Une louange en trois dimensions

Culte du dimanche 12 juin 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Textes bibliques : Psaume 8 ; Marc 10,13-16




Frères et sœurs,

Avec les beaux jours, c’est une vraie joie de pouvoir nous retrouver, en plein air, dans ce beau parc de la Maison de retraite. La joie est évidemment plus grande alors que nous venons d’être les témoins du baptême de R. ; nous fêtons cette occasion de marquer l’amour premier de Dieu pour chacune de ses créatures. Et, je l’espère, après ce temps d’écoute de la Parole, la Bonne Nouvelle reçue ajoutera encore à la joie de ce moment.

En fait, cette joie en trois dimensions s’inscrit dans le même mouvement que le Psaume 8. En effet, je vous propose de voir en quoi ce chant de louange envers Dieu s’articule sur au moins trois thématiques qui peuvent aussi être les nôtres aujourd’hui.

Le premier mouvement, la première dimension, est peut-être ce qui nous est le plus accessible, quel que soit notre âge, notre culture, notre langue : il commence par un regard porté sur la Création, sur la nature, sur les êtres vivants. Je dis bien un regard, car il faut quand même de l’attention, il faut quand même parvenir à laisser de côté, au moins en partie, nos soucis et préoccupations, qu’ils soient liés à notre santé, à nos relations, à nos moyens de vie, à toutes nos responsabilités, qu’elles soient quotidiennes ou plus exceptionnelles. Un regard, donc, avec un peu de disponibilité. Et cela suffit, généralement, pour nous conduire à la contemplation. Il y a quelques semaines, avec quelques collègues, nous avons fait un petit effort, celui de nous lever un peu tôt pour admirer un autre lever, celui du soleil. C’est aussi une coutume, dans certains endroits, que des communautés chrétiennes de différentes confessions se retrouvent pour un temps partagé, le matin de Pâques, à la fois le jour qui commence, mais aussi la vie renouvelée, la résurrection. Frères et sœurs, nous avons le privilège de vivre dans une région dans laquelle nous n’avons pas loin à aller pour accéder à des paysages sauvages ou raisonnablement aménagés par l’être humain. Ne serait-ce que lever les yeux vers le ciel, de jour ou de nuit, suffit à en apprécier sa beauté. L’auteur du Psaume l’a fait, il a regardé le ciel, la lune et les étoiles. Ce sentiment du beau qui l’habite alors relève de l’intuition, c’est quelque chose qui jaillit en nous.

Mais le premier motif de louange dans ce Psaume ne s’arrête pas à trouver belle la nature. Il y a cette conscience que la Création a pour origine un Créateur, que ce Créateur doit être remercié et honoré. Il y a aussi, et nous trouvons cette idée dans le Psaume, que le Créateur est lui-même encore plus beau que ce qu’il a créé. « Ta beauté dépasse la beauté du ciel… » Oui, le regard devient contemplation, et nous allons ensuite attribuer les raisons de notre émerveillement à Dieu, qu’il est légitime de croire encore plus agréable que ce que nous pouvons percevoir.

Le psalmiste répète également cette phrase : « ton nom est magnifique sur toute la terre. » Même aujourd’hui, avec les progrès des transports et des communications, il n’est donné à aucun être humain la possibilité de parler de Dieu à tous ses contemporains, dans leur langue. Oui, même si nous venons de fêter la Pentecôte, ce don de l’Esprit qui permet aux croyants de se faire comprendre d’autres personnes qui cherchent Dieu, oui, malgré la Pentecôte, l’affirmation du psalmiste ressemble bien à un enthousiasme débordant, généralisé… Peut-être serait-il plus exact, par rapport à nos connaissances, de dire « ton nom devrait être magnifique pour tous ceux qui sont sur la terre ». Mais celui qui loue le Seigneur est dans un autre registre que celui du savoir. Oui, si toute la Création est l’œuvre de Dieu, toute la Création et toutes les créatures peuvent receler en elles-mêmes la beauté du nom du Seigneur. Voilà donc pour cette première dimension du Psaume : louange pour la Création, louange, aussi, envers le Créateur, et louange, enfin, avec toute la Création.

