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Prêts à témoigner d’une vie qui dépasse la mort
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Culte du dimanche 17 avril 2022 [PÂQUES]
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique : Jean 20,1-18
Frères et sœurs en Christ,
Étiez-vous prêts ? Oui, étiez-vous prêts pour aujourd’hui ? Vous avez probablement acheté des chocolats, peut-être avez-vous commencé à préparer un repas de fête aujourd’hui, ou avez-vous prévu de participer à une réunion de famille. Peut-être avez-vous pris vos dispositions pour ne pas manquer ce culte…
Dans le calendrier chrétien, 40 jours sont consacrés pour que les croyants se préparent à Pâques. Cette année, c’est donc depuis début mars que nous sommes entrés dans le temps du Carême, pour aboutir à aujourd’hui. 40 jours, près de six semaines. Cette durée est symbolique, elle évoque d’autres intervalles de 40 jours, comme Jésus au désert, ou 40 années, comme le peuple hébreu, lui aussi au désert, entre la sortie d’Égypte et l’entrée dans la Terre promise. Si l’événement de Pâques est ainsi particulièrement mis en valeur, ce long temps de préparation peut être étonnant, tant ce qui s’est joué ce matin-là se caractérise par l’inattendu. Jésus avait annoncé à ses proches les grandes lignes de ce qui allait se passer : il allait être trahi, mis à mort, et il serait relevé, réveillé de cette mort. Mais de telles informations étaient en tel décalage avec ce que les disciples pouvaient croire que même si Jésus leur en avait parlé plus tôt et plus longuement, cela n’aurait probablement servi à rien. Il y a de ces nouvelles que notre esprit ne veut pas croire. Ce que Jésus avait annoncé était incroyable, et aucune préparation n’y aurait rien changé.
Les amis de Jésus ont donc été choqués par la succession et la violence des événements. Certes, dans l’évangile de Jean, à la différence d’autres récits, quelques-uns ne l’ont pas abandonné. Au pied de la croix, sont présents sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, Marie de Magdala, et le disciple qu’il aimait. A sa mort, deux autres hommes jouent un rôle précieux : Joseph d’Arimathée et Nicodème, qui obtiennent les autorisations nécessaires et accomplissent les rituels appropriés pour l’ensevelir. Mais qui parmi eux se souvient des annonces de résurrection ? Devant l’évidence de la mort, devant son caractère incontestable, devant cette soudaineté de la séparation, peut-on penser à autre chose qu’au deuil, qui commence, ce deuil dont il est impossible de prévoir la fin ?
Nous le savons, nous qui avons connu ou qui connaissons encore de telles périodes, 2000 ans après Pâques, la mort n’a pas disparu. Nous le savons, et pourtant, quand nous ne sommes pas directement concernés, nous participons bien souvent au déni de nos sociétés sur ce sujet. Oui, la mort est un tabou, davantage aujourd’hui qu’autrefois. Beaucoup évitent d’en parler, par exemple à des enfants, préférant mentir sur l’absence d’un être cher. Beaucoup appréhendent que la mort survienne dans leur quotidien, et nous savons que de plus en plus de personnes sont envoyées dans des hôpitaux pour leurs derniers jours…
Plus largement, nous ignorons volontairement un certain nombre d’indicateurs de déclin ou de fin de vie. Certaines de nos assemblées sont concernées, mais il nous appartient d’affirmer qu’il y a encore de la vie à partager, dans la joie, même en fin de parcours. C’est vrai pour les débats que nous avons parfois dans notre société sur la fin de vie. C’est vrai aussi pour des groupes, et au-delà de nos églises, cela fait 50 années que les scientifiques nous encouragent à changer nos habitudes pour que notre environnement demeure raisonnablement vivable. Comme tant d’autres, alors que l’exactitude de ces calculs ne cesse d’être confirmée, comme tant d’autres, nous avons du mal à renoncer individuellement et collectivement à une trajectoire donnée de développement, à un modèle déraisonnable de consommation…
En tant que chrétiens, notre participation à cette mentalité collective de déni a de graves conséquences. Car si nous refusons l’idée de la mort, si nous escamotons cette limite essentielle au vivant, la résurrection n’a aucun sens. Nous ne sommes pas des témoins de l’amour inconditionnel de Dieu, nous ne sommes pas des témoins de la relation qu’il maintient avec nous en toutes circonstances, nous ne sommes pas des témoins de l’espérance et de la confiance à nouveau possibles. Si nous participons au refus de la mort, nous sommes dans le mensonge, et au fond, nous suggérons qu’il n’était pas nécessaire que Jésus soit crucifié pour signifier que Dieu nous accompagnait jusque là, dans la torture, l’agonie, la mort. Ce que nous célébrons à Pâques, ce n’est pas la mort évitée, la mort éloignée, la mort minimisée. Jésus est vraiment mort. Mais deux nuits plus tard, au matin du troisième jour, son tombeau est vraiment vide, et il est apparu à plusieurs témoins, la première de ces témoins étant Marie de Magdala.
