La confiance : choix raisonnable ou impulsion inconsciente ?

Culte du dimanche 12 septembre 2021
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Textes bibliques : Matthieu 7,24-27 et 19,13-15




Frères et sœurs,

La première histoire, celle des deux maisons, constitue la fin du Sermon sur la montagne. La deuxième est située bien plus loin dans le ministère de Jésus selon l’évangile de Matthieu. Jésus a encore quelques étapes à franchir avant la semaine décisive de la Passion à Jérusalem. Si nous sommes dans le même évangile, le contexte des deux extraits est donc différent. Et à première vue, leurs messages ne semblent pas aller vraiment dans la même direction.

Dans la parabole des deux maisons, la personne qui a entendu le Christ est appelée à mettre en pratique ce qu’elle a entendu. Il s’agit non seulement de faire confiance à Jésus, de lui reconnaître une autorité pour nous indiquer comment vivre, mais aussi d’accepter de faire un choix qui pourrait être différent de notre désir immédiat. La comparaison avec un homme qui bâtit sa maison sur le roc renforce cette idée d’un effort plus grand pour fixer les fondations, d’une capacité à privilégier le long terme sur le court terme. Intellectuellement, cela fait sens, bien sûr. Mais humainement, c’est parfois plus difficile, et c’est vrai aussi selon les âges de la vie. Un jeune enfant aura du mal à choisir de patienter s’il peut obtenir tout de suite quelque chose quand bien même ce qu’il recevra dans l’instant est objectivement moins bon, moins satisfaisant, que ce qu’il aurait reçu après un certain délai. Et il nous arrive tous d’être comme cela ! Notre jeune baptisée, aussi arrangeante soit-elle, est encore à l’âge où la faim, la soif, la fatigue, le besoin d’être changée ou le besoin d’affection ne peuvent pas attendre bien longtemps.

Notre premier texte s’adresse bien à des êtres capables de patienter malgré leurs désirs, capables de s’en remettre à la sagesse d’un autre qui leur veut du bien, capable de s’épanouir en privilégiant volontairement ce qui est durable sur ce qui apporte une satisfaction plus rapide… A ceux qui ont cette capacité-là, Jésus rappelle que le choix leur appartient.

Le deuxième texte met à l’honneur les enfants. Jésus affirme que c’est en leur ressemblant qu’il est possible de recevoir le royaume des cieux. Nous le savons bien, l’enfant dans l’Antiquité n’avait pas le même statut qu’aujourd’hui. Jésus bouscule ici les mentalités : le guide spirituel, ce n’est pas le sage, le savant, âgé, nourri de multiples expériences, mais l’enfant, qui n’a aucun mérite à mettre en avant, qui n’a pas encore d’utilité sociale…

Oui, Jésus veut que les enfants aient accès à lui, pour eux, ainsi que pour leurs parents. Quelles étaient les arrières-pensées de ces parents, qui ont d’abord été tenus à distance par les disciples, avant d’être autorisés à faire venir leurs enfants auprès de Jésus ? Le texte nous dit qu’ils attendaient un geste de bénédiction, une prière. Ces adultes font ici le même choix que [les parents de la baptisée de ce matin] : ils demandent à Jésus de rendre visible et audible le bien que Dieu veut à chacune de ses créatures, sans aucune restriction, notamment d’âge. Dans cette scène finalement, Jésus encourage ces adultes à vouloir donner accès au meilleur pour leurs enfants. Oui, Jésus met en valeur non seulement les enfants, mais les parents qui ont eu cette démarche.

Revenons au message de Jésus : le royaume des cieux appartient à ceux qui ressemblent aux enfants. Or comme je le rappelais tout à l’heure, les enfants sont dans un rapport au temps bien différent des adultes. Les enfants, eux, acceptent la vie telle que Dieu nous la souhaite, ils l’acceptent sans calculs, sans raisonnements, mais dans la confiance.

Confiance. Et si ces deux histoires nous parlaient en fait de deux façons de faire confiance, les deux étant des clés du royaume, les deux étant des « oui » à la vie que Dieu nous souhaite ? Il y a la confiance de celui qui a écouté l’enseignement de Jésus et qui décide de se placer à sa suite, qui fait donc le pari que ce chemin se révélera au fur et à mesure comme le meilleur ; c’est une confiance qui résulte d’une décision et qui s’appuie sur des preuves passées ou espérées. Et l’autre confiance, c’est celle de l’homme ou de la femme qui ne se pose pas de questions, qui reconnaît en Jésus quelqu’un qui l’aime et lui veut du bien, qui n’a pas besoin d’en savoir plus.

Croire que Jésus est le Christ, venu de Dieu pour nous donner accès à la vie avec le Seigneur, écouter sa parole et emprunter le chemin qu’il indique, c’est donc parfois le fruit d’une réflexion intérieure approfondie ; c’est parfois une impulsion mystérieuse qui peut survenir dans un moment où toute espérance semblait disparaître, ou dans un mouvement de plus grande insouciance.

La confiance des prudents, qui serait celle des adultes prévoyants voire calculateurs, n’est évidemment pas moins valable que la confiance des insouciants, qui pourrait être celle des enfants, ou de ceux qui, comme le dit l’expression, ont « gardé une âme d’enfant » ! Car ce « oui » devant l’avenir, forcément inconnu, cet avenir que nous ne pouvons pas maîtriser, ce « oui » a en fait une source unique, le Saint Esprit. Et si l’Esprit nous donne la confiance dont nous avons besoin, il peut le faire de différentes façons, d’abord parce que nous sommes différents les uns des autres, mais aussi parce qu’il est peut-être bon de mettre en commun ces forces reçues.

En effet, n’avons-nous pas besoin, notamment dans les églises, de personnes qui entretiennent les souvenirs de l’accompagnement de Dieu à travers différentes épreuves, des personnes qui vont s’efforcer de bâtir sur le roc, en travaillant à développer et consolider tout ce qui permet à une communauté d’être debout ? L’image de l’arbre nous vient alors : des racines solides pour tenir mais aussi extraire des nutriments, et des branches qui se déploient pour aller chercher la lumière et la chaleur. Mais une église a aussi besoin d’hommes et de femmes, expérimentées ou novices, qui savent créer des dynamiques, monter des projets, qui savent communiquer leur enthousiasme et leur audace et qui permettent bien souvent de vivre des moments ressourçants et des rencontres stimulantes. Et ce que je viens de dire pour une église est valable plus largement : nos associations, nos villes, nos sociétés fonctionnent mieux pour toutes et tous si elles arrivent à tirer profit des conseils de personnes précautionneuses, comme des entreprises innovantes de celles et ceux qui débordent de créativité et d’optimisme.

Oui, c’est en mettant en commun nos façons d’être et de faire que nous pouvons avancer et traverser les crises de notre monde. Quand les temps sont difficiles, quand la confiance que nous avons d’habitude vient à manquer, sachons reconnaître et nous appuyer sur la confiance de notre prochain. Nous avons besoin d’expérience et de raison, comme nous avons besoin d’une confiance plus instinctive ; et ensemble, habités par l’amour sans limite du Seigneur nous ressentirons la joie profonde de nous savoir reconnus et à notre place. N’est-ce pas cela aussi, le royaume des cieux ? Amen.

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