Culte du dimanche 12 décembre 2021
Prédication par le pasteur David Veldhuizen
Texte biblique: Luc 3,7-18
Bien-aimés en Christ,
Dans quelques minutes, nous serons les témoins du baptême de Lise. Et le texte biblique proposé pour aujourd’hui nous parle justement de baptême. Alors prenons quelques instants pour nous rappeler de quoi il s’agit, à partir de l’enseignement de Jean, appelé le Baptiste. Rappelez-vous, quelques versets auparavant, l’évangéliste nous expliquait que Jean était celui qui était annoncé par le prophète Ésaïe. Sa mission était de prévenir que le Sauveur promis par Dieu à son peuple arrivait ! Jean appelait celles et ceux qui l’entendaient à prendre une décision, celle de changer radicalement, tant leur comportement que leur état d’esprit, afin d’être prêts à accueillir le Sauveur, à recevoir le pardon de Dieu. Et pour marquer cette décision, pour la rendre visible mais aussi pour davantage s’en souvenir, les Juifs pouvaient recevoir le baptême, dans les eaux du Jourdain.
A cette époque, comme cela arrive encore aujourd’hui, ce que Jean proposait a suscité une certaine curiosité. Il fallait aller voir cet homme original, aux paroles franches, décapantes voire franchement polémiques, il fallait faire l’expérience de ce baptême… Oui, parmi celles et ceux qui venaient rencontrer Jean, il y avait des personnes dans une démarche sincère de changement, et probablement d’autres plus intéressées par la sensation spirituelle du moment. Et le dernier prophète avant le Christ n’était pas dupe. Au début du passage que nous avons entendu, il interpelle ces foules qui pensent que recevoir le baptême suffira à les réconcilier avec Dieu ; d’autres pensaient que Dieu ne peut pas les rejeter, car ils étaient les descendants du peuple choisi. Il y a là deux malentendus. Le premier, c’est de croire que le baptême est une assurance que l’on souscrit pour être aimé de Dieu. Or le baptême que pratique Jean ne change rien, il sert « juste » à rendre visible la volonté de ceux qui le reçoivent de prendre un nouveau départ dans leur vie. Autrement dit, ce qui compte, c’est le nouveau départ, les décisions différentes qui seront prises, plutôt que le fait d’avoir traversé les eaux du fleuve. Deuxième malentendu, c’est de croire que d’appartenir au peuple élu de par sa généalogie constitue la même garantie, la même assurance. Non, être né des « bons parents » n’entre pas en considération pour que toute notre vie soit agréable à Dieu, pour que notre vie participe naturellement au projet de Dieu pour l’humanité, pour la Création. Jean l’explique : ce qu’il faut rechercher, c’est de produire des « bons fruits ». Les foules entendent cette mise au point et veulent en savoir davantage : « Que devons-nous donc faire ? »
Les réponses de Jean à cette question, qui est aussi la nôtre, sont presque banales. Elles ne sont pourtant pas faciles à mettre vraiment en œuvre. Le Baptiste appelle au partage : que chacun qui a plus que le nécessaire donne à celui qui n’a pas ce même nécessaire. Il appelle à l’honnêteté : que chacun qui gagne sa vie se contente de ce dont il dispose. Pour les collecteurs d’impôts, il s’agit de ne pas s’enrichir en abusant de leur fonction. Pour les soldats, il s’agit de ne pas abuser de leurs prérogatives à leur profit, il s’agit de rechercher la voie la moins violente possible. Oui, les changements recommandés ont une dimension universelle, ils correspondent aux meilleures façons dont l’humanité dispose pour vivre en harmonie, quelle que soit notre religion… Remarquez, d’une part, que Jean ne rejette pas la collecte d’impôts, y compris ici par des Juifs collaborant avec les Romains ; il ne prône pas non plus un anti-militarisme qui aurait pris la forme d’un appel à la désertion pour les soldats. Autrement dit, le changement n’est pas forcément une reconversion professionnelle, où on laisse tout ce que l’on connaît de côté pour se lancer dans quelque chose d’autre, mais plutôt transformation des habitudes. Les structures sociales ne doivent pas disparaître, mais elles ne doivent plus être perverties pour nuire aux plus faibles. D’autre part, Jean ne propose pas à ses interlocuteurs des pratiques d’ordre religieux, comme de réciter un certain nombre de prières, jeûner ou offrir des sacrifices, ce qui était la coutume à l’époque. Le changement attendu par Dieu ne réside pas dans une accumulation de rites, mais, encore une fois, dans la transformation des attitudes de chacune et chacun, au quotidien. Avec un tel discours, le Baptiste se situe dans une lignée très cohérente avec d’autres porte-paroles de Dieu des siècles passés. On peut penser aussi à beaucoup d’autres modèles de sagesse ou d’autres cultures.