Marie de Magdala avait-elle dormi depuis la mort de Jésus ? Ce n’est pas sûr. C’est au matin, « alors qu’il faisait encore nuit », qu’elle prend la direction de ce jardin où Jésus a été déposé dans une tombe. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à nouveau, les surprises vont se multiplier. Premier manque, une pierre qui devait fermer la sépulture. Deuxième manque, constaté d’abord depuis l’extérieur puis de l’intérieur : le corps du crucifié n’est pas là. Mais alors que Marie de Magdala, Pierre et l’autre disciple se demandent si le cadavre n’a pas été « volé » par des adversaires de Jésus pour les discréditer, lui Jésus, et celles et ceux qui l’avaient suivi, les bandelettes et le linge enroulé à part rendent cette hypothèse d’enlèvement peu vraisemblable. En effet, si le corps avait été emporté ailleurs, il aurait été plus pratique et plus efficace de le déplacer avec ces textiles… Quelque chose d’autre s’est donc produit. Plus tard, les pleurs de Marie de Magdala ne sont-ils pas « normaux » ? Mais des anges puis un homme semblent s’étonner de cette manifestation de tristesse ! Une pierre et un corps qui manquent ; des bandelettes, un suaire, des anges et des questions qui ne devraient pas être là… La liste des surprises n’est peut-être pas complète. Encore une fois, ce matin-là, qui aurait pu être prêt à cela ? Il y a un mystère, mais progressivement, la Bonne Nouvelle va prendre forme, donnant du sens à ce qui reste insaisissable.
Marie a cru rencontrer un jardinier. Nous sommes à l’aube, un nouveau jour et une nouvelle semaine commencent. Nous sommes dans un jardin, ce qui peut nous rappeler le premier lieu donné à la Création, un jardin justement, à entretenir. Ce matin-là, c’est un nouveau jour, c’est un nouveau commencement. Le Créateur avait donné un jardin et une mission à l’humanité : cultiver et prendre soin de ce jardin. Ce dimanche-là, il y a un homme pas comme les autres dans ce jardin, un homme qui connaît Marie par son nom, un homme qui la prévient qu’elle ne doit pas le retenir. Marie doit partager la nouvelle avec ceux qui l’entourent. Cet homme se laisse aussi percevoir aujourd’hui, il nous questionne, il nous donne notre nom, il nous indique aussi qu’il ne nous appartient pas, mais que nous devons témoigner de la rencontre que nous venons de faire.
Avez-vous remarqué que l’on courait beaucoup dans ce texte ? D’abord Marie de Magdala, après avoir constaté l’absence de la pierre et du corps, puis les deux disciples, dans une course qui montre leur empressement puisqu’ils n’arrivent pas tous les deux en même temps. Puis Pierre a vu. Le disciple que Jésus aimait a vu et a cru. Marie de Magdala a vu le tombeau vide, puis les anges, le ressuscité et elle l’a reconnu. Les trois amis de Jésus quittent le jardin et Jean ne nous dit plus qu’ils courent, on peut supposer sérieusement qu’ils marchent. Peut-être leurs pas ne sont pas très réguliers, car ils restent troublés. Ou peut-être sont-ils au contraire sereins, confiants, signes de la paix promise et donnée à plusieurs reprises par Jésus…
Pâques, c’est donc quelque chose qui résiste aux préparatifs ou aux annonces par anticipation, c’est une surprise immense. Pâques, c’est quelque chose qui prend au sérieux la mort pour ouvrir un au-delà. Pâques, c’est un nouveau commencement, avec Jésus vivant à nos côtés pour prendre soin de la Création, avec une Bonne Nouvelle à semer généreusement. Pâques, c’est aussi un changement de rythme, une alternative à la précipitation.
Pâques vient défier nos attentes les plus rationnelles. Avant le tombeau vide, il y a eu la mort, réelle, malgré nos dénis. La mort subsiste, mais elle n’est plus la fin. Il y a en effet un nouveau départ, différent. Il ne s’agit pas d’une répétition de ce qui avait vécu auparavant : Jésus ressuscité n’accompagne pas ses disciples de la même façon. Et de fait, les priorités peuvent changer ; au lieu de courir à cause de ce qui nous dépasse, au lieu de courir pour soi, nous pouvons nous mettre en chemin pour rencontrer notre prochain et rendre témoignage de la résurrection.
Quels témoins sommes-nous donc du Ressuscité ? Sommes-nous comme Pierre, le premier à l’intérieur du tombeau pour constater que la mort n’a pas eu le dernier mot, mais qui, au terme de ce texte, a encore du chemin à parcourir, ce qui sera fait quelques versets plus loin ? Sommes-nous comme le disciple que Jésus aimait, qui a vu puis, déjà, a cru, c’est-à-dire qu’il a compris que Jésus avait ouvert un nouveau chemin au-delà de la mort ? Sommes-nous comme Marie de Magdala, la première à se rendre à la tombe, mais aussi celle qui reste jusqu’à rencontrer et reconnaître que le Christ est vivant, celle qui va témoigner de cette vie triomphante aux autres ?
Car oui, Pâques n’existe que parce que nous nous plaçons dans cette longue lignée de témoins, depuis 2000 ans. Ce n’est ni une grotte vide ni quelques bandelettes qui peuvent faire comprendre à nos contemporains notre espérance. Mais c’est à nous de raconter tout ce qui ne disparaît pas avec la mort, c’est à nous de raconter ces surgissements inattendus de vie et ces apparitions réjouissantes, y compris dans nos deuils. C’est à nous de montrer qu’aujourd’hui encore, le mystère se reproduit, il y a un sens et une Bonne Nouvelle à notre existence. Oui, frères et sœurs, Jésus est mort, Jésus est ressuscité, il est vivant, et nous le sommes aussi ! Amen.