Culte du dimanche 13 mars 2022
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Textes bibliques : Psaume 123, Psaume 121
Chers amis,
Quand nous lisons la Bible, il peut être intéressant de comparer différents passages, pour relever leurs points communs et leurs différences. Nous percevons ainsi ces idées ou ces images qui sont répétées, et qui façonnent progressivement un message cohérent. Nous distinguons aussi en quoi les textes correspondent à des situations variées, à des moments différents, tant dans leur formulation ou leur rédaction, que dans l’utilisation que nous pouvons en faire. Même dans un ensemble réduit à 15 textes, ceux dits « des montées », les Psaumes présentent une grande diversité, une grande richesse, mais aussi une unité remarquable. Les deux Psaumes de ce matin en constituent un bel exemple. Ils commencent en effet tous les deux par « Je lève les yeux »… mais quelques phrases plus loin, car ce sont des Psaumes courts, quelques phrases plus loin, ils ne se concluent pas dans la même tonalité, dans la même atmosphère. Approfondissons un peu cela…
Dans le Psaume 123, le croyant lève les yeux vers les cieux, où habite le Seigneur. Le regard est orienté celui qui peut apporter une bonne nouvelle, une délivrance, mais les mots expriment surtout la supplication, l’attente, alors que la situation semble délicate. C’est un groupe qui appelle au secours ; un groupe qui dit être écrasé par les moqueries et le mépris d’autres personnes, d’autres peuples peut-être, que l’on peut supposer plus puissants qu’eux. Quand le Psaume arrive à son terme, rien n’indique que la délivrance attendue, le secours réclamé, aient eu lieu.
Dans le Psaume 121, le croyant lève lui aussi les yeux. Mais son regard ne va pas jusqu’aux cieux. Son regard s’arrête aux montagnes, ces montagnes d’où l’ennemi peut surgir. Oui, les chemins qui mènent à Jérusalem sont parfois entourés de montagnes, des montagnes d’où des adversaires peuvent surgir, et depuis que l’être humain combat, nous savons que celui qui surplombe son ennemi dispose d’un avantage stratégique… Bref, le regard vers le haut n’est pas recherche de secours mais plutôt vérification qu’il n’y a pas de menaces imminentes. Puis arrive, très rapidement, le deuxième verset, dans lequel le croyant affirme sa foi. Qu’il y ait ou non un danger au-delà des montagnes, le secours et la protection sont assurés, et la confiance permet d’avancer.
Après ces premières ressemblances et différences, une deuxième série, éminemment théologique, au sens étymologique du terme : les deux Psaumes parlent de Dieu, mais ils n’en disent pas exactement la même chose.
Le Psaume 123 met l’accent sur une différence fondamentale. D’un côté, la communauté des pèlerins, l’Église peut-être, en tous cas les êtres humains ; de l’autre, Dieu, présenté comme le maître ou la maîtresse de serviteurs et de servantes, ou, selon certaines traductions, le maître d’esclaves. N’édulcorons pas ces formules, même si elles nous gênent aujourd’hui, notamment parce que nous nous méfions d’une autorité abusive. Soit dit en passant, cet après-midi nous avons un temps de réflexion et d’échange sur cette notion d’autorité, pour faire le point et nous l’espérons, mieux comprendre ce qui se joue dans nos sociétés actuellement. Nous en sommes convaincus, Dieu ne veut pas que nous ayons une relation avec lui qui soit du même ordre que les rapports entre deux êtres humains, l’un qui serait le maître et le propriétaire du second. Non, Dieu nous veut toutes et tous libres, dignes, responsables. Mais la comparaison est précise, le psalmiste ne dit pas que Dieu ressemble en tous points à un maître humain, toujours guetté par l’abus de pouvoir. Celui vers qui nous appelons au secours, celui de qui nous attendons la grâce, celui-ci nous aime ; il est tout sauf indifférent à notre sort. Dieu est présenté comme un maître, mais un maître infiniment meilleur que tous les maîtres terrestres. C’est pourquoi, même quand il ne s’est pas encore manifesté, nous crions à lui. Et dans les évangiles, l’envoyé du maître, le Christ, va bouleverser nos perspectives, car Jésus se montrera au service, oui, au service de ses disciples…