Revenons à notre question. Si le baptême n’est pas nécessaire pour recevoir le pardon de Dieu, si la conversion que l’on peut manifester par le baptême appartient davantage à nos choix dans nos relations humaines habituelles, alors, le baptême sert-il vraiment à quelque chose ? La fin du texte que nous avons lu dans l’évangile de Luc, et une partie de ce que nous lirons pendant la liturgie du baptême dans quelques instants nous donne quelques indices. Jean explique que le baptême proposé par le Christ, et non par lui, le Baptiste, ce baptême ne sera pas d’eau, mais d’Esprit Saint et de feu. Au-delà de la mort symbolique et de la nouvelle naissance, au-delà d’une impression de se purifier soi-même – ce qu’il y a dans le baptême de repentance que pratique Jean -, le baptême chrétien veut aussi rendre visible un accompagnement particulier, celui de l’Esprit Saint, consolateur et moteur. Le baptême chrétien est aussi « de feu », c’est-à-dire que c’est Dieu lui-même qui brûle ce qui est mauvais en nous pour ne laisser subsister devant lui que ce qui est beau, bon et précieux. Le baptême chrétien, celui que Jésus reçoit quelques versets plus loin, c’est l’affirmation de l’amour premier de Dieu, c’est aussi la reconnaissance de Dieu venu nous rejoindre dans toutes les dimensions de notre humanité, en Jésus. Autrement dit, le baptême, c’est le Seigneur qui s’exprime, par son amour et par sa présence. Ou plutôt, c’est quelqu’un qui affirme recevoir cet amour et reconnaître cette présence.
Demander le baptême, c’est donc manifester solennellement que l’on fait partie de celles et ceux qui ont découvert et accepté les cadeaux de Dieu pour eux. C’est « marquer le coup », pour soi, mais aussi pour les autres. Car le baptême est un acte public, à la fois une fête pour la communauté des enfants de Dieu, et un témoignage, un enseignement : oui, nous voyons ainsi que l’Esprit continue à agir dans le cœur de nos contemporains, qu’il continue à rendre le Christ proche de celles et ceux que nous rencontrons, qu’il continue à rendre le Christ proche de nous par eux, qu’il continue à bâtir le royaume que nous espérons.
Le baptême encourage celui ou celle qui le reçoit, comme il renouvelle l’engagement de celles et ceux qui l’ont déjà reçu. Frères et sœurs, si le baptême n’est pas indispensable à Dieu, il nous est bien utile, à nous, croyants, facilement gagnés par la routine et l’habitude, facilement gagnés soit par la paresse et la suffisance, soit par un activisme religieux censé garantir la grâce reçue. Le baptême nous rappelle que Dieu ne renonce ni à nous aimer, ni à nous faire du bien. A sa suite, nous pouvons persévérer dans nos efforts pour vivre pleinement humains. Nous pouvons oser le partage, l’honnêteté, la vulnérabilité. Nous pouvons tout simplement ne plus craindre la vérité, car le baptême nous rappelle qu’en vérité c’est Dieu qui nous donne la vie, qui nous aime le premier, qui nous indique le chemin pour vivre ensemble, libres et dignes devant les autres et devant lui.
En un mot, le baptême est un refus de la fatalité, une affirmation d’un bonheur possible, le baptême est une Bonne Nouvelle, pour toutes et tous. Alors que cette Bonne Nouvelle nous remplisse d’espérance chaque jour ! Amen.