Mais ce Psaume est encore davantage une louange pour la place de l’être humain dans la Création. En quelques expressions, nous comprenons que l’auteur du Psaume a conscience que l’être humain pourrait n’être défini que par ses fragilités et par ses limites. Là encore, malgré toutes les prouesses scientifiques et technologiques de notre espèce humaine, tant de choses nous tiennent encore en échec, et peut-être est-ce mieux ainsi. Pourtant, nous ne sommes pas condamnés par nos limites. Le Psaume rappelle des éléments décisifs de la Genèse. Dieu a créé les êtres humains à son image ; Dieu a fait des humains ses partenaires dans le geste créateur car nous avons le pouvoir de nommer ce qui nous entoure. [Parents], c’est ce que vous avez fait en choisissant le prénom de votre fille : ainsi, elle existe, unique, pour vous, pour les autres, et pour elle-même. Dieu a aussi choisi d’être en relation avec l’être humain. Il lui a donné une maîtrise sur son environnement. Pour reprendre les mots du Psaume, le Seigneur donne à l’espèce humaine « gloire et honneur » ; il l’a fait « presque l’égal des anges ». Une petite précision, dans le texte original du psaume, en hébreu, il n’est pas question d’anges, mais plutôt de dieu, sans majuscule. Le texte ne mentionne en tous cas pas d’intermédiaires entre les hommes et les femmes et Dieu, comme parfois nous considérons les anges. Au contraire, vous l’avez compris, malgré sa fragilité et ses limites, l’humain est rendu proche de Dieu par Dieu lui-même. C’est le deuxième mouvement, la deuxième dimension de la louange de notre psaume.

Enfin, ce Psaume exprime une idée importante. C’est le verset 3, que je vous relis. « Par la bouche des enfants, des touts-petits, tu affirmes ta puissance devant tes ennemis. Ainsi, tu fais taire tes adversaires qui sans cesse luttent contre toi. » Ces phrases constatent le retournement des hiérarchies de ce monde, un retournement fréquent dans les histoires bibliques. Combien de fois les promesses et bénédictions sont-elles passées par les cadets, les personnages marginaux, les exclus ? Ce choix récurrent, ce choix persistant, de la part de Dieu est toujours une Bonne Nouvelle. Car les logiques et hiérarchies de notre monde reposent trop souvent sur des critères qui n’ont rien à voir avec le service de Dieu et le service des autres, l’amour de Dieu et l’amour de notre prochain, qui sont pourtant les clés d’une vie bénie. C’est là encore un des fils rouges de la Parole de Dieu… Les enfants, les touts-petits, qui d’habitude ne sont pas écoutés, même s’ils crient, ceux-ci peuvent faire taire les puissants, ceux qui s’opposent au Seigneur. Restons quelques instants sur cette affirmation remarquable, qu’il faut sûrement comprendre à plusieurs niveaux. D’abord, comme je l’ai suggéré en disant que c’est un des thèmes majeurs de la Bible, en pensant à tous ceux qui ne sont pas jugés dignes, dans et par notre monde – par nous aussi. Pour Dieu, ils sont dignes, et mieux même, par leur faiblesse aux yeux des humains, ces petits sont perçus par Dieu comme disponibles à sa présence et à ses bienfaits, à son Royaume. Les Béatitudes déclinent ces retournements de façon très claire. Il y a aussi ces enseignements de Jésus qui expliquent comment les derniers deviendront les premiers… Deuxième niveau pour comprendre ce verset, ce sont ces gestes et surtout ces paroles de Jésus que nous trouvons dans les trois évangiles synoptiques, des gestes d’accueil et de bénédiction des petits et des enfants, des paroles aussi qui font des enfants des modèles pour tous, et même des portiers du Royaume. [Prénoms des enfants présents], oui, tous ceux-ci présents parmi nous ce matin, oui, tous ceux-ci sont des portiers du Royaume. L’extrait de l’évangile de Marc que nous avons lu est à ce sujet extrêmement clair et limpide… Oui, il nous est proposé de regarder et d’écouter tous ces enfants qui sont avec nous : leur compréhension du monde est un chemin ouvert vers le Seigneur, un chemin ouvert pour nous aussi. Enfin, encore une façon de comprendre ces versets, qui complète les deux premières. Les ennemis et les adversaires auxquels le psalmiste fait référence ne sont-ils pas aussi, en fait, « en nous » ? J’évoquais tout à l’heure les préoccupations et les soucis qui sont les nôtres, et on pourrait y ajouter nos désirs parfois égoïstes, autant d’éléments qui peuvent prendre une place considérable dans nos esprits, une place que Dieu ne peut pas occuper. Mais tout cela peut être réduit au silence « par la bouche des enfants, des tout-petits [qui] affirment la puissance de Dieu. »

Louange envers le Créateur, pour et avec la Création. Louange pour la place que Dieu accorde à l’être humain, qui, malgré ses limites, est fait partenaire du Seigneur dans l’œuvre de Création. Enfin, louange pour ce Dieu capable de bouleverser nos systèmes humains au point que nos faiblesses deviennent des manifestations de la puissance de son amour pour nous… Quel que soit notre âge, notre état de santé, notre niveau d’études ou de diplômes, notre reconnaissance sociale, nos revenus, notre réseau relationnel, oui, où que nous en soyons dans tous ces domaines, nous sommes appelés à nous émerveiller de ce que Dieu nous donne et nous permet de faire ; et quand nous laissons cet émerveillement, cette louange se déployer, alors oui, les forces qui s’opposent à Dieu reculent et perdent de leur puissance. « Seigneur notre Maître, que ton nom est magnifique sur toute la terre ! » Amen.

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