Voici un extrait de 1 Corinthiens 3 :

¹⁰Selon la grâce de Dieu qui m’a été accordée, comme un sage maître d’œuvre, j’ai posé les fondations, et quelqu’un d’autre construit dessus. Mais que chacun prenne garde à la façon dont il construit. ¹¹Personne, en effet, ne peut poser d’autre fondation que celle qui est en place, à savoir Jésus-Christ. ¹²Que l’on construise sur ces fondations avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin ou du chaume, ¹³l’œuvre de chacun deviendra manifeste, car le jour la mettra en évidence ; en effet, c’est dans le feu qu’il se révélera, et l’épreuve du feu montrera ce que vaut l’œuvre de chacun. ¹⁴Si l’œuvre que quelqu’un a construite demeure, il recevra un salaire. ¹⁵Si l’œuvre de quelqu’un est brûlée, il en subira la perte ; lui, certes, il sera sauvé, mais comme au travers du feu.

¹⁶Ne savez-vous pas que vous êtes le sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? ¹⁷Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, Dieu le détruira ; car le sanctuaire de Dieu est saint — c’est là ce que, vous, vous êtes.

1 Corinthiens 3,10-17. Nouvelle Bible Segond (c) Alliance biblique française.

« Vous êtes le sanctuaire de Dieu, l’Esprit de Dieu habite en vous », « le sanctuaire de Dieu est saint – c’est là ce que vous, vous êtes ». On pourrait se dire : que de chemin parcouru depuis le Temple de Salomon, mais rappelez-vous : ce n’était pas Dieu qui était à l’origine d’un tel édifice. La Bible ne méprise pas nos constructions mais elle nous invite à ne pas en faire des priorités qui prendraient le pas sur l’écoute de la Parole de Dieu, sur la recherche de tout ce qui favorise la vie. Aujourd’hui, en tant que communauté protestante qui se réunit dans ce temple, souvenons-nous que ce que nous devons nous efforcer de faire durer, c’est l’annonce de l’amour de Dieu pour chacune et chacun. Avec ou sans temple de pierre, avec telle ou telle organisation paroissiale, mais en étant nous-mêmes la demeure de l’Esprit Saint pour notre monde. Amen.