Des repères dans l’épreuve

Culte du dimanche 15 août 2021
Prédication par le pasteur David Veldhuizen

Textes bibliques: Jacques 1,1-5 et 12-18




Chers amis,

Vous vous en souvenez peut-être, dans les premiers mois de la crise sanitaire, une des questions qui occasionnait de nombreuses discussions était celle de l’origine du Covid-19. Pour beaucoup, c’était l’occasion de découvrir l’existence des pangolins. Le rôle des chauve-souris a aussi été beaucoup mis en valeur. Des enquêtes ont été menées par les autorités mondiales de santé, mais elles n’ont pas encore apporté de certitudes, et la Chine refuse l’approfondissement des recherches, en particulier auprès du laboratoire de virologie de Wuhan. Bref, le mystère de la transmission à l’espèce humaine demeure. Entre temps, les priorités ont évolué ; ce qui nous préoccupe ces derniers mois, ce sont les vaccins, le passe sanitaire, etc. Rassurez-vous, nous n’allons pas ouvrir le débat ce matin sur ces sujets ! Cependant, je ne doute pas que si un jour, nous disposons d’éléments sérieux sur les débuts de cette pandémie, et si par hasard des responsabilités humaines sont identifiées, notre intérêt pour ce sujet sera renforcé. En effet, qui ne voudrait pas alors réclamer justice pour les millions de victimes ? Soyons néanmoins bien conscients que plusieurs questions distinctes s’entremêlent. Il y a le « comment ? », éventuellement le « qui ? », et dans un autre registre, le « pourquoi ? ».

Frères et sœurs, ces interrogations sont comparables à celles que nous pouvons avoir concernant la création du monde. Les scientifiques poursuivent leurs travaux qui cherchent à expliquer le « comment » : comment l’univers s’est-il formé, comment la vie est-elle apparue ? Nous distinguons bien qu’il ne faut pas les mêmes outils pour élaborer des hypothèses sur ces processus si complexes, que pour chercher le sens, la raison d’être de ces mêmes phénomènes. Pour le « pourquoi ? », pour le « qui ? » à l’origine de notre existence, nous savons que la Bible, en particulier le livre de la Genèse, nous propose des histoires pour nourrir notre réflexion. A nous d’entendre ces réponses possibles, à nous de les examiner, puis de les accepter, ou non.

Mais l’origine de l’univers est rarement la question qui nous tourmente. Une autre question s’impose bien plus souvent : d’où viennent les épreuves ? Ou, plus précisément, d’où vient l’épreuve qui est devant moi, ou dans laquelle je me trouve ? Il s’agit encore une fois de chercher à donner du sens à ce qui nous arrive. Nous pensons que si nous comprenons la cause d’une situation, nous disposons d’une certaine maîtrise sur la suite, et nous espérons trouver les ressources pour traverser ou surmonter l’épreuve.

Pendant des siècles, et cela est encore vrai aujourd’hui, nous avons inconsciemment tendance à considérer que le mal nous vient d’ailleurs, qu’il nous est toujours extérieur. Parfois, ce sont les autres autour de nous qui seraient foncièrement mauvais, méchants, gratuitement. Dans ce cas, ma souffrance est injuste et l’autre doit être neutralisé pour que je sois à l’abri. Parfois, on va croire que le mal nous vient d’une divinité mécontente. Dans ce cas, ma souffrance provient d’un dieu capable de me punir pour mes négligences ou mes erreurs, et je peux éviter ou sortir de la souffrance en rachetant mes oublis et mes fautes auprès de cette instance. Autrefois, les sacrifices constituaient pour beaucoup ce moyen de réparation.