Dans le Psaume 121, il est rappelé que Dieu est celui qui a créé le monde. Dieu ne connaît pas la fatigue, il ne peut pas être pris en défaut. Dieu est ici à la fois la sentinelle la plus fiable qui soit, et le protecteur le plus efficace dont nous ayons besoin. Dans ce Psaume, l’auteur affirme que « Le Seigneur te gardera de tout mal », ce qui est l’expression d’une foi admirable. Pourtant, attardons-nous un instant sur cette formule. Car nous savons trop bien que le mal est présent, et que bien trop souvent, il frappe. Inutile d’énumérer les exemples, chacune et chacun pensez sûrement à des personnes malades ou souffrantes, à des victimes de violences en tous genre… Oui, nous vivons dans un monde dans lequel nous n’échappons pas au mal. Ce qu’il faut comprendre, peut-être, c’est que Dieu ne laissera pas le mal triompher, tout emporter. Cette interprétation nous est suggérée par le message global de la Parole de Dieu. Dans les évangiles, nous voyons aussi comment Jésus, envoyé par son Père, va traverser lui aussi des épreuves comparables aux nôtres, et comment il nous montre ainsi deux choses : son amour pour nous, mais aussi la puissance et la fidélité de cette relation d’amour qui va vaincre les forces de mort. Revenons à notre Psaume. Nous ne savons pas si le croyant vient d’être délivré d’un grand danger, s’il se souvient de bénédictions passées, ou s’il est encore dans l’attente, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a confiance, qu’il peut affronter sereinement ce qui est devant lui. Ses paroles sont déjà louange, paroles de reconnaissance.
D’un côté donc, un Dieu maître et Seigneur, de qui les serviteurs et les servantes peuvent espérer un secours précieux. De l’autre, un Dieu créateur et puissant, de qui chaque membre de la communauté reçoit une protection fidèle. Ce n’est pas tout à fait pareil, mais nous discernons dans ces deux Psaumes un Dieu bon, attentif, bienveillant ; nous discernons un projet d’amour qui est décrit par plusieurs images.
Si des puissants sur cette Terre se moquent de nous, des choix de solidarité, de justice, de paix que nous voulons faire, si nous marchons sur une route incertaine, si nous craignons que le mal ne déferle sur nous et nous emporte, ces Psaumes peuvent résonner en nous. Les puissants, cela peut être ceux qui déclenchent des guerres ou qui exploitent d’autres êtres vivants ou les privent des ressources minimales pour vivre dignement. L’incertitude, cela peut être notre santé, l’évolution d’une pandémie, de notre environnement, de notre situation économique… Le mal, cela peut être la mort, sous toutes ses formes : celle d’un être cher, la nôtre aussi, physiquement ou symboliquement, personnellement ou collectivement. Ces risques ne sont pas nouveaux, mais parfois nous oublions notre vulnérabilité ; d’ailleurs cela est nécessaire, car un état de stress permanent accélère ou amplifie notre fatigue. En revanche, si nous nions longtemps cette fragilité, la réalité vient douloureusement nous montrer que ce déni est une impasse. Depuis près de deux ans, nous n’avons pas l’occasion d’oublier ou de nier notre situation, et peut-être nous arrive-t-il de perdre courage, alors qu’une crise succède à une autre, avant que la première ne soit résolue. Nous ne savons plus ce qu’il nous faut craindre le plus.
Mais depuis des milliers d’années, dans une chaîne qui l’associe à des centaines de générations, le croyant peut se tourner vers Dieu, se souvenir de sa bonté, et implorer son secours. Oui, les Psaumes contribuent à nous placer devant Dieu, à nous rappeler que la relation est possible car, malgré la distance qui nous sépare de notre Créateur et Maître, celui-ci nous aime et va franchir ce fossé. Face aux défis qui sont ceux de notre temps, face au mal qui menace, appuyons-nous sur ces prières éternelles, sur ces promesses et bénédictions qui nous sont transmises. Oui, levons les yeux, plus haut que les dangers et les difficultés qui nous entourent, levons les yeux jusqu’au ciel, assurés que Dieu nous écoute, qu’il est proche de nous et qu’il prend soin de nous. Amen.