Ce type de raisonnement a deux implications majeures. La première, c’est qu’on reconnaît ainsi l’existence d’un dieu capable du mal, et que notre foi n’est en fait qu’une façon de ne pas contrarier cette divinité. La seconde implication, c’est que nous sommes en décalage avec la réalité de nos existences. Et les livres de sagesse dans la Bible nous le rappellent : les malheurs s’accumulent parfois sur le juste malgré tout, alors que les mauvais semblent étonnamment préservés, en tous cas leur péché semble toléré ou impuni…

Je le disais, cette idée que le mal nous est toujours extérieur est profondément ancré en nous. C’est également le cas concernant le bien qui nous arrive, même si nous sommes alors facilement persuadés que ce bien qui nous arrive est le résultat de nos actes. Nous avons une situation professionnelle épanouissante ? Eh bien c’est parce que nous avons travaillé pour y parvenir, et nous oublions volontiers les déterminants sociologiques ainsi que la part de chance qui sont pourtant importants. Nous avons un certain confort de vie ? Bien sûr, nous avons du discernement dans la gestion, mais aussi, et peut-être surtout, c’est le fait de notre naissance et/ou de notre vie dans un pays dans lequel les générations passées ont construit patiemment des dispositifs sociaux. Nous en sommes des héritiers, des bénéficiaires, et notre contribution à leur maintien est le premier degré de notre reconnaissance à l’égard de ces outils. Celles et ceux qui ont une bonne santé l’attribuent peut-être à la bonne hygiène de vie à laquelle ils s’astreignent. Mais encore une fois, il suffit de regarder autour de nous pour vérifier que cela n’est jamais aussi simple.

Le problème, c’est que nos raisonnements instinctifs que je viens de développer, ces raisonnements vont nous compliquer la vie quand justement nous sommes dans l’épreuve. Car si nous nous trompons sur les causes de ce qui nous arrive, nous passons aussi à côté des moyens de traverser ou de surmonter nos difficultés.

C’est dans de telles circonstances que les livres de sagesse de la Bible nous sont particulièrement utiles. Peut-être pensez-vous au livre des Proverbes, à l’Ecclésiaste ou Qohélet, peut-être même à Job, car il existe dans la Bible une catégorie de « livres poétiques et de sagesse », auxquels ces textes appartiennent. Mais l’épître de Jacques pourrait faire partie elle aussi de cette catégorie. En fait, si cette lettre est attribuée à Jacques, le frère du Seigneur, il n’y a aucun indice dans son contenu sur la vie de son auteur. Il pourrait donc s’agir de l’œuvre de quelqu’un proche de Jacques, sans être lui-même le frère de Jésus. Son contenu articule de façon originale la sagesse issue des philosophes grecs de l’Antiquité avec la foi chrétienne, et ce contenu est mieux reçu s’il est placé sous l’autorité d’une figure bien connue des premiers temps de l’Église. Enfin, et c’est l’une des raisons pour lesquelles cette épître est parfois laissée de côté chez nous protestants, en particulier à la suite de Luther, qui avait été un peu rapide pour la dénigrer, cette sagesse ne multiplie pas les références explicites au Christ. Pourtant, l’argumentation de l’auteur de l’épître est difficilement tenable sans le Christ !

Dans les extraits que nous avons lu, l’auteur de l’épître appelle les croyants à persévérer dans leur foi, alors même que les chrétiens sont dispersés, dans un empire qui leur est souvent hostile. Vous le voyez, l’impression d’être une petite minorité dans un environnement étranger à notre foi n’est pas nouvelle ! Pour les aider à tenir bon, Jacques va rappeler l’un des enseignements bouleversants du Christ, de sa venue dans l’humanité, de sa vie, de sa mort et de sa résurrection : notre Dieu est un Dieu d’amour, qui ne peut pas être la source de nos épreuves. Le Dieu de Jésus-Christ n’est pas un Dieu qui nous teste, il n’est pas un Dieu qui nous tient à proximité du mal, que ce soit par curiosité par rapport à la solidité de notre foi, ou par calcul. Au contraire, Jacques explique que nous pouvons demander à Dieu la sagesse nécessaire pour résister dans l’épreuve ; mieux, Jacques affirme de façon certaine que Dieu répond favorablement à une telle demande. Jacques insiste : « Dieu donne à tous généreusement et avec bienveillance. » Dans l’épreuve, cherchons donc auprès de Dieu les forces nécessaires pour avancer ; nous résisterons au mal, nous persévérerons, et la vie éternelle, la vie en plénitude avec le Christ nous sera accordée, non pas comme une récompense, mais comme une suite de ce que nous aurons demandé et obtenu de notre Père.

Première leçon de sagesse de Jacques : dans l’épreuve, chercher le secours auprès de Dieu, qui nous l’accordera. Deuxième leçon : rester assurés que ce qui nous fait souffrir ne vient pas de Dieu. C’est parfois le mal, la fatalité, sans qu’il n’y ait d’explication. Nous pouvons penser à la maladie ou aux catastrophes naturelles. C’est parfois la conséquence de nos désirs que nous ne parvenons pas à maîtriser et qui occasionnent le péché, et qui aboutissent à la mort. L’apôtre Paul, notamment dans l’épître aux Romains, décline ce thème dans des argumentations que nous connaissons bien. ertains disaient peut-être que la Loi de Dieu était mauvaise car elle nous condamnait ; Paul dit : « non, la Loi de Dieu est bonne », même si devant cette Loi, nous sommes condamnés, non pas à cause de la Loi, mais parce que notre volonté de suivre cette Loi est trop faible. Par Christ, par la grâce, sans aucun mérite de notre part, Dieu nous rend juste devant la Loi, et devant lui.

Dieu ne nous donne que des bonnes choses. C’est cette assurance que les mots de l’épître de Jacques nous invitent à faire nôtre. Dans l’épreuve, quand nous perdons nos repères, quand notre inconscient nous suggère des raisonnements trompeurs, nous avons besoin d’une telle mise au point. Elle est simple. Elle est décisive. Une telle mise au point nous rappelle que nous pouvons crier « au secours » à Dieu, qui nous entendra. Elle nous rappelle que le Tout-Autre est amour, et donc que des forces qui dépassent infiniment nos fragilités nous sont favorables. Elle nous rappelle que même dans l’épreuve, nous sommes invités à exprimer notre louange et notre reconnaissance : en effet, Dieu se tient à nos côtés.

Si le malheur ou les difficultés se multiplient, si nous en venons à nous interroger sur la responsabilité de Dieu à ce sujet, Jacques nous aide à retrouver nos repères. Ce qui fonde notre foi, ce qui rend notre vie possible, c’est l’amour de Dieu pour nous, un amour premier, inconditionnel, sans limites. Quand nous nous rappelons que l’amour et le bien nous viennent de Dieu, alors nous pouvons reprendre pied, l’espoir peut renaître, notre endurance est renforcée. Nous ne sommes pas isolés, nous sommes aimés et soutenus. Nous pouvons dire : merci Seigneur !

Et avec cette assurance, nous pouvons aussi aider celles et ceux qui souffrent. Nous pouvons leur affirmer qu’ils ne sont pas seuls dans les épreuves. Il est fondamental d’apporter notre soutien concret à nos proches ou à nos connaissances, quand nous sommes en mesure de soulager leurs difficultés. Mais parfois, c’est notre point de vue sur l’existence humaine qui apportera le réconfort nécessaire. Il ne s’agit pas de se poser en donneurs de leçons, et nous pouvons être préservés de cette attitude en nous plaçant sincèrement à l’écoute de la personne qui s’interroge. N’ayons pas en bouche de réponse avant d’avoir vraiment entendu l’autre ! Car pour que notre aide soit pertinente, il est important de distinguer de quels repères notre interlocuteur semble avoir besoin. Pense-t-il que tout le monde lui en veut ? Dans ce cas, nous pouvons souligner que ce n’est pas le cas de Dieu, ni même de nous-même. Pense-t-il qu’il n’est capable de rien ? Suggérons alors de demander à Dieu cette sagesse si utile dans l’épreuve, cette conscience que Dieu nous veut du bien et qu’il vient au secours de nos manques. Oui, après l’écoute, une parole peut venir interrompre une spirale négative. Comme l’auteur de l’épître de Jacques, nous pouvons montrer des repères, des points d’appui, nous pouvons être des témoins de l’Évangile, des agents de la bienveillance de Dieu à l’égard de toutes ses créatures. Et à nouveau, nous pouvons être reconnaissants à Dieu de nous permettre d’être ainsi à son service. Amen.